Il est certes victime des circonstances de son avènement de 1851 (le coup d’État et ses plus de mille morts) et de sa chute en 1870 (un désastre militaire sans précédent), deux événements que l’on ne peut évidemment pas compter pour rien. Mais il subit toujours aussi un ostracisme d’un autre temps, hérité des écrits vengeurs de Victor Hugo et des accusations des fondateurs de la IIIe République. Pourtant, les historiens ont depuis longtemps montré l’exagération de certaines d’entre elles tenant au caractère de « jouisseurs » des animateurs du règne. Ils ont fait raison des critiques sur la politique économique et sociale, mieux soupesé la politique extérieure, relevé les immenses réussites du régime impérial, etc.
Cette lenteur à remonter la pente montre qu’en histoire aussi, il faut être persévérant, répéter et répéter sans cesse, inviter et participer aux débats, faire preuve de pédagogie et d’ouverture. Inlassablement. C’est ce que nous faisons pour le Premier comme pour le Second Empire, l’un et l’autre essentiels à la compréhension de la France contemporaine.
Si l’on regarde les choses de haut, avec sérénité, on pourrait dire qu’entre les Lumières et 1789, incarnés par Napoléon Ier, et la France directement contemporaine, fondée depuis la Libération sous l’impulsion d’un autre grand homme, Charles de Gaulle, le règne de Napoléon III est comme un pont vers la modernité, avec en prime la prise en charge positive d’un phénomène de mondialisation que la France mena, au lieu de la subir. C’était certes une autre époque, ce que nul ne pourra nier, mais elle appartient au fil des temps, à la chaîne qui relie tous les pans de l’histoire de la nation française.
Cet anniversaire est aussi l’occasion de s’en souvenir et de le souligner.
Thierry Lentz est directeur général de la Fondation Napoléon, professeur associé à l’ICES-La Roche sur Yon. Il a publié en 2022 Napoléon III. La modernité inachevée, co-édition Perrin / Bibliothèque nationale de France.
6 janvier 2023