Le Zouave du pont de l’Alma (Paris)

Période : IIe République - 2nd Empire/2nd Republic-2nd Empire
Artiste(s) : Diebolt, Georges (1816-1861)
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Le zouave et le pont de l’Alma

Situé en plein cœur de Paris, le pont de l’Alma, conçu par l’ingénieur-en-chef Paul-Martin Gallocher de Lagalisserie (1805-1871) entre 1854 et 1856, a été inauguré par l’empereur Napoléon III en 1856. Il avait pour objectif de commémorer la première victoire de la guerre de Crimée et de rendre hommage aux soldats nord-africains qui avaient combattu à la bataille de l’Alma, offrant l’image d’un véritable triomphe du Second Empire naissant.

Le programme iconographique du monument comprend quatre statues sculptées en calcaire qui représentent différents régiments de la garde impériale : le Zouave, le Grenadier, le Chasseur et l’Artilleur. Les deux premières furent sculptées par Georges Diebolt (1816-1861) et les deux secondes par Charles Auguste Arnaud (1825-1883).

Au moment de la reconstruction du pont de l’Alma entre 1970 et 1974, seule la statue du Zouave y fut replacée sur l’unique pile du pont en amont de la Seine. Les trois autres statues furent, quant à elles, déplacées à divers endroits en France : le Chasseur se trouve à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne), le Grenadier à Dijon (Côte-d’Or) et l’Artilleur à La Fère (Aisne).

Voir notre fiche Musées, sites et monuments sur le Pont de l’Alma

Le Zouave du pont de l’Alma (Paris)
Le Zouave, par Georges Diebolt (1858) © Wikipedia, 2021

La guerre de Crimée et la bataille de l’Alma

Depuis 1815, l’Empire russe, puissance politique et diplomatique montante sur la scène européenne, cherchait à accroître son territoire.  Profitant de la faiblesse de l’Empire Ottoman, son regard était particulièrement tourné vers les provinces balkaniques. Vers la moitié du XIXe siècle, la Sublime Porte, soutenue par les Français et les Anglais, refusait toutefois de céder aux Russes la protection des orthodoxes dans l’Empire ottoman. Dans ce contexte de tensions politico-religieuses, les forces françaises, britanniques et piémontaises s’allièrent avec les Ottomans pour contrer l’avancée des Russes en Orient. Ils entrèrent en guerre le 12 mars 1854.

Pour l’empereur Napoléon III, c’était là une occasion de légitimer son nouveau titre impérial et d’acquérir un prestige qui s’étendrait au-delà des frontières de la France. Le triomphe des forces françaises à l’occasion de la guerre de Crimée, aussi appelée guerre d’Orient, témoigne de l’apogée du Second Empire et de la place importante qu’occupait désormais la France sur l’échiquier européen et mondial.

Le pont de l’Alma commémore la bataille du 20 septembre 1854 qui se tint sur les rives du fleuve de l’Alma, tout près de Sébastopol, où les forces russes tentèrent vainement de ralentir l’avancée des armées alliées. Au cours de cette bataille, se distingua le 3e régiment des zouaves de la garde impériale. Il s’agit de la première victoire de la campagne de Crimée, laquelle visait à rassembler les forces alliées à Sébastopol occupé par les Russes. Au terme d’un siège de 322 jours, les troupes russes se rendirent le 11 septembre 1855, minées par le froid, le choléra et le scorbut, véritables fléaux de cette guerre particulièrement mortelle. Le conflit armé se termina quelques mois plus tard avec la signature du traité de Paris le 30 mars 1856 qui entérinait la défaite russe.

Les zouaves dans l’armée française

Les zouaves constituaient un corps particulier de l’armée française sous le Second Empire dont l’uniforme se distinguait par son caractère oriental, ce qui lui a valu de connaître une forte popularité auprès du public français. L’origine de ce corps militaire provient de la seconde vague de colonisation française en Afrique du Nord et particulièrement de la prise d’Alger en 1830. À cette occasion, quelques centaines de berbères d’ethnies originaires des montagne de Kabylie, qui servaient jusque-là les forces ottomanes (dont les « Zouaouas », origine du nom francisé « zouaves »),  s’enrôlèrent aux côtés des forces françaises. Entre 1835 et 1845, le maréchal de France, Thomas Robert Bugeaud (1784-1849), recruta leurs services à plusieurs occasions, notamment pour combattre le chef militaire algérien Abd el-Kader. Mais ce fut finalement en 1854 que Napoléon III officialisa la création du régiment des zouaves et les engagea dans la garde impériale dans le contexte de la guerre de Crimée.

