Vers 1850, sans doute influencé par l’exemple de Daumier dont il était voisin dans l’île Saint-Louis, Meissonier s’essaie à la sculpture et adopte la technique comme une étape supplémentaire dans la minutieuse préparation de ses œuvres peintes. Ce souci d’exactitude, qui confine chez lui à l’obsession, fera sa gloire. Peintre consacré par Napoléon III, Meissonier sera adulé jusqu’à la fin de sa vie pour le réalisme quasi-photographique de ses petits tableaux de genre ou de ses peintures militaires.
Parmi la vingtaine de sculptures préparatoires connues, dont la plupart figurent des chevaux ou des cavaliers, celle-ci reste la plus remarquable. Tour à tour intitulée Le Voyageur, Un cavalier dans le vent, Napoléon en Russie, Le Maréchal Ney, La Retraite de Russie ou Officier de l’Empire dans la tourmente, cette statuette pose encore des problèmes quant à son identification précise. Quoi qu’il en soit, le groupe s’inscrit dans la préparation du cycle que Meissonier a consacré à l’épopée napoléonienne. Sans se rattacher à un tableau précis, ce cavalier victime des rigueurs du climat évoque le célèbre Campagne de France, 1814, mettant en scène, dans un paysage désolé, l’accablement de l’empereur et de ses officiers et les conditions extrêmes qu’avait à affronter l’armée.
Ici, l’artiste travaille de la cire d’abeille teintée d’ocre rouge pour figurer un groupe équestre d’une grande force expressive. Il traduit de façon saisissante cette lutte commune de l’officier et de sa monture contre les éléments déchaînés. En rigoureux observateur du réel, Meissonier détaille la musculature du cheval, les effets du vent sur la position du cavalier et de l’animal, l’envol de la capote. La spontanéité de l’exécution et le naturalisme de l’ensemble font du peintre l’égal des grands sculpteurs animaliers du XIXe siècle. D’ailleurs, ces petites maquettes de cire révélées au public après la mort de l’artiste seront éditées en bronze et rencontreront un grand succès.
Karine Huguenaud, octobre 2002