Une chronique de Florence de Baudus : « Caulaincourt, fidèle à l’empereur mais dans la douleur »

Auteur(s) : BAUDUS Florence de
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Seul militaire nommé dans le film de Ridley Scott, Armand de Caulaincourt y fait deux brèves apparitions, sans qu’on apprenne quoi que ce soit de sa relation à Napoléon. Or cet officier fut un des plus proches de l’Empereur et mit son honneur à le servir tout le long de son règne.

Une chronique de Florence de Baudus : « Caulaincourt, fidèle à l’empereur mais dans la douleur »
Florence de Baudus © Fondation Napoléon / Rebecca Young

Armand de Caulaincourt n’avait pas, du moins les premières années, d’attachement affectif à Napoléon et il avait de bonnes raisons pour cela : Napoléon le contraria dans son ambition militaire, car il le préférait diplomate, ministre puis plénipotentiaire. Il s’opposa longtemps à ses amours pour Adrienne de Canisy, car, aussi mal mariée était-elle, Napoléon ne voulait pas d’un remariage pour un de ses serviteurs. Enfin, passionné de gloire militaire, il entrava continuellement son aspiration indéfectible pour la paix.

Pourtant, Caulaincourt fut peut-être, parmi ses collaborateurs, le plus fidèle, en toute liberté, à la personne de l’Empereur.

Cette fidélité fut douloureuse. À commencer par son implication involontaire dans l’affaire du duc d’Enghien : après avoir été enlevé à Ettenheim par la police de Bonaparte, ce prince avait été exécuté dans les fossés du château de Vincennes. Caulaincourt, alors aide de camp du Premier consul, avait été envoyé à Strasbourg pour déjouer les attentats possibles et procéder à quelques arrestations. Il ne rencontra jamais le prince et n’apprit son exécution qu’en rentrant à Paris. Peu de temps après, le Premier consul devenu Empereur constitua sa maison et choisit Caulaincourt pour être son grand écuyer. Plus que sa responsabilité douteuse dans ce drame de Vincennes, l’opinion royaliste ne lui pardonna pas d’avoir accepté aussi vite cet honneur.

L’ambassade à Saint-Pétersbourg qu’il accepta à contre-cœur fut pendant quatre ans, aussi fastueuse que sans grands résultats. À deux reprises, il échoua à réaliser un mariage entre Napoléon et une des sœurs de l’empereur Alexandre Ier. Il croyait pouvoir consolider l’amitié scellée à Tilsit entre le souverain français et le souverain russe. Il s’y attela avec tant d’énergie que Napoléon l’accusa à plusieurs reprises de privilégier les intérêts du tsar. « Vous êtes plus russe que français », se plaisait-il à grommeler.

C’est que la fidélité de Caulaincourt ne se confondit jamais avec une quelconque flatterie mensongère. C’est peut-être pour cela que l’Empereur le choisit comme unique compagnon d’un voyage de treize jours dans un traîneau ouvert à tous les vents, entre Smorgoni et Paris. Comme un prélude aux entretiens de Sainte-Hélène, Napoléon s’épancha, abordant mille et un sujets, étonné et heureux de se heurter à la franchise rugueuse de son interlocuteur.

Toute l’année 1813, Caulaincourt épuisa ses forces à préserver l’alliance russe, à la recherche infructueuse et même controversée d’un traité de paix entre la France et les Puissances alliées. Malgré ses efforts constants, la bataille perdue de Leipzig ouvrit la porte à l’invasion de l’Empire français.

La fidélité de Caulaincourt ne fut jamais aussi forte que dans les jours qui précédèrent la première abdication. Les souverains étrangers occupaient la capitale. Réfugié à Fontainebleau, l’empereur vaincu mettait ses derniers espoirs dans les qualités diplomatiques de son plénipotentiaire. D’autant plus attaché à Napoléon que les trahisons de ses pairs se multipliaient, Caulaincourt allait et venait entre Paris et Fontainebleau dans la quête désespérée d’une issue honorable pour son empereur.

Une fois signé le traité de Fontainebleau (qui ne fut pas respecté), Caulaincourt considéra achevées ses fonctions auprès de Napoléon.

Après le désastre de Waterloo, il mena une existence retirée, toujours surveillé par la police royaliste. Toutes ses actions passées étaient scrutées avec hostilité. Il dut affronter écrits calomnieux et procès iniques.

Unique consolation, le mariage religieux d’Adrienne ayant été invalidé, il put épouser et vivre avec la femme qu’il aimait.

Florence de Baudus (février 2024)

Florence de Baudus est essayiste, écrivaine, romancière, historienne, auteur de plusieurs livres dont Caroline Bonaparte : Sœur d’empereur, reine de Naples (Perrin, 2014),  Pauline Bonaparte, princesse Borghèse (Perrin, 2018) et Napoléon face aux souveraines de son temps (Perrin, 2021).

► Lire la biographie d’Armand de Caulaincourt

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