Introduit à la cour par la princesse Mathilde vers 1863, Carpeaux devint grâce à elle le professeur de dessin et de modelage du Prince impérial. Fin 1864, il fut chargé de réaliser le portrait de son jeune élève. C’est en fait une double commande qui lui fut passée, l’impératrice souhaitant un buste et l’empereur préférant un portrait en pied. Les séances de pose débutèrent en avril 1865 dans un atelier aménagé dans l’Orangerie du jardin des Tuileries. L’artiste modela plusieurs portraits de l’enfant alors âgé de 9 ans : en buste nu, en costume de grenadier, en pied un chapeau à la main et, enfin, ce portrait avec son chien Néro. Le 6 mai, le plâtre fut dévoilé à l’impératrice et à sa suite suscitant des « bravos inouïs ». Le même succès attendait la présentation de l’œuvre en marbre au Salon de 1866. On lui trouva la grâce d’un « chanteur florentin » en costume moderne.
Au-delà de l’effigie officielle du jeune prince, Carpeaux a composé un groupe dont le sujet touchant ne pouvait que rencontrer un grand succès public. Le petit garçon, debout, pose la main sur le collier du chien, un braque qui s’enroule autour de ses jambes. Cette attitude naturelle et la tête tendue du chien vers son maître expriment toute l’émouvante tendresse de la relation entre l’enfant et l’animal. La simplicité du vêtement civil, une veste courte de velours et une culotte bouffante, renforce cette impression de naturel. Le Prince impérial apparaît ici sans distinction de rang. Cette absence de référence au pouvoir impérial explique que le groupe sculpté continua à être diffusé même après la chute de l’Empire sous le titre, L’enfant au chien. De multiples réductions de tailles différentes furent éditées en terre cuite, en bronze, en biscuit de Sèvres, en porcelaine, etc.
Le Prince impérial et son chien Néro suivit la famille impériale en exil. Après un passage à Arenenberg, l’œuvre fut envoyée à Farnborough où elle fut placée dans la chapelle funéraire après la mort du Prince en 1879. Elle entra dans les collections nationales en 1930. En 1927, le prince Napoléon offrit un tirage en bronze de ce charmant groupe sculpté pour le mausolée du Prince impérial, toujours visible face aux jardins du château de Malmaison.
Karine Huguenaud, février 2003