Une chronique de Christian Fileaux : une infox. L’inceste entre Napoléon et sa sœur Pauline

Auteur(s) : FILEAUX Christian
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Une fois l’Empire à terre et l’Empereur exilé, il fallait encore effacer toute l’honorabilité de l’empreinte qu’il avait laissée et frapper l’ennemi à terre. On utilisa contre lui les pires accusations, dont celle d’avoir commis le crime d’inceste avec sa sœur Pauline, lors du passage de celle-ci à l’île d’Elbe durant l’hiver 1814.

Une chronique de Christian Fileaux :  une infox. L’inceste entre Napoléon et sa sœur Pauline
Christian Fileaux © letelegramme-fr

Ce fut certainement l’une des plus tristes calomnies mises en œuvre par ses adversaires. Et bien sûr, chacun d’affirmer à qui mieux mieux qu’il avait connu la meilleure source, celle de celui qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme. Jusqu’à l’ancien ambassadeur des États-Unis en France, au moment de la Révolution Gouverneur Morris, qui citera, quant à lui  comme source le général Moreau (qui détestait Napoléon), qui aurait lui-même été renseigné par la langue de vipère qu’était Mme de Rémusat. Tout cela n’était que rumeur, mais comme toutes les rumeurs, elle circulait allègrement. Il faudra attendre la toute fin du XIXe siècle pour que le spécialiste incontestable des études napoléoniennes, mette un frein à cette odieuse affirmation qui a fait couler beaucoup d’encre durant près d’un demi-siècle. [Voir Etudes napoléoniennes – Janvier 1913 – Napoléon et sa famille – t. X – réédit. Albin Michel – 1927]
Voici en quelques extraits le contenu de son article : « […] Il a été affirmé que l’Empereur avait eu, à l’île d’Elbe, des rapports incestueux avec sa sœur. Pour le démontrer, on n’avait qu’une phrase que la princesse aurait tantôt écrite, tantôt faite écrire à une femme de confiance à Paris, et qui aurait été rapportée par Jaucourt à Talleyrand, par Beugnot à Mounier, ou par un policier à Louis XVIII. on ne présente ni la lettre de Pauline, ni celle de la femme de chambre, mais on ne fait pas moins de l’inceste de Napoléon la matière principale de (tels) pamphlet [...] Napoléon lui-même a par deux fois, dans des termes presque identiques raconté à O’Meara, qui ne pouvait rien en connaître, le procédé de M. de Blacas dont il était indigné : – lorsque j’arrivais à Paris après mon retour […] je trouvai, dans les papiers particuliers de M. de Blacas […] une lettre écrite de l’île d’Elbe par une des femmes de chambre de ma sœur Pauline et qui paraissait avoir été dictée dans un moment d’aigreur […] M. de Blacas avait fait falsifier cette lettre en y ajoutant des histoires abominables, jusqu’à dire que j’avais couché avec ma sœur et, en marge, était écrit, de la main du faussaire : – à faire imprimer [O’Meara – t. 1 – p. 248]. La déclaration qu’en fera le médecin britannique O’Meara dans son livre, a été confirmée par Marchand, le valet de chambre de l’Empereur.
Il semblerait que Frédéric Masson, fort de son enquête, ait identifié l’auteur de la falsification de la lettre dont parle l’Empereur à O’Méara. Il s’agirait d’un homme d’église : l’abbé Fleuriel. Ce dernier aurait été un habile faussaire, utilisé à des fins politiques peu honorables. Masson poursuit : « Ce fut par les soins de l’abbé Fleuriel, attaché au cabinet de M. de Blacas, que furent falsifiés les lettres écrites par Murat à l’Empereur, dont les copies mises aux mains du gouvernement anglais, déterminèrent les résolutions du parlement britannique… » .
Ainsi, l’Empereur ne fut pas la seule victime de l’abbé et si Murat a perdu son trône de Naples, ce fut aussi un peu à cause des faux transmis au gouvernement anglais, par les services un peu spéciaux de Blacas, ministre alors préféré de Louis XVIII.

Christian Fileaux, Ancien président du Souvenir napoléonien et délégué du Souvenir napoléonien pour la Bretagne. Il est auteur d’une biographie sur Le maréchal Lefebvre, duc de Dantzig (aux éditions SOTECA ; 2016).
Décembre 2020

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inédit
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