Une chronique de Peter Hicks : L’« Hymne portugais » / « Peuple fidèle », la musique funéraire véritablement européenne de Napoléon

Auteur(s) : HICKS Peter
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La mélodie de Peuple fidèle (O come, all ye faithful en anglais) est peut-être le plus célèbre de tous les chants de Noël (après Jingle Bells, probablement). Non seulement des deux côtés de la Manche, mais aussi aux États-Unis et ailleurs dans le monde anglophone. Bien que ses origines soient mystérieuses – est-il français, britannique ou portugais au départ ? –, c’est probablement la seule chanson de Noël à connotation napoléonienne.

Une chronique de Peter Hicks : L’« Hymne portugais » / « Peuple fidèle », la musique funéraire véritablement européenne de Napoléon
© Fondation Napoléon / Rebecca Young

La mélodie et les paroles auraient été écrites par le catholique britannique John Wade (d. 1786), vers 1750, mais en Europe continentale, à Douai, la ville vers laquelle Wade s’était enfui après l’échec de la rébellion de 1745 de Bonny Prince Charlie en Écosse. La mélodie de la ligne solo (écrite en notation plain-chant) et les mots latins ont été imprimés peut-être en 1751.
Le compositeur britannique de la fin du XVIIIe siècle, Samuel Webbe (un ami de Wade) a publié l’hymne à Londres en 1782 dans une version harmonisée dans An Essay or Instruction for learning the Church Plain Chant.
Presque simultanément à Londres, cette pièce était appelée « Hymne portugais » parce qu’elle avait été entendue à la chapelle de l’ambassade du Portugal dans les années 1780. Quant à la version française (Peuple fidèle), elle a été écrite en 1790 par le prêtre réfractaire Jean-François Borderies, soit à Anvers, soit à Londres.
Mais pourquoi tout cela est-il pertinent pour les passionnés de Napoléon ?

À l’insu de la plupart, l’Hymne portugais faisait partie du répertoire funéraire standard pour les fanfares militaires britanniques et américaines dans la première moitié du XIXe siècle : ainsi, il a été joué aux funérailles du duc de Wellington en 1852. Bien que cela puisse sembler étrange qu’un air si joyeux fut employé à des fins funèbres, le goût musical des gens d’autrefois est souvent mystérieux pour ceux qui adviennent après ! Le soldat britannique Francis J. Bellew, racontant son service militaire en Inde dans les années 1820, évoquait « les airs solennels de l’Adeste Fideles ou Hymne portugais, un air chantant, admirablement adapté à de telles occasions, et qui respire l’âme même. de mélancolie.” (“Memoirs of  a Griffin”, in The Asiatic Journal or Monthly Register for British and Foreign India, China, and Australasia, vol. xxxviii New Series, May-August, 1842, p. 215.)

Un récit contemporain de Sainte-Hélène de l’exhumation du corps de Napoléon (1840) rapporte la deuxième procession funéraire de Napoléon comme suit :

« Vers quatre heures moins le quart, un coup de canon, tiré de l’Alarm House, indiqua que la procession quittait la tombe en route pour la ville. […] Vers cinq heures de l’après-midi, la procession atteignait la ville, […] La ville présentait une apparence très frappante à ce moment. Les enseignes anglaises hissées à Ladder Hill et James Town, et les drapeaux nationaux aux consulats étrangers flottant à mi-hauteur des mâts. […] Soudain, des airs de musique solennelle vinrent flotter dans l’air, et la procession entra lentement en ville […] L’orchestre de la Milice locale de Sainte-Hélène, joua[i]t la marche funèbre (Hymne portugais) […]. »(NARRATIVE OF PROCEEDINGS CONNECTED WITH THE EXHUMATION AND REMOVAL OF THE REMAINS OF THE LATE EMPEROR NAPOLEON / BY A RESIDENT printed for the proprietor by William Bateman. St. Helena – 1840, page 17-18)

Cette partition manuscrite d’un arrangement de cette pièce figurait parmi les souvenirs que le valet de chambre de Napoléon, Marchand, rapporta de l’expédition envoyée à Sainte-Hélène en 1840 pour rapatrier la dépouille de Napoléon en France lors du Retour des Cendres. (Ecoutez cette arrangement joué au piano).

Marche funèbre jouée par la fanfare de la milice locale de Sainte-Hélène tandis que le corps de l'Empereur était transporté du tombeau à la ville, Anonyme, vers 1840 © Collection Privée
Inscription: « Marche funèbre jouée à Sainte-Hélène par la musique de la milice de l’ile [illisible] la translation du  corps de l’Empereur de la vallée du tombeau à la ville », Anonyme, vers 1840 © Collection Privée
À Paris, deux mois plus tard, le Requiem de Mozart accompagne l’Empereur jusqu’à sa dernière demeure, sous le Dôme des Invalides.

Joyeux Noël Napoléonien !

Peter Hicks
Décembre 2021

Peter Hicks est chargé d’affaires internationales à la Fondation Napoléon.

Écoutez cet arrangement de « l’Hymne Portugais », joué au piano par Peter Hicks, et découvrez des images du départ de Sainte-Hélène en octobre 1840, lors du Retour des Cendres.

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