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Troisième fils de Joseph Vernet, Carle Vernet naquit en 1758 à Bordeaux, où son père travaillait à la réalisation d’un des tableaux de la série des Ports de France. Enfant précoce, il s’initia à la peinture et au dessin dans l’atelier de son père Joseph Vernet (1714-1789), puis, à l’âge de douze ans, entra dans l’atelier de Lépicié. Fils d’un artiste célèbre, jeune homme élégant et raffiné, Carle Vernet grandit dans la société des Lumières; il rencontra Voltaire, Rousseau et tous les beaux esprits de l’époque. Il concourut pour la première fois au Prix de Rome à l’âge de dix-sept ans, et obtient la deuxième place lorsque David remporta le Grand Prix. Vernet fut lauréat à son tour en 1782 et partit pour Rome en octobre de la même année. Il ne resta au Palais Mancini que quelques mois. Le jeune peintre traversa en effet une profonde crise de mysticisme et son père préféra le rappeler à Paris dès le mois de mai 1783.
Carle Vernet connut son premier succès en 1789 avec le Triomphe de Paul Émile (New York, Metropolitan Museum of Art), morceau de réception à l’Academie où il siégea quelque mois au côté de son père, qui mourut la même année. L’artiste fut très éprouvé par la Révolution. Sa sœur, Émilie, épouse de l’architecte Chalgrin, qui avait émigré, mourut sur l’échafaud.
Avec le Directoire, la vie mondaine reprit son cours. Vernet dessina la suite Les Incroyables et Les Merveilleuses, gravée en 1797 par Dacis. L’effervescence de l’épopée napoléonienne lui fournit l’occasion d’exécuter de grandes scènes de l’histoire contemporaine. Outre la représentation de mêlées éphémères où se heurtent cavaliers et fantassins, il peignit de grandes batailles, genre qu’il renouvela en donnant de l’importance aux éléments stratégiques. Collaborant en 1800 avec Robert Lefèvre à un double portrait de Bonaparte et de Berthier à la bataille de Marengo, il reçut la même année la commande d’un monumental tableau de cette même bataille, qu’il achèvera seulement en 1810 (musée de Versailles). Ainsi, plusieurs de ses œuvres sont conservées au château de Versailles, la Bataille de Marengo (1808), qui lui valut la Légion d’Honneur, la Reddition de Madrid (1810), ou le Siège de Pampelune (1824).
Nommé peintre du dépôt de la Guerre en 1806, il présenta au Salon de 1808 un Napoléon donnant l’ordre avant la Bataille d’Austerlitz et un Portrait à cheval de S.M. l’Empereur puis, au Salon de 1810, Napoléon devant Madrid, commande du Sénat, et une Bataille de Rivoli, commande de Berthier.
Cavalier émérite, Vernet avait, de par sa parfaite connaissance des chevaux, une aisance particulière dans l’exécution des portraits équestres. C’est lui qui livre l’aquarelle placée en tête de la Relation de la bataille de Marengo représentant la remise de l’ouvrage par Berthier à Napoléon à cheval, le jour anniversaire du 14 juin 1805 (musée de Malmaison). Cette aisance se retrouve dans cette grande aquarelle de 1807 figurant l’Empereur au faîte de sa gloire.
La description précise de la monture et le luxe de détails du harnachement ont permis au peintre d’exprimer tout son talent. L’œuvre fut reproduite presque au même format, à l’aquatinte en couleurs, par Charles-François-Gabriel Levachez (actif de 1789 à 1830) sous le titre Napoléon Empereur des Français, Roi d’Italie et protecteur de la Confédération du Rhin.
Notre dessin, exceptionnel par sa taille, fit très certainement l’objet d’une commande émanant de la maison impériale ou l’un des hauts dignitaires du régime. Il représente Napoléon Premier protecteur de la confédération du Rhin et roi d’Italie, comme l’indique la lettre de la gravure tirée de notre feuille. 1807 fut, en effet, l’année de la victoire de Friedland au cours de laquelle l’empereur défit les armées russes, deux ans après Austerlitz et un an avant « l’aventure espagnole » qui marqua les débuts de ses revers militaires et politiques.
À ses côtés figurent Murat (1767-1815), beau-frère de Napoléon et roi de Naples, brillant général en chef de la cavalerie impériale qui se distingua par son intrépidité aux batailles des Pyramides, d’Eylau et de Friedland, ainsi que Ney (1769-1815), duc d’Elchingen, futur prince de la Moskowa, surnommé « le brave des braves ».
Carle Vernet réalisa un certain nombre de grands dessins dont le prix équivalait à celui d’huiles sur toile, ce que semