Le Dr Guy Ledoux-Lebard (1912-2003), médecin de profession mais également spécialiste reconnu du style Premier Empire, recense vingt-huit exemplaires de ces bustes et note l’existence de modèles en cire rose de dimensions légèrement supérieures, créés en vue du processus de fonte pour les bronzes. Parmi les sujets de ces pièces, on compte la princesse Caroline Bonaparte et son mari Joachim Murat, le prince Jérôme Bonaparte et l’impératrice Marie-Louise. La Fondation Napoléon abrite au sein de ses collections deux de ces bronzes. Ils proviennent de la collection Pardee, anciennement présentée au public à Antibes.
Le nom « Napoléonides » fait écho aux pièces de monnaies à l’effigie de la famille de Napoléon et à destination des nouveaux territoires conquis. Véritable outil de propagande depuis l’Antiquité, les monnaies à l’effigie des monarques sont un moyen efficace de faire connaitre leurs visages aux sujets les plus éloignés. Pensée pour une diffusion large, Napoléon souhaitant par ce biais créer le premier système monétaire européen, cette production n’engendre pas un grand enthousiasme chez les populations annexées qui considèrent la suppression de leurs monnaies autochtones comme une provocation. L’Empereur finit par suspendre cette politique impopulaire et les monnaies dites « Napoléonides » disparaissent définitivement à la chute de l’Empire.
De petite taille, les bustes de la famille impériale dénommés également « Napoléonides » peuvent être transportés facilement, notamment pour être offerts par des émissaires de l’Empire à l’Étranger. Outre leur qualité artistique, ces objets sont donc à part entière des vestiges du système napoléonien. Possibles cadeaux diplomatiques devenus véritables objets de collection, ces bustes sont de la main de Biennais et démontrent ses multiples talents. Initialement maître tabletier (reçu en 1788), Martin Guillaume Biennais devient fournisseur exclusif de la table de Napoléon en 1802 et réalise pour la famille impériale diverses commandes allant de l’ébénisterie à l’orfèvrerie.
Sur le bronze de gauche, nous pouvons voir Caroline Murat, sœur de Napoléon, dont le buste est monté sur une petite pendule en bronze doré.
Elle est vêtue d’une tunique à l’antique, cheveux coiffés d’un chignon et couronnés par un diadème de perles qui fait écho à la production de l’orfèvre Nitot pour les femmes de la famille impériale. Le buste repose sur une colonne cylindrique dont le piètement présente un cartouche.
L’originalité de ce bronze tient au fait qu’il repose sur une petite horloge de la Maison Fort de Paris. Il est cependant impossible de savoir si ce bel et élégant objet a pu être exposé officiellement dans une des propriétés de la sœur de Napoléon, notamment lorsqu’elle est reine de Naples.
Six exemplaires de ce buste, en plus de celui de la Fondation Napoléon, sont recensés ; l’un d’eux est conservé dans la collection de la Princesse Napoléon au château de Prangins et un autre, conservé au château de Fontainebleau depuis 2016.
Toujours d’après Guy Ledoux-Lebard, leur modèle en cire rose, à socle cylindrique en acajou, serait conservé dans une collection privée en Normandie.
Une variante de ce buste de Caroline présentant la Princesse en Hermès est également mentionnée sans que sa localisation ne soit connue de nos jours.
Le second buste est celui de son mari, le roi de Naples, Joachim Murat. Ce bronze dit « au grand cordon » repose sur une bague unie dont la base rectangulaire à frise de palmettes présente le chiffre « JN », pour « Joachim Napoléon Ier », nom qu’il prend en 1808 lorsque Napoléon lui confie le trône du royaume de Naples.
Le buste est surmonté de la couronne des princes de l’Empire. Murat porte sur son torse la plaque de grand aigle de la Légion d’honneur, reçue le 2 février 1805, ainsi que la plaque de Grand-Croix de l’ordre des Deux-Siciles, instauré par Joseph Bonaparte en 1808. Biennais se serait inspiré d’une gravure de Jean-François Bosio représentant Murat vers 1807.
Deux autres bustes de Murat en bronze doré et à socles rectangulaires sont répertoriés : l’un est conservé, en pendant de celui de Caroline, dans la collection de la princesse Napoléon au château de Prangins et l’autre, provenant de la collection Émile Brouwet, a été vendu en 1935 à Drouot à un collectionneur anonyme.
Un des modèles du buste, en cire rose, a par ailleurs été préempté par le château de Fontainebleau le 12 janvier 2022 à Angers.
Outre ces deux bustes, les collections de la Fondation Napoléon conservent une quinzaine d’œuvres de la main de Biennais, parmi lesquelles un serre-papiers et un bol à punch de l’impératrice Joséphine, ou encore un nécessaire de voyage de la duchesse d’Otrante. Les autres objets peuvent être contemplés sur le site web des collections de la Fondation Napoléon.
Elliott Joffre
Janvier 2023
Ancien élève de l’École internationale des métiers de la culture et du marché de l’art, Elliott Joffre étudie en Master d’Histoire de l’art à Paris-I Panthéon-Sorbonne. Il a été stagiaire en 2022 de la Fondation Napoléon où il a notamment travaillé sur la nouvelle base de données de ses collections.