Lorsque le Baron Gérard exécute en 1810 ce portrait de la comtesse Walewska, Marie Laczinska, cette dernière est âgée de 23 ans et se trouve être l’une des maîtresses de l’Empereur depuis trois ans. Elle est déjà mère – ou en passe de le devenir – d’un enfant de Napoléon Ier : Alexandre, comte Walewski, né le 4 mai 1810. C’est cette même année que Napoléon épouse la seconde impératrice des Français, Marie-Louise de Habsbourg, âgée de 19 ans, et dont Gérard fera aussi le portrait cette année-là.
Si la commande du portrait de l’Impératrice Marie-Louise est une commande officielle émanant de l’Empereur, celui de la maîtresse de Napoléon Ier est sans doute plus probablement et prudemment une commande privée, peut-être de la comtesse elle-même. De fait, le portrait restera durant tout le XIXe s. dans la famille du second époux de Marie Walewska, le comte et général d’Empire Philippe Antoine d’Ornano, avec lequel elle se marie en 1816. C’est un legs de 1986 qui permet de l’admirer aujourd’hui au musée de l’Armée, dans la galerie d’Ornano. Il n’existe qu’une autre reproduction en réduction de ce tableau : elle a appartenu à Gérard lui-même jusqu’à son acquisition par le château de Versailles en 1837.
Le tableau reprend les éléments néo-classiques (vases et colonnes en marbre, drapés à l’antique, …) qui ont fait la réputation des portraits Empire de David, Gros, Prud’hon et Gérard lui-même. Toutefois, Gérard se distinguait des autres peintres illustres de la cour par sa rapidité d’exécution, comme en témoigne le portrait de Juliette Récamier, peint en 1805, qui assoira sa réputation face à David qui n’achèvera jamais son propre projet de portrait de la célèbre merveilleuse.
L’originalité de Gérard dans ses portraits féminins en pied tient au naturel qu’il donne à ces oeuvres « posées », pour en effacer l’allure souvent artificielle. Loin de rendre rigide la posture de Marie Walewska, Gérard utilise le décor classique – un pilier à l’antique, élément attendu dans une telle mise en scène – pour donner une pose nonchalante et élégante à la jeune femme. Marie y a négligemment posé son châle, s’appuie dessus et joue avec le cordon de sa ceinture de manière badine. Tout est fait dans cette toile pour rendre instantanée cette attitude que le peintre aurait volée au retour d’une promenade dans un jardin.
La position de Marie Walewska peut être rapprochée de celle de Madame Tallien peinte par Gérard cinq à six ans plus tôt : la nouvelle épouse du comte de Caraman semble elle aussi revenir d’une promenade estivale et s’apprête à monter une marche pour regagner un intérieur. La différence essentielle entre les deux portraits tient sans doute à la couleur de la robe de Marie Walewska : contrairement à la plupart des portraits féminins de l’époque, revêtus d’étoffes à l’antique, souvent légères et de couleurs claires, ou aux couleurs impériales quand il s’agit de la famille Bonaparte, Marie Walewska est ici dans une robe Empire noire, certes élégante comme le prouve la finition de sa frange dorée, mais discrète. Peut-être en reflet de sa position de la « femme polonaise » de l’Empereur, dans l’ombre du couple impérial officiel ?
Marie de Bruchard, août 2014
Compléments :
- La biographie et la bibliographie sur Marie Walewska sur napoleon.org