Une chronique de Peter Hicks : Le train-train remarquable (et musical) d’Adélaïde Moitte née Castellas

Auteur(s) : HICKS Peter
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La vie des autres est toujours mystérieuse. Et si on rajoute deux cents ans, alors le mystère devient total. Par un heureux accident, le récit journalier d’une femme de classe moyenne nous est parvenu, ainsi nous informant sur presque tout ce qu’elle faisait et pensait dans les deux dernières années de sa vie. Sur des feuilles de grand format, Adélaïde Moitte née Castellas chaque soir rédigeait ce qu’elle (femme bourgeoise mais sans grande fortune) avait fait tout le long de la journée.

Une chronique de Peter Hicks : Le train-train remarquable (et musical) d’Adélaïde Moitte née Castellas

Nous pouvons la suivre faire ses courses, « tracasser » à la maison, réparer et modifier des vêtements, préparer des plats pour le dîner, diriger sa maison. Mais les détails plus saisissants (au moins pour moi en tant que musicien) sont ceux où elle parle de la musique qu’elle aimait tant et qu’elle faisait jouer chez elle presque tous les jours. Elle était prête à marcher loin de sa maison jusqu’au Passage des Panoramas sur les grands boulevards parisiens pour s’abonner à la musique imprimée ou pour chercher un duo vocal d’un compositeur italien que le professeur de fortepiano, Rosankustre, lui avait recommandé. Elle récompense son aide/amie Louise pour une exécution particulièrement réussie du « Bouquet », morceau descriptif d’un bouquet de fleurs dédié à Joséphine impératrice et reine d’Italie par Daniel Steibelt (compositeur oublié aujourd’hui mais qui, en son temps, était une sorte de croisement génial entre Richard Clayderman et John Williams !). Elle décrit aussi les « jam sessions » à la maison, quand tout le monde chez elle prenait un instrument pour jouer ensemble, ce qu’elle appelle « barroquer » ! À travers ses notes journalières (sans doute uniques !), on peut reconstruire au moins partiellement une soirée musicale bourgeoise sous l’Empire. On peut jouer le Bouquet de Steibelt (la partition existe encore !), on peut exécuter un duo vocal du compositeur italien Paisiello, on peut jouer tous ensemble un morceau humoristique de Georg Joseph Vogler titré « Brouillerie entre mari et femme », qui rappelle non seulement un topos classique mais aussi les relations particulièrement tumultueuses entre Adélaïde et son mari. Chez elle, ils ont surement chanté et joué des romances – Adélaïde lui en offre une de Charles-Henri Plantade. Finalement, étant donné l’engouement général pour le nouvel instrument, le fortepiano, qui, à la différence du clavecin, pouvait jouer expressivement fort et doucement, ils auraient très probablement joué le nouveau genre popularisé sous le Consulat et l’Empire, le morceau musicale et historique pour fortepiano évoquant la bataille. Dans notre conférence musicale à Paris le 15 décembre, nous allons revivre une soirée chez Madame Moitte !

Historien et chargé d’affaires internationales à la Fondation Napoléon, Peter Hicks est également maitre de chapelle à l’église anglicane de Saint-Georges.

9 décembre 2022

Pour tout savoir sur cette conférence musicale inédite et vous inscrire, consultez cette page.

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