LANNES, Jean (1769-1809), duc de Montebello, maréchal

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LANNES, Jean (1769-1809), duc de Montebello, maréchal
Julie Volpelière d’après François Antoine Gérard - Le maréchal Lannes (1769-1809),
copie en buste d’après le portrait en pied de Lannes par Gérard, huile sur toile, 1834, Musée de l’Armée.
© Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais

« L’un des militaires les plus distingués qu’a eus la France ! Chez Lannes, le courage l’emportait d’abord sur l’esprit, mais l’esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre. Je l’avais pris pygmée, je l’ai perdu géant… Un des hommes au monde sur lesquels je pouvais le plus compter. »
Napoléon à Sainte-Hélène s’adressant à Las Cases, 1816. Il fut surnommé « le Roland de l’Armée ».

Né à Lectoure (Gers) le 10 avril 1769, volontaire au 2e bataillon du Gers, chef de brigade en 1793, général de brigade en 1796, général de division en 1799, maréchal d’Empire en 1804, Lannes, « le Roland de l’armée », comme on le surnomma, fut l’un des plus prestigieux chefs de guerre de l’Empire et aussi l’une de ses figures militaires les plus tragiques.

Son ardeur au combat devint vite légendaire. « J’oublie tout, disait-il, lorsque le métier m’appelle.» Il égala par le courage physique un Murat ou un Ney. Les cicatrices dont son corps était couvert en témoignaient : le bras traversé par une balle à Banyuls en 1793, blessé d’un coup de feu à Governolo en 1796, déchiré par trois coups de feu à Arcole, atteint d’un coup de feu à la tête à l’assaut de Saint-Jean-d’Acre en 1799, blessé à la jambe à Aboukir, à nouveau le corps troué d’une balle à Pultusk en 1806, il revêtit encore sa grande tenue, avec toutes ses décorations, pour prendre part à la bataille d’Essling où il devait mourir, disant : « Il faut que tous les officiers paraissent sur le champ de bataille, aux yeux du soldat, comme s’ils étaient à la noce. »

À la noce ? Il y était de moins en moins sur les champs de bataille. Obéissant aux ordres qui lui firent incendier le village de Binasco et participer à la répression de la révolte d’Arqueta lors de la première campagne d’Italie, il avait exprimé son dégoût. Au lendemain d’Austerlitz, il écrivit à sa femme: « Nous avons tout culbuté, c’est-à-dire tout tué ou pris: on n’a jamais vu un carnage pareil. » Puis, en 1808, menant le siège de Saragosse: « Quel métier que celui que nous faisons ici! Saragosse ne sera bientôt plus qu’un tas de ruines. » Enfin, à la veille de sa mort : « Je crains la guerre, le premier bruit de guerre me fait frissonner […]. On étourdit les hommes pour mieux les mener à la mort.»

Indigné par des guerres dont il ne voyait plus la fin, il resta longtemps fasciné par le chef auquel avait permis d’étendre sa clientèle militaire lors du coup d’État du 18 Brumaire. Il fut souvent mal payé en retour par celui à qui il vouait un véritable culte. Napoléon dira de lui à Sainte-Hélène: « Chez Lannes, le courage l’emportait d’abord sur l’esprit; mais l’esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre; je l’avais pris pygmée, je l’ai perdu géant. » Jugement injuste, car Lannes n’avait pas attendu la pédagogie de Napoléon pour se révéler bon chef de guerre, la victoire de Montebello en témoigne.

Ingratitude aussi de Bonaparte à l’égard du chef de sa Garde consulaire qui, ayant engagé sur un ordre verbal une dépense de 300 000 francs, dut la rembourser, lui qui n’avait pas d’argent. Pour y parvenir, il fit, ministre plénipotentiaire au Portugal, une manœuvre à d’autres accoutumée: un négociant put, par son aide, faire entrer en franchise des marchandises sans payer les droits élevés. Masséna en avait fait bien d’autres sans être sanctionné, comme lui, par un rappel à Paris en 1803.
« Voulez-vous que je vous dise, dira Lannes au retour d’Espagne, ce foutu bougre de Bonaparte nous y fera tous passer! » Napoléon se plaindra qu’au moment de trépasser, le maréchal l’ait nommé « comme les athées nomment Dieu quand ils arrivent à l’article de la mort ».

La mort de Lannes rappelle celle des tragédies à l’ancienne: au soir d’Essling, parcourant le champ de bataille avec son ami le général Rouzet, Lannes le vit s’abattre à ses pieds, frappé d’un coup de feu. Il s’enfuit, voulant échapper à la vue de ce cadavre. Mais les soldats le transportèrent devant lui, le faisant s’écrier: « Ah, cet affreux spectacle me poursuivra donc toujours ? » Il s’accota à un fossé, se cachant les yeux pour ne plus rien voir, et ce fut là qu’un boulet lui traversa le genou. Opéré par Larrey, il agonisa six jours, appelant, maudissant, dirent certains, l’Empereur qui ne vint que pour recueillir ses dernières paroles, le 31 mai 1809. L’Empereur écrivit à la maréchale qu’il n’aimait guère, lui disant prendre part à sa peine. La maréchale ne le crut pas et se mura dans le silence.

