« Te voilà, Légendaire ! » lance à l’adresse du « petit chapeau » le prince de Metternich dans une scène célèbre de L’Aiglon de Rostand. Cette réplique ouvre un étonnant monologue dans lequel celui qui fut l’un des adversaires les plus dangereux de Napoléon exprime sa haine à la coiffe impériale devenue l’incarnation même de l’Empereur.
Dans l’imaginaire collectif, Napoléon et son chapeau ne font qu’un. Jamais symbole n’a mieux représenté un personnage historique. Bonaparte l’adopte dès le Consulat au moment où il compose sa silhouette. Il opte pour deux uniformes militaires, ceux des grenadiers à pied et des chasseurs à cheval de la Garde, mais choisit de porter le chapeau d’une façon personnelle. Alors que la plupart des officiers le portent « en colonne », perpendiculairement aux épaules, Napoléon le porte « en bataille », c’est-à-dire les ailes parallèles aux épaules. Cette tenue simple et sobre tranche avec les uniformes chamarrés des grands officiers et leurs chapeaux emplumés. Elle lui assure d’être immédiatement reconnu par ses troupes sur les champs de bataille.
L’un des plus anciens chapeaux connus est celui porté par le Premier Consul à la bataille de Marengo et conservé aujourd’hui au musée de l’Armée. Jusqu’à la fin de l’Empire, les formes et les dimensions varient un peu certes, mais l’aspect général reste le même. Tout comme le chapelier, fournisseur attitré des chapeaux de l’Empereur, à propos duquel le Metternich de Rostand ironise d’un ton persifleur : « Car c’est d’un chapelier que la légende part / Le vrai Napoléon, en somme…c’est Poupard ! ». L’enseigne de Poupard, au « Temple du goût » se situait au Palais du Tribunat (Palais-Royal), « galerie côté de la rue de Loi n°32 ». Devenu Poupard et Cie en 1808 puis Poupard et Delaunay en 1811, le chapelier livrait chaque année quatre chapeaux dit « chapeau français », en castor noir, sans autre ornement qu’une cocarde tricolore glissée dans une ganse de soie avec bouton.
Napoléon disposait en permanence d’un ensemble complet de douze chapeaux. Quatre seulement furent emmenés à Sainte-Hélène dont celui présenté ici. À la mort de l’Empereur, un de ces chapeaux fut placé dans son cercueil.
Karine Huguenaud, février 2002
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