ROEDERER, Pierre Louis (1754-1835), comte de l’Empire, sénateur, conseiller d’Etat

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ROEDERER, Pierre Louis (1754-1835), comte de l’Empire, sénateur, conseiller d’Etat

Pierre Louis Roederer (ou Roederer) est né à Metz (Moselle), le 7 décembre 1754. Fils d'un substitut du procureur du roi au Parlement de Metz, il fait ses études de droit à Strasbourg. Reçu comme avocat au Parlement en 1771, à 17 ans il opte ensuite pour la magistrature et achète une charge de conseiller à ce même Parlement. Partisan des idées nouvelles, Roederer ets élu député de Metz, en 1789. Il a trente-cinq ans. « C'est un homme aux traits accusés, grand, maigre, sans grâce, un Lorrain dur et laborieux, qui peut avoir de la gaieté à ses heures, mais prend la vie au sérieux et ne sourit pas » (Octave Aubry). A l'Assrmblée, il est membre du Comité des Finances, et joue un rôle déterminant dans l'élaboration des « quatre vieilles » (contribution foncière, mobilière, sur les portes et fenêtres et patente : voir Dictionnaire Napoléon, rubrique « Contributions », par François Monnier, p. 507).

Lié avec Mirabeau, Sieyès et Talleyrand, il devient procureur général syndic de la seine, un poste capital pour la surveillance de Paris. Mêlé à la journée révolutionnaire du 10 août 1792, il invite le roi à quitter les Tuileries pour chercher refuge à l'Assemblée législative.

Pendant la Terreur, Roederer se cache. Il se réfugie au Pecq (Yvelines), chez son ami Lebrun, où il traduit le philosophe anglais Thomas Hobbès (1588-1679). Réapparu après Thermidor, il se consacre à la rédaction d'articles paraissant dans le Journal de Paris, dont il a acheté la moitié du capital (l'autre moitié avait été achetée par Maret). Cette tribune lui permet de prôner la réconciliation politique, ainsi que le retour des émigrés. En 1796, il fonde le Jouranl d'économie politique de morale et de politique. Le même année, il est admis  à l'Institut, 2e classe, Académie française (voir Dictionnaire Napoléon, p. 932).

Rallié au groupe des Idéologues, il participe activement au coup d'État du 18 Brumaire, puis à la rédaction de la Constitution dite de l'an VIII. C'est un idéologue bonapartiste (voir André Cabanis : Rev. Institut Napoléon, n°133, 1977, p. 3). « En Brumaire écrira-t-il, quand Bonaparte mes demanda si je ne voyais pas de grandes difficultés à ce que la chose (le coup d'Éta) se fit, je répondis : « ce que je crois difficile, même impossible, c'est qu'elle ne se fasse pas, car elleest, aux trois-quarts, faite ».

Il racontera : « Dans les quinze jours qui précédèrent le 18 Brumaire, j'allais tous les soirs chez Bonaparte et j'avais avec lui un entretien particulier. Bonaparte ne voulait rien faire sans Sieyès. Mais celui-ci ne pouvait provoquer Bonaparte. Talleyrand et moi furent les deux intermédiaires qui négocièrent entre Bonaparte et Sieyès. »
C'est Roederer qui rédigea l'adresse aux Parisiens, par laquelle sera annoncée le coup d'État, et ensuite, il préparera l'effacement de Barres puis de Sieyès. Pour le troisième consul, il propose le nom  de Lebrun, ce qui est accepté.

Impressionné par ses connaissances, Napoléon le nomme au Conseil d'État où il rédige la loi portant création de la Légion d'honneur et soutient le projet devant le Corps législatif. Il a noté son admiration pour Napoléon : « Plus on en approche, plus on le respecte. On le trouve plus grand que soi quand il parle, quand il pense, quand il agit. »

En 1802, au Conseil D'État, la direction des théâtres et de l'instruction publique » et il remplace les écoles centrales par les lycées.

Peu après, il est nommé membre de la commission créée pour discuter, avec les députés helvétiques (1), l'élaboration d'une nouvelle constitution des cantons suisses. C'est ainsi que naît « l'acte de médiation octroyé le 1 » février 1803 » et créant, sous la protection du Premier Consul, une confédération de 19 cantons, portée à 22 cantons en 1815 (on y ajoute les cantons du Valais, de Neuchâtel et Genève) et à 23 cantons en 1878 (avec le canton du Jura).

Le Premier Consul dit à Louis d'Affry : « Je vous défère la fonction de Landammam (président) de la Suisse et, avec elle, les pouvoirs nécessaires pour accomplir la médiation. Faits en usage avec fermeté (cf. Annales fribourgeoises publiées par la société d'histoire du canton de fribourg, 1853).

