Une chronique de Michel Roucaud : Avec l’exposition Les forteresses de l’Empereur, un nouveau cycle d’études et de valorisation du patrimoine napoléonien débute !

Auteur(s) : ROUCAUD Michel
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Après l’année 2021 et le bicentenaire de la mort de Napoléon, l’on pourrait croire que la valorisation et la recherche sur le Premier Empire s’est éteinte. Il n’en est rien puisqu’un nouveau cycle débute ce mois-ci. Le service historique propose ainsi une exposition sur Les forteresses de l’Empereur. Napoléon et ses ingénieurs militaires dans l’Europe en guerre pour trois mois dans les appartements royaux du pavillon du Roi au Château de Vincennes.

Une chronique de Michel Roucaud : Avec l’exposition <i>Les forteresses de l’Empereur</i>, un nouveau cycle d’études et de valorisation du patrimoine napoléonien débute !
Michel Roucaud, commissaire scientifique de l'exposition sur les forteresses de l'Empereur,
jusqu'au 20 mai 2022, au château de Vincennes.

Connu de tous comme le stratège et le tacticien de l’offensive, de la guerre de mouvement et de la bataille décisive, Napoléon n’apparaît pas, dans la mémoire collective, comme un adepte de la guerre de position.

Pourtant, Napoléon, artilleur de formation, connaît parfaitement la guerre de siège théorisée par Vauban en 1704. Lors de ses campagnes militaires, il sait la mettre au service de ses projets.

Cette exposition a donc pour objet de mettre en lumière le rôle de la fortification et du corps du génie militaire tant dans la politique impériale (contrôle et administration des territoire, mise en place du blocus continental à partir de 1806) que dans stratégie militaire (ligne d’opération ponctuée de places fortifiées et sièges offensifs puis défensifs).

À travers les documents d’une grande richesse technique et esthétique conservés dans les fonds du Service historique de la Défense (fonds du dépôt des fortifications, fonds des cartes, fonds privés, collections de la bibliothèque, collection du ministre de la Guerre), le visiteur se plonge dans la pensée de l’Empereur et peut apprécier le rôle qu’il donne aux places fortes pour conduire ces campagnes et pour assurer le contrôle de son empire.

© SHD 2022

Dans le schéma de lutte contre l’Angleterre et de protection des côtes Napoléon a ainsi une gestion très personnelle des batteries de côtes. L’Empereur découvre en 1810 que 906 batteries de côte sont mal entretenues. Il fait remplacer les pièces d’artillerie défaillantes (canons et mortiers) et augmenter leur portée. Dans une note du 2 mai 1811, Napoléon ordonne l’établissement de tours dans les 200 batteries de côte les plus importantes. Les tours doivent servir à la fois de vigie, de magasins, de logement et de réduit pour les défenseurs. S’inspirant de celles établies en Égypte, trois modèles définitifs de tours sont adoptés le 10 juillet 1811. De neuf à seize mètres de côté, ces tours carrées sont dotées de magasins en sous-sol, d’un logement pour 18, 30 ou 60 hommes au rez-de-chaussée et d’une plateforme pour des fantassins et deux à quatre canons. Le feu de la tour doit empêcher l’ennemi débarqué de venir neutraliser les canons de la batterie. Deux modèles de tours plus petites et sans artillerie sont aussi adoptés, ainsi que deux modèles de redoutes carrées, à bastions et cour centrale. Toutefois, seules une vingtaine de tours et deux redoutes (île d’Aix et Toulon) sont construites. L’exposition nous invite ainsi à découvrir cette volonté de Napoléon de standardiser les batteries pour la défense des côtes de son Empire, faisant ainsi preuve de pragmatique et de bonne gestion. De tels ouvrages coûtent moins chers que d’importantes places de défense.

Le visiteur est aussi amené à voir l’évolution des techniques de sièges – de la sape théorisée par Vauban au bombardement des places permis par l’évolution de l’artillerie – et les modifications architecturales qui en découlent dans la fortification des places. Dans ce parcours muséal, le public pourra admirer des plans de places fortes et d’innovations techniques, issus des fonds du génie et de l’artillerie du service historique, des fonds de la bibliothèque et des fonds privés du SHD. Parmi ces derniers, nous pouvons en citer deux récemment entrées dans les collections du service, celui du général de Monfort, général du génie de la Révolution et de l’Empire, dont le SHD prépare la publication des mémoires avec le soutien de la Fondation Napoléon, et le fonds hors norme du général de Chasseloup-Laubat, qui nous permet notamment de repenser le rôle du génie dans la défense de l’Italie du nord sous l’Empire.

À côté de ces pièces comme le plan relief de tour de défense côtière prêté par le musée des plans-reliefs, chacun pourra admirer des planches d’uniformes d’officiers d’armes savantes, des modèles réduits d’artillerie prêtés par le musée de l’armée, une lunette et une écritoire du Grand Quartier général prêté par la Fondation Napoléon, des instruments de lever topographique prêtés par l’institut géographique national, une bombe de 8 prêté par l’association des démineurs de France, des aquarelles et gravures de sièges, des photographies de places et casernes qui subsistent de nos jours, qui participe à l’héritage en pierre napoléonien : en France comme en Europe, telles la tour à canons de l’île de Saint-Marcouf (France) ou les forteresses de la Rocca d’Anfo (Italie) et de Modlin (Pologne).

Ainsi, une telle exposition qui aborde le rôle des armes savantes dans les guerres napoléoniennes en général, et des officiers du génie en particulier témoigne de la richesse et de la diversité des fonds du SHD, qui est dans le même temps le gardien de la mémoire des armées et un acteur essentiel de l’écriture de son histoire.

Le SHD vous invite donc à visiter cette exposition en abordant 5 thèmes :

  • Les premières années de Bonaparte et le bouillonnement des idées ;
  • Les officiers des armes savantes au service de Napoléon ;
  • Les fortifications et les sièges dans les guerres napoléoniennes ;
  • Les places fortes de l’Empire, projet et architecture ;
  • et enfin Les héritages napoléoniens en France, en Europe et outre-Atlantique.

Tout au long de ce parcours vous pourrez de même découvrir la biographie de certains de ces officiers « ingénieurs » qui ont écrit l’histoire des guerres napoléoniennes.

Il faut croire qu’un nouveau cycle de recherche et de valorisation a bel et bien débuté !

Michel Roucaud (SHD), commissaire scientifique de l’exposition

Mars 2022

Docteur en histoire de l’université Paris I-Sorbonne, Michel Roucaud est un spécialiste de l’histoire du premier Empire, chargé d’études au Service historique de la Défense. Il est aussi lieutenant colonel de la réserve de la gendarmerie nationale.

Titre de revue :
inédit
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