Jean-Paul Bertaud
Source : Dictionnaire Napoléon/Jean Tulard, dir. Paris : Fayard, 1987.

Carrière

Volontaire dans le 2e bataillon de Gers, 1792
Armée des Pyrénées-Orientales, 1793-1795
Blessé au bras, à Banyuls
Commande l’avant-garde de la Brigade Laterrade à la prise du camp de Villalonga, le 19 décembre 1793
Chef de brigade de grenadiers dans le même bataillon, le 25 décembre 1793
Transféré dans l’Armée d’Italie, combat à Loano le 24 novembre 1795, Voltri le 9 avril, Millesimo le 14 avril, Dego le 15 avril, Fombio le 8 mai, Lodi le 10 mai, Pavie et Binasco (où il met le feu au village le 26 mai), Saint-Georges le 4 juin, Arquata et Livourne le 20 juin, Bassano le 8 septembre, Due Castelli le 14 septembre, Governolo le 15 septembre, Arcole le 15 novembre, Lodi le 13 décembre, Senio le 3 février, Ancona le 9 février
Attaché à l’Armée d’Angleterre, le 12 janvier 1798, combat à Malte le 10 juin
Prend Alexandrie et Rosette le 26 juillet, écrase la révolte du Caire le 21 octobre
Commande une division de l’Armée de Syrie, combat à El-Arysch le 20 février, Jaffa le 7 mars, blessé à la tête dans l’attaque de St-Jean-d’Acre le 8 mai, Aboukir (blessé à la jambe pendant le siège du fort, le 27 juillet)
Repart pour la France avec Bonaparte, le 22 août 1799
Débarque avec lui à Saint-Raphaël, le 9 octobre
Participe au coup d’Etat du 18 Brumaire en commandant le quartier général aux Tuileries, le 9 novembre
Commandant extraordinaire des 9e et 10e divisions militaires, du 12 novembre au 27 décembre
Commandant et Inspecteur général de la Garde Consulaire, le 16 avril 1800
Commandant de l’Avant-Garde de l’Armée de Réserve, le 10 mai 1800
Traverse le Col du Grand St Bernard et prend Aoste, le 16 mai
Combat à Châtillon le 18 mai, Chiusella le 26 mai, Pavie le 2 juin, Montebello le 9 juin, Marengo (il retient l’attaque autrichienne pendant 7 heures, acte pour lequel il reçoit de Bonaparte un « sabre d’honneur » le 14 juin)
Ministre plénipotentiaire et envoyé au Portugal, le 14 novembre 1802
Rentre en France après des difficultés commerciales et devient Commandant du Camp d’Ambleteuse, le 4 juillet, 1803
Maréchal d’Empire, le 19 mai 1804
Chef de la 9e cohorte de la Légion d’Honneur
Grand croix du Christ de Portugal, 1805
Grand Aigle de la Légion d’Honneur, le 2 février 1805
Commandant de l’Avant-garde du 5e corps de la Grande Armée, le 23 août 1805
Combat à Weringen le 8 octobre, Ulm, Braunau le 30 octobre, Hollabrunn le 16 novembre
Commande la flanc gauche à Austerlitz, le 2 décembre 1805
Commandeur de la Couronne de Fer, le 25 février 1806
Commandant du 5e corps de la Grande Armée
Combat à Saalfeld le 10 octobre, commande le centre à Iéna le 14 octobre, remporte la victoire à Pultusk le 26 décembre 1806, légèrement blessé
Laisse son commandement pour des raisons de santé, janvier 1807
Grand croix de l’ordre de Saint-Henri de Saxe
Commandant du Corps de Réserve de la Grande Armée, du 5 mai au 12 juillet 1807
Combat à Danzig le 20 mai, Heilsberg le 10 juin, commande le centre à Friedland le 14 juin 1807
Colonel général des Suisses, le 13 septembre 1807
Chevalier de l’ordre de Saint-André de Russie, 1808
Duc de Montebello, le 15 juin
Au quartier général de l’Armée d’Espagne, en octobre 1808
Mène le 3e corps à la victoire sur Castanos à Tudela, le 23 novembre 1808
Suivant une chute de cheval, il reste comme commandant et retourne au quartier général, le 2 décembre 1808
Commande le siège de Saragosse, qui capitule le 21 février 1809
Appelé pour servir dans l’Armée d’Allemagne, atteint le quartier général le 19 avril 1809
Combat à Landshut le 21 avril, Eckmühl le 22 avril, Ratisbonne le 23 avril
Prend le commandement du 2e corps de l’Armée d’Allemagne, le 24 avril 1809
Combat au siège de Vienne le 11 mai et Essling le 21 mai où il meurt de ses blessures et de l’amputation qui en a résulté.
Est enterré au Panthéon.

consultez le dossier thématique « Vivre et mourir dans la Grande Armée (2023)

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