Uniformes de zouaves, en 1853, 1855, 1870, et 1874. Gravure couleurs d'après des aquarelles d'Eugène Titeux, dans "Le 1er Régiment de Zouaves. 1852-1895", par le Capitaine Godchot. Tome 2. Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1896 Paris, Fondation Napoléon, bibliothèque Martial Lapeyre
Uniformes de zouaves, en 1853, 1855, 1870, et 1874. Gravure couleurs d’après des aquarelles d’Eugène Titeux, dans Le 1er Régiment de Zouaves. 1852-1895, par le Capitaine Godchot, tome 2, Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1896  ©  Paris, Fondation Napoléon, Bibliothèque Martial Lapeyre

La riche iconographie conservée sur les zouaves met bien de l’avant le caractère oriental de leur uniforme qui les distinguait du reste de l’infanterie française. Tel que l’illustre l’aquarelle d’Eugène Titeux (1838-1904), le zouave de la garde impériale portait une veste sans collet ni bouton bleu foncé, dont les pans étaient ornés d’une tresse jonquille. Le pantalon de forme arabe (seroula) était en drap garance et orné d’un cordonnet bleu sur les côtés. Le soldat portait sur la tête un chéchia rouge orné d’un long gland couleur jonquille. Un grand turban de coton blanc pouvait également être enroulé autour de sa tête. L’uniforme était complété par des guêtres et une longue ceinture de laine bleu enroulée autour de sa taille.

Les zouaves furent par la suite présents dans tous les conflits auxquels Napoléons III décida d’intervenir : la guerre de Crimée (1854-1856), l’expédition en Italie (1859), l’expédition au Mexique (1862-1867), etc. Le corps militaire fut dissout une première fois après la défaite de Sedan en 1870. Reconstitué quelques années plus tard dans le cadre du conflit à Tonkin (1887), ils disparurent définitivement à la fin de la Première guerre mondiale (1914-1918).

Le zouave dans la culture populaire française

Roger Fenton (British, 1819–1869), Zouave, 2nd Division, 1855 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt
Roger Fenton (British, 1819–1869), Zouave, 2nd Division, 1855 © Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt

 

La popularité des zouaves auprès du public français découle, à n’en point douter, de la grande diffusion de leur imagerie sous le Second Empire qui a profité du développement de la reproduction des médias de masse à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. Gravures, photographies, dessins et sculptures se multiplièrent sous le règne de Napoléon III. L’ampleur de la diffusion de cette culture visuelle, résultat notamment du programme politique de l’empereur, contribua à faciliter l’attachement des Français à ce corps militaire étranger, mais aussi à l’acceptation des guerres lointaines menées l’empereur au XIXe siècle. On peut signaler, par exemple, la popularité des photographies de zouaves de Roger Fenton à Sébastopol (1855), puis au Mexique (1862-1867).

 

 

 

 

Le zouave du pont de l’Alma n’y fait pas exception. On ne peut nier la place que s’est forgée cette statue à travers les âges dans la culture populaire parisienne : en musique avec les chansons Le zouave de ma grand-mère de Jeanne Aubert (1939) et Le zouave du pont de l’Alma de Serge Reggiani (1982), mais aussi plus récemment en littérature avec le roman Le zouave du pont de l’Alma de Roger Bordier paru en 2001.

Le Zouave du Pont de l'Alma, 1924 © Gallica
Meurisse, 11603 A – Le Zouave du pont de l’Alma, 1924 © Gallica

 

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Le zouave du pont de l’Alma voit son destin être intrinsèquement liée à l’histoire des crues de la Seine. La tradition veut que la statue constitue un barème pour mesurer la montée des eaux de la Seine, et ce, depuis le début du XXe siècle. La grande crue historique de 1910, haute de 8m62 ne lui avait laissé que la tête hors de l’eau ! Depuis, dès que les eaux touchent les pieds de la statue, des mesures sont prises concernant l’accès aux berges de la Seine. Fait cocasse, on le trouve même présent sur les réseaux sociaux, comme twitter, où on peut lire les réflexions ludiques du « Zouave du pont de l’Alma » sur l’état des eaux de la Seine. Ne manquez pas d’aller voir le zouave aux prochaines crues printanières !

 

Amélie Marineau-Pelletier, Août 2021
Amélie Marineau-Pelletier est historienne et web éditrice à la Fondation Napoléon

►Pour en savoir plus

DELPÉRIER, Louis. La garde impériale de Napoléon III, Nantes, Éditions du Canonnier, 2000.
GODCHOT, Capitaine. Le 1er Régiment de Zouaves. 1852-1895, tome 2, Paris, Librairie centrale des beaux-arts, 1896.
GOUTTMAN, Alain. La guerre de Crimée (1853-1856), Paris Éditions S.P.M., 1995.

Date :
1854-1856
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