Fils d’un receveur de l’enregistrement, Antoine Dubois vit le jour en 1756 à Gramat, chef-lieu de canton dans l’actuel département du Lot.
Après avoir commencé ses études au collège des Carmes de Cahors, il fut envoyé à Paris chez un oncle qui le fit inscrire au collège Mazarin, plus connu sous le nom de collège des Quatre Nations. La mort prématurée de son père qui va bientôt laisser sa mère et ses deux soeurs sans ressources l'oblige à décharger des bateaux afin de pouvoir payer ses cours. Pris en affection par le curé de Saint-Germain l'Auxerrois, il peut terminer ses humanités et pendant quelque temps songe à entrer au séminaire. Il devient même maître tonsuré, mais se rendant compte de la fragilité de sa vocation, il renonce à l'état ecclésiastique et décide d'entreprendre des études de médecine et de chirurgie.
Il fréquente ainsi les services de Sabatier, Sue, devient l'élève de l'illustre Desault, chirurgien de l'Hôtel-Dieu, qui le charge de la surveillance de ses malades et le disciple favori du célèbre Peyrilhe, professeur au collège de Chirurgie. Le soir, au sortir de ses cours, il donne des leçons de latin et de mathématiques qui vont lui permettre non seulement d'aider sa famille mais d'obtenir en 1790 son diplôme de maître en chirurgie et de soutenir sa thèse de doctorat en médecine.
Antoine Dubois ouvre alors un cabinet à Paris qui lui rapporte environ 500 francs par an. En même temps, il assure les fonctions de démonstrateur d'anatomie à la Faculté et de professeur adjoint à l'Ecole pratique de dissections et d'opérations au collège de Chirurgie. L'année suivante, il est nommé professeur d'anatomie à l'Ecole royale de Chirurgie en remplacement de son vieux maître Sue et est admis à l'Académie de Chirurgie. Grâce à un travail intensif et à sa conscience professionnelle, son avenir s'annonce donc sous les meilleurs auspices.
Le gouvernement révolutionnaire ayant décrété la fermeture de toutes les corporations enseignantes, Dubois va se trouver du jour au lendemain dans une situation précaire. Il s'adresse alors à Danton pour obtenir une place de chirurgien aux armées et est nommé aide-major à la suite des hôpitaux de l'armée des Pyrénées aux appointements de 250 francs par an. En raison de la modicité de cette somme, il refuse et est affecté à l'hôpital militaire de Melun. Peu après, il est nommé, sur la recommandation de Desault et de Sabatier, membre du Conseil de Santé et chirurgien en chef de l'hôpital militaire de Perpignan où sévit une grave épidémie de dysenterie.
Revenu à Paris à la fin de l'année 1795 après la signature du traité de Bâle mettant fin aux hostilités entre la France et l'Espagne, Dubois est nommé professeur adjoint d'anatomie et de physiologie à l'Ecole de Santé nouvellement créée, puis, en 1796 en remplacement de Desault, professeur de clinique chirurgicale. Deux ans plus tard, il est avisé par le gouvernement du Directoire que le général Bonaparte vient de le désigner pour représenter les sciences médicales parmi les savants qui doivent l'accompagner au cours de la prochaine expédition d'Egypte. Il arrive ainsi le 18 avril 1798 à Toulon et prend place auprès du commandant en chef à bord du navire-amiral l' »Orient ».
Il débarque à Alexandrie et avec son ami Larrey soigne le général Kléber blessé au cours de la prise de la ville. Après l'entrée des troupes françaises au Caire, le général Bonaparte, qui a appris à le connaître, le désigne comme membre de l'Institut d'Egypte qu'il vient de fonder et l'affecte à la section de physique. Mais Dubois souffre de calculs vésicaux et l'aggravation de son état va bientôt exiger son rapatriement. Son départ, prévu pour le mois d'octobre 1798 ne peut s'effectuer, en raison du blocus exercé par la flotte anglaise, qu'en février 1799.
De retour en France et dès que sa santé est rétablie, Dubois reprend sa vie normale et retrouve ses fonctions de professeur à l’Ecole de Santé.
Il devient peu après chirurgien de la 33e brigade de la Garde Nationale et est nommé en 1802 chirurgien en chef de l'ancien hôpital Saint-Nom de Jésus devenu depuis la Révolution l'hospice des malades du faubourg Saint-Denis qui sera, en raison de la réputation dont jouit son titulaire, surnommé un jour par les Parisiens la « Maison de Santé du docteur Dubois » (aujourd'hui l'hôpital Fernand Widal).
En 1804, Dubois est âgé de 48 ans. C'est un personnage considérable, fort bien vu du nouveau maître de la France, très apprécié de ses confrères et de ses patients. Aussi, dès l'instauration de l'Empire, espère-t-il que son ami Corvisart, devenu Premier médecin de Napoléon, lui confiera la place enviée de Premier chirurgien de Sa Majesté. Sa surprise est profonde lorsqu'il apprend par les gazettes que l'heureux élu est Boyer, chirurgien de La Charité, brave homme certes et bon opérateur mais sans grande envergure et que tout le monde appelle familièrement « le père Boyer ».
– « Que veux-tu, lui dit simplement Corvisart auquel il fait part de sa déception, tu m'aurais difficilement obéi et je tenais à rester le maître ».
