Une chronique de Philippe de Méneval : « De Purple Rain à Murat : le costume napoléonien du « Prince » de la pop »

Auteur(s) : Philippe de Méneval
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Napoléon avait compris l’importance de l’apparat pour frapper les imaginations. D’une certaine façon, être empereur c’était aussi être une star. À travers ses conquêtes, l’épopée napoléonienne a donc propagé des idées et des institutions, mais également un style et une esthétique de la grandeur qui ont perduré dans la mode et atteint des relais parfois inattendus.

Ainsi le chanteur-compositeur américain Prince Rogers Nelson (1958-2016) s’est-il inspiré des uniformes militaires de l’Empire pour ses costumes de scène.

Une chronique de Philippe de Méneval : « De <i>Purple Rain</i> à Murat : le costume napoléonien du « Prince » de la pop »
Philippe de Méneval © D.R

Ce prénom, Prince, n’est pas banal et permet de comprendre comment il est possible de relier son histoire avec celle de l’Empire. Il lui avait été donné à sa naissance par son père, en référence au groupe de jazz qu’il dirigeait dans les années 60, le « Prince Rogers Trio ». Comprendre les rapports de Prince avec son père mériterait un livre entier. Il suffira de garder à l’esprit que John Nelson avait des ambitions inassouvies, et qu’il voyait son fils comme une création chargée de les réaliser. Une emprise contre laquelle Prince s’élèvera toute sa vie, jusqu’à fuguer du domicile paternel à 15 ans, et finir par faire raser la maison qu’il avait prêtée à son père à son décès en 2001.

À ses débuts, Prince trouvait son nom inapproprié pour la scène. Après avoir hésité à en changer, il choisit au contraire de s’en emparer et de le porter haut. Une manière pour lui de s’émanciper et de revendiquer d’emblée son appartenance à la race des seigneurs.

Après des années passées à grimper les échelons dans l’ombre, le succès mondial se profile enfin en 1984 avec Purple Rain, son album phare. Les années de provocation punk pour séduire l’underground doivent prendre fin pour atteindre un public plus large. Il lui faut assagir sa garde-robe et la mettre au niveau de ses prétentions.

Jusque-là, Prince est encore habillé à partir de vêtements piochés dans les surplus et les puces par la sœur de son meilleur ami et bassiste des débuts. Sa maison de disque, la Warner, dépêche alors pour le conseiller une jeune française diplômée des Beaux-Arts installée à Los Angeles : Marie-France. Celle-ci est déjà costumière pour le groupe Earth, Wind & Fire.

Elle le convainque d’adopter des tissus luxueux et des accessoires de mode de la noblesse française de la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe. Elle se réfère notamment à l’image d’un général de Napoléon, dont le portrait aperçu dans un musée l’a marquée. La chemise à jabot, les dentelles et la pelisse de cavalier font ainsi leur apparition dans le costume de scène de Prince, notamment lors de la chanson d’ouverture de sa tournée de 1985.

Prince Rogers Nelson dit Prince, auteur-compositeur-interprète, en 1970. ©Getty - Michael Ochs Archives
Prince Rogers Nelson dit Prince, auteur-compositeur-interprète, en 1970. ©Getty – Michael Ochs Archives

Ce modèle impérial rappelle directement un cavalier comme Joachim Murat. Le style flamboyant du roi de Naples aurait-il ainsi influencé un autre homme d’origine modeste, tout aussi décidé à participer à la grande aventure et briller sur les champs de bataille, musicaux cette fois ?

Capture d’écran issue du concert « Purple Rain » de Prince (1984–1985) © YouTube. Utilisation à titre de courte citation dans un cadre critique et informatif, conformément à l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Tous droits réservés aux ayants droit.
Capture d’écran issue du concert « Purple Rain » de Prince (1984–1985) © YouTube. Utilisation à titre de courte citation dans un cadre critique et informatif, conformément à l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle. Tous droits réservés aux ayants droit.

Pour finir, quid du nom de Prince ? La star y renoncera au sommet de sa carrière en adoptant un symbole imprononçable, cette fois pour échapper à la mainmise légale de sa maison de disque sur sa musique. C’est le début d’un litige qui durera des années et contribuera, entre autres, à le mener au bord de la ruine. Pour ce compositeur prolifique, multi-instrumentiste virtuose, travailleur infatigable et tyrannique, hors de question d’être le vassal de qui que ce soit.

C’est peut-être ce jusqu’au-boutisme et cette intransigeance dans sa vision qui le mèneront à une fin tragique, seul dans son immense palais de Paisley Park qu’il avait fait construire dans la ville de son enfance, Minneapolis.

Philippe de Méneval, juriste international, expert pour la Banque mondiale auprès des pays en développement (juin 2025)

Voir la vidéo YouTube de Prince lors du concert « Purple Rain » (1984–1985)

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