L’impératrice Eugénie et le Prince impérial dans le jardin de Camden Place

Artiste(s) : TISSOT James
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L’impératrice Eugénie et le Prince impérial dans le jardin de Camden Place
L'impératrice Eugénie et le Prince impérial dans le jardin de Camden Place en 1874, James Tissot
© Musée du château de Compiègne / Franck Raux

Ce tableau aux allures bucoliques a été peint en 1874 par l’artiste français James Tissot (1836-1902) un an après le décès de Napoléon III à Camden Place. C’est la résidence de la famille impériale depuis les premiers mois de son installation en Grande-Bretagne. L’artiste, installé lui-même dans le royaume de Victoria Ier depuis quatre ans, a su restituer l’ambiance qui règne alors au sein de ce domaine d’exil.

Il y cerne l’allure meurtrie de l’impératrice Eugénie, entièrement vêtue de noir, le regard dans le vague et appuyée sur le bras de son fils unique, Louis-Napoléon. Derrière eux, un bouquin de violettes, symbole du bonapartisme. L’épouse de Napoléon III, âgée de quarante-huit ans à l’époque, porte le grand deuil, tenue qu’elle ne quittera qu’à sa mort, quarante-six ans plus tard.
Le Prince impérial porte quant à lui l’uniforme d’élève de la Royal Military Academy de Woolwich. Le jeune homme, âgé de 18 ans, a réussi le concours de cette prestigieuse école formant officiers d’artillerie et d’ingénierie militaire en 1872, à la grande fierté de ses parents. À une époque où les places d’officiers britanniques sont des charges payables, la réussite d’un tel concours est un pas dans l’entreprise politique esquissée par Napoléon III pour son fils. Avec une adhésion enthousiaste au programme auquel il est préparé depuis l’enfance, et malgré la chute de l’Empire, le jeune héritier de la maison Bonaparte entend se forger au mérite et devenir artilleur, comme son célèbre grand-oncle.
Dans le tableau de Tissot, cette volonté à tout épreuve du jeune homme, désormais chef de famille, est flagrante : le Prince impérial se tient droit et plonge un regard déterminé en direction du spectateur. Dans le cadre automnal d’une nature qui s’endort, matérialisé avec un charme impressionnisme par le peintre, le fils de Napoléon III semble faire le serment qu’un printemps viendra où l’Empire en France renaîtra. Cette promesse est faite à sa mère et à ceux qui sont être témoins de la scène : les autres personnages en deuil, en retrait dans le tableau comme dans l’attente, et ceux qui contemplent l’oeuvre, de l’autre côté de la toile.
Cette peinture est l’écho intime du discours prononcé par le prétendant au trône impérial, le jour de sa majorité, le 16 mars 1874, devant les bonapartistes venus le reconnaître. ► Lire une analyse d’Alain Galoin sur la photographie d’Eugène Appert de l’événement : « La majorité du Prince impérial », Histoire par l’image, 2005

Tissot n’a jamais été pro-Napoléon III et n’est pas particulièrement partisan d’un retour de l’Empire et de l’avènement d’un « Napoléon IV ». Il est même soupçonné d’avoir quitté la France pour la Grande-Bretagne, après avoir participé à la Commune de Paris. S’il a sans aucun doute des réticences sur le régime qui a succédé au Second Empire et réprimé dans le sang l’insurrection parisienne, ses pensées politiques en 1874 sont diffuses. La communauté d’origine parisienne en Grande-Bretagne est assez petite pour qu’il ait pu faire la connaissance de la maison impériale en exil, avant ou après la mort de l’empereur déchu des Français. Beaucoup de visiteurs sont en effet venus à Camden Place. Peut-être a-t-il même eu l’occasion de nouer une amitié avec le jeune Prince impérial, passionné par le dessin et la sculpture, initié par son professeur Jean-Baptiste Carpeaux ? ► Lire un article d’Aude Nicolas sur « Le Prince impérial : le témoignage posthume d’un talent ignoré », Cahiers du Louvre, 2018

Au milieu des clichés photographiques qui nous sont parvenus de la famille impériale après la chute de l’Empire, le tableau de James Tissot est un témoignage unique et délicat, qui prend quelques années après son exécution une allure crépusculaire. Cette peinture devient en effet tout bientôt le portrait d’une famille entre deux drames : la mort de Napoléon III et celle du Prince impérial, qui succombe dans une embuscade zouloue le 1er juin 1879, cinq ans après sa majorité et le dernier coup de pinceau apporté à cette toile. 

Marie de Bruchard, avril 2020 

Date :
1874
Technique :
Huile sur toile
Dimensions :
H = 1,05 m, L = 1,50 m
Lieux de conservation :
Château de Compiègne
Crédits :
© RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Franck Raux
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