Une chronique de Peter Hicks : le Requiem de Mozart pour le Retour des Cendres de Napoléon, une interprétation mémorable

Auteur(s) : HICKS Peter
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Pour la messe de la translation des cendres de Napoléon aux Invalides, le 15 décembre 1840, le premier choix se porta sur la grande messe funèbre de Cherubini, directeur du Conservatoire de musique de Paris. Puis, finalement le Requiem de Mozart fut sélectionné à sa place. Dans une lettre privée, le compositeur Adolphe Adam s’amusait du fait que Berlioz se sentit offusqué de la mise à l’écart de son propre Requiem. Pour sa part, Berlioz n’aimait pas Adam « lui non plus », disant que le compositeur s’était « cassé les reins sur [s]on apothéose [de Napoléon] » exécuté quatre mois auparavant en juillet, place de la Bastille.

Une chronique de Peter Hicks : le <i>Requiem</i> de Mozart pour le Retour des Cendres de Napoléon, une interprétation mémorable
Peter Hicks

Si Victor Hugo se plaignit du Requiem de Mozart, qui fit « peu d’effet », et fut considéré comme une « belle musique, déjà ridée », en revanche le journal L’artiste (1840) fut beaucoup plus positif :

« Je n’essayerai pas de vous rendre compte de la terrible [sens latin terribilis, c’est-à-dire, redoutable] impression produite par le Requiem de Mozart, exécuté sous la direction de M. Habanek, par un orchestre de trois cents musiciens, cent cinquante chanteurs et cent cinquante instrumentalistes, l’élite de nos théâtres lyriques. Comment exprimer avec des paroles l’effet de la voix de Duprez ou de Lablanche? Comment donner une idée du chant combiné de Mmes Grisi, Viardot-Garcia, Persiani, Dorus-Gras? […] Mais je vous dirai en revanche comment cet orchestre a produit un effet si plein, si puissant ; comment ces sons harmoniés de tous les instruments et de toutes les voix remplissaient l’église, et vibraient dans un ensemble plus harmonieux qu’on ne l’entendit jamais ailleurs. C’est que les architectes avaient su disposer l’orchestre admirablement pour obtenir l’effet le plus magnifique, le plus imposant ; c’est que l’orchestre, presque entièrement isolé de la maçonnerie, porté sur des piliers de bois et formé lui-même de planches de sapin, vibrait tout entier comme un seul instrument, et que chacun des sons perdant par l’effet de cette vibration commune ce qu’il pouvait avoir de légèrement dissonant, il en résultait un ensemble d’harmonie d’une justesse, d’une ampleur, d’une précision inouïes, comparable seulement à l’harmonie des chœurs célestes, ou à cette fabuleuse harmonie des astres sur laquelle les philosophes de l’antiquité ont écrit de si belles choses, sans que jamais personne l’ait entendue, je m’assure.
Ensuite est venu le Dies irae, qui a produit un effet immense […] À cinq heures et demie tout était fini, et le canon annonçait le départ du Roi (« L’artiste : journal de la littérature et des beaux-arts », (Paris, 1840) pp. 396-7. Voir aussi Jean-Marcel Humbert, Napoléon aux Invalides, Paris, éditions de l’Albaron, 1990, pp. 73-84.). »

Napoléon était de retour, pour ne plus quitter Paris.

Peter Hicks
Mai 2022

Historien, Peter Hicks est chargé d’affaires internationales à la Fondation Napoléon.

► James Gaffigan dirige l’Orchestre national de France et le Chœur de Radio France dans le Requiem en ré mineur K.626 de Wolfgang Amadeus Mozart, avec la soprano Marita Solberg, la mezzo-soprano Karine Deshayes, le ténor Joseph Kaiser et la basse Alexander Vinogradov. Concert enregistré le 29 juin 2017 en direct de la basilique de Saint-Denis dans le cadre du Festival de Saint-Denis.



► Retrouvez notre dossier thématique sur le Retour des Cendres

Titre de revue :
inédit
Année début :
2022
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