En 1808, il le fera pourtant nommer médecin consultant de la Cour impériale, fonction purement honorifique aux appointements annuels de 3 000 francs et surtout deux ans plus tard chirurgien accoucheur de Sa Majesté l’impératrice Marie-Louise
dont la grossesse vient d'être rendue publique. En apprenant sa désignation Dubois ne cache pas son ambition d'en retirer les plus grands avantages à la fois sur le plan matériel et sur celui de la notoriété. Si la surveillance de sa nouvelle patiente ne lui donne aucun souci, il n'en sera pas de même lors de son accouchement. Prévenu dès l'apparition des premières douleurs dans la soirée du 19 mars 1811, Dubois s'installe aussitôt aux Tuileries. Mais le travail s'annonce lent et difficile, l'enfant se présente mal, l'Impératrice souffre beaucoup et l'Empereur s'impatiente. Ecrasé par les responsabilités qui lui incombent, il perd la tête, envisage même pour sauver la mère de sacrifier l'enfant sur lequel reposent tous les espoirs de la dynastie et refuse de prendre la moindre décision sans la présence de Corvisart à ses côtés.
Napoléon se fâche: « La nature n'a pas deux lois, s'écrie-t-il… Si c'est un témoin ou une justification que vous vous réservez, ne suis-je pas là moi… Faites comme si vous vous trouviez en présence d'une petite bourgeoise du faubourg Saint-Denis… Dubois, je vous ordonne d'accoucher l'Impératrice ».
Ces paroles ramènent le calme. Réconforté par la présence du Premier médecin qui vient d'arriver, il réussit enfin à délivrer la Souveraine. Mais peu après ses relevailles et afin de ne pas risquer de se retrouver un jour dans une situation aussi angoissante, il ne craindra pas de déclarer que la conformation physique de Sa Majesté rendait extrêmement périlleuse toute nouvelle grossesse. On sait qu'il se trompait lourdement puisque l'intéressée aura par la suite plusieurs enfants du général Neipperg.
Malgré tout, Dubois fut couvert de récompenses à la suite de cet événement. Il se voit octroyer une gratification de 100.000 francs auxquels s'ajoutaient naturellement les 15.000 francs d'honoraires prévus pour son intervention. Peu après, il est nommé membre de la Légion d'honneur et baron de l'Empire avec une dotation de 4.000 francs, bientôt portée à 9.000. La Souveraine pour sa part, le comble de cadeaux, et lui offre une magnifique tabatière en or inscrutée de pierres précieuses et ornée de son portrait. Dubois qui, lors de sa nomination avait rêvé d'honneurs et d'argent pouvait s'estimer comblé.
Après la chute de l’Empire, il perd sa dotation de 9.000 francs que lui avait accordée Napoléon mais, à titre de compensation, reçoit de Louis XVIII une rente annuelle de 1.000 francs et conserve sa place de médecin consultant de la Cour.
Il est en outre maintenu dans ses fonctions de chirurgien de la Maison de Santé. En 1820, lors de la création de l'Académie de Médecine il est désigné pour occuper un siège dans la section de chirurgie et est nommé professeur d'accouchement de l'hospice de la Maternité. En 1822, les incidents survenus à la Faculté et ayant entraîné sa fermeture, auront pour conséquence sa révocation et son accession à l'honorariat.
Bien qu'assez mal vu de la Cour en raison de ses antécédents et de son esprit d'indépendance, Dubois fut appelé le 13 février 1820, en même temps que Dupuytren et les autres chirurgiens consultants de Sa Majesté au chevet du duc de Berry, mortellement frappé à la poitrine par un fanatique. On sait que les hommes de l'Art ne parvinrent pas à sauver le Prince et que certains membres de la Famille royale les tinrent pour responsables de sa mort. Dubois, pour sa part, s'entendit également reprocher son attitude inconvenante en ayant gardé pendant toute la durée de son intervention, une calotte de soie noire sur la tête pour protéger sa calvitie.
Le 5 mai 1829, alors qu'il vient d'entrer dans sa 73e année, Dubois, sur la recommandation du duc Decazes, rentre enfin en grâce et est nommé professeur de clinique chirurgicale à l'hôpital de la Pitié. Au lendemain de la Révolution de 1830, il est élu doyen de la Faculté de Médecine et s'attire, dans ses nouvelles fonctions, l'estime générale. Louis-Philippe reconnaît ses mérites et lui fait remettre les insignes d'Officier de la Légion d'honneur.
En 1831, Dubois abandonne son décanat et sa place de chirurgien de la Maison de Santé. Deux dans plus tard, il renonce à sa chaire de clinique chirurgicale. Sa dernière mission officielle consistera à se rendre, sur la demande du gouvernement, auprès de la duchesse de Berry internée à Blaye à la suite de sa folle équipée en Vendée et qui se disait enceinte.
Depuis son séjour en Egypte, Dubois souffrait d'une lithiase urinaire. Opéré d'un calcul vésical en 1828, sa santé semblait avoir recouvré toute sa vigueur lorsqu'en 1836, alors qu'il atteignait sa 80e année, il présenta une jaunisse dont il se remit difficilement. Au terme de l'hiver suivant, il contracta une pneumonie dont il mourut le 30 mars 1837. Ses obsèques furent célébrées à l'église Saint-Sulpice en présence d'une foule considérable.
Au cours de sa longue existence, Dubois s'était marié quatre fois. Parmi ses nombreux enfants, il eut de son second mariage un fils, Paul, qui, comme son père fut chirurgien de la Maison de Santé du faubourg Saint-Denis, professeur à l'hospice de la Maternité, doyen de la Faculté et membre de l'Académie de Médecine. Il eut en outre l'honneur de donner ses soins à l'impératrice Eugénie et de l'aider à mettre au monde dans des circonstances difficiles le 15 mars 1856 un enfant que l'Histoire connaîtra sous le nom de Prince Impérial.
Auteur : Dr Paul GANIÈRE
Revue : Revue du Souvenir Napoléonien
Numéro : 362
Mois : 12
Année : 1988
Pages : 51-52
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