Dans son discours à la Diète réunie à Fribourg, le ‘ juillet 1803, Louis d'Affry déclarait avec conviction : « Que la médiation du Premier Consul demeure sacrée à vos yeux, comme la charte fondamentale de la Suisse confédérée. Sans elle, tout devient incertain, arbitraire. N'oublions pas que nous lui devons la paix dans notre pays, l'ordre qui commence à rebnaître de toute part, les germes de confiance semés parmi le peuple suisse et que lui porter atteinte serait jeter ses armes alors qu'il faut combattre… » (2) (3).

En septembre 1802, Roederer avait obtenu, au Conseil d'Etat, « la direction de l ‘esprit public ». En  outre, il, est nommé sénateur et reçoit la sénatorie de Caen (15 octobre 1803).

Par ailleurs, Roederer mène une active campagne de presse en faveur de « l'hérédité » du chef de l'État. Mais le Premier Consul, préférant garder sa liberté d'action sur ce point, demande à Cambacérès d'intervenir, afin  que Roederer arrête sa campagne.
 
En 1806, il devient ministre des finances de Joseph Bonparte, roi de Naples (celui-ci obtient, pour lui, le grade de grand officier de la Légion d'honneur). Il est créé comte de l'Empire (2 février 1809). En 1810, il est nommé secrétaire général du Grand-Duché de Berg. Le 3 avril 1813, Napoléon lui confère le grand cordon de l'ordre de la réunion.

En 1812, Roederer achète l'hôtel de la Vaupalière (actuellement n° 85, rue du Faubourg Saint-Honoré et n° 25, rue puis avenue Matignon (Paris 8°). L'immeuble sera vendu par les héritiers de Roederer, en 1843, à Molé ; ensuite il reviendra au général Gourgaud, campagnon de Napoléon à Sainte-Hélène.

Sous la Restauration, Roederer achète l'immeuble voisin, n°83 l'hôtel Millet, à Geneviève d'Andlau, marquise de Rosambo.
 
Le 26 décembre 1813, Roederer est nommé Commissaire exraordinaire à Strasbourg (avec, comme adjoint, le général Berckeim (V. G. Six, t.1, p. 79) pour  prendre « les mesures de Salut public que nécessitent les circonstances ».
En 1814, après  la déchéance de Napoléon par le Sanat, Roederer se retire en Normandie, dans sa propriété de Bois-Roussel, à Bursard, à 18km d'Alençon (Orne) (V. Guide Napoléon, p. 249)

Durant les Cent-Jours, Roederer est nommé par Napoléon, pair de France  avec Suchet (2 juin 1815) et commissaire extraordinaire à Lyon et grenoble (cf. R. Zins, 1815, l'Armée des Alpes et les Cents-Jours à Lyon, Horace cardon, 2003, p. 183, 185, 190 et 193) Au sénat, il se prononce, vainement, en faveur de Napoléon II.
 
En 1830, à 76 ans , il est disposer à refaire de la politique , il soutient la Monarchie de Juillet et retrouve la chambre des pairs (11 octobre 1832) et l'Institut.
Mais, il meurt subitement à Paris, dans la nuit du 17 au 18 décembre 1835, à l'âge de 81 ans. Il est inhumé au cimetière du Père Lachaise, 4e  division, avenue latérale du nord., 1ère ligne (Voir Guide Napoléon, p. 346), la Malmaison possède son manteau de Cour et son portefeuille ministériel.

Pierre Louis Roederer avait épousé, en 1779, Eve, Régine, Louise de Guaïta, fille d'un riche banquier de Francfort, conseiller intime su prince de Leewenstein-Wertheim ; Le couple divorça. En 1795, Pierre Louis se remarie avec Catherine Decrétot, fille d'un marchand normand, veuve aisée, ce qui explique son implantation en Normandie. D'où trois enfants du premier mariage :
– Pierre Louis Roederer, colonel, au service de Naples, aide de camp du général Saint-Hilaire, à Naples et de Joseph Bonaparte en Espagne (2 mai  1780 Metz – 1é janvier 1834, Paris), marié en 1822 à Blanche de Corcelle (+ Paris, 18 avril 1844), dont postérité ; chef d'escadron au 8e chevau-légers-lanciers, il participe à la campagne de Russie avec le 2e corps d'Oudinot, blessé à La bérézina / Wilna (coup de feu à la mâchoire, vers le 10 décembre 1812), fait prisonnier par les cosaques, conduit en Ukraine, retour en France (août 1814R,), officier de la Légion d'honneur (1er février 1815), en retraite (1830), inhumé au cimétière du Père Lachaise, 29e division, à proxoimité du monument Lagrange (Voir Guide Napoléon, p. 359)
– Antoine Marie Roederer, baron (1er mai 1782, Metz ; 1er mars 1865, Ménilles, Eure), épousé la fille du général César Berthier, frère du maréchal. De 1799 à 1804, il est auditeur au Conseil d'Etat, ensuite directeur général des contributions  à Naples, attaché à la direction générale des Ponts-et-Chaussées, préfet du Trasimène (Italie centrale, chef-lieu Spolète, 6 septembre 1809), à 27 ans (voir Dictionnaire Napoléon, p. 1396), à nouveau auditeur au Conseil d'Etat (1810) et  préfet de l'aube (24 février 1814 et 22 mars 1815, V. Dictionnaire Napoléon, p. 1391), Pair de France (1845).
Le couple Antoine-Marie Roederer a eu quatre filles, dont postérité :
1)      Thérèse Alexandrine (14 férvier 1811, Spoleto ; 17 mai 1892, senlis, épouse du baron Mercier (1826) ;
2)      Aloys-Joséphine, Jeanne, Méarguerite, Bérénice, Antonie (1é septembre 1812, Spoleto ; 6 janvier 1880), épouse du Dr Ams'tein ;
3)      Marthe Pauline (avfril 1816, Paris ; 29 janvier 1891, Rugles, Eure), épouse du général Charles Edouard Delarue de Beaumarchais ;
4)      Elisabeth (1é mars 1820, Dinant,Belgique, + 1903), épouse de Ferdinnad Joseph comte de Roffignac (sous-préfet sous Louis-Philippe, cf. A. révérend, Armorial Ier Empire, t4, p. 157).
5)      Le Dr Robert Mosnier, qui a été longtemps le président de la région SN Midi-Pyrénées, est un descendant.
– Françoise Marthe Roederer (7 octobre 1783, Metz ; 31 mars 1823, Paris, 1 » rue royale), épouse du général baron Gaspard Gourgaud (1783-1852). Mariage le 31 janvier 1822. Elle est morte à 39 ans, quelques jours après la naissance de son enfant, Louis Marie Napoléon Hélène Gourgaud (1823-1879), auditeur au Conseil d'Etat (voir Jacques Macé, Le général Gourgaud, Nouveau Monde éditions / Fondation Napoléon, 2006, p. 200°.
 
En conclusion, Pierre Louis Roederer laisse l'image à la fois d'un homme de l'Ancien régime, car il garde la perruque, mais aussi d'un homme de 1789 par ses options politiques. Il se vantait « d'avoir passé auprès de Louis XVI la dernière nuit de son régime et auprès de Bonaparte la première nuit du sien ». Il laisse le souvenir d'un organisateur infatigable, compétent et scrupuleux. Il a toujours manifesté une grande admiration pour Napoléon.

Sur ses écrits, publiés par son fils Antoine Marie, en 1863, en 8 volumes (édition Firmin Didot), il faut retenir un journal de ses conversations avec Napoléon, « dont l'extrême fidélité des propos rapportés fait une source historique de haute valeur » (Marcel Dunan ; J. Tulard, Biblio critique, n°666, p. 146). (4)
 
 
Marc Allégret

Notes

1)   La délégation suisse était présidée par le fribourgeois catholique Louis d'affry, que le général Bonaparte avait rencontré en Suisse, à Morat, en novembre 1797, lors de son voyage pour le congrès de Rastatt).
(2)   Sur la question de la Suisse et l'acte de médiation du 19 février 1803, voir RSN N° 289 (septembre 1796) : Napoléon et la Suisse, par Paul Ganière, p. 6 à 15 : dictionnaire Napoléon, p. 1606, rubrique « Suisse » par André Palluel-Guillard ; Alain Jacques Tornare, Les Vaudois de Napoléon, Des Pyramides à Waterloo, 1798-1815, editions Cabédita, 2003)
(3)   Compte tenu des modifications apportées à la Constitution suisse en 1815, 1848, 1874 et 1999, la fin  de l'étude du Dr Ganière (p. 15) pourrait être modifiée et complétée comme suit :
« Depuis le réforme de 1974, la désignation officielle de l'Etat est la confédération suisse.
« Le gouvernement fédéral est assuré par un Conseil fédéral, (7 membres) dont le président, désigné pour un an, fait fonction, pendant la durée de ce mandat, de président de la Confédération.
« Le pouvoir législatif appartient à deux chambres, qui ont les mêmes pouvoirs : le conseil national ou chambre du peuple, composé de députés de tous les cantons élus en proportion de leur population et le Conseil des Etats ou chambre des cantons, où siègent deux députés par canton. Les deux chambres se réunissent en Assemblée fédérale, notamment pour élire les membres du Conseil fédéral. Ces institutions ont fait preuve de leur solidité… » (le retse sans changement).
(4)  Autres sources :
Dictionnaire Napoléon, p. 1471, notice André Cabanis ; Histoire de la révolution, p. 1073 ; Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, p. 1061 ; Napoélon, Editions Rencontre, 1969, tome 1, p. 184 ; RSN N° 325, septembre 1982 : Pierre Louis Roederer, par Thierry Lentz ; Thierry Lentz, Roederer, editions Serpenoises, Metz 1989, épuisé ; Jean-Pierre Tarin, Les notabilités du Ier Empire. Leurs résidences en Ile-de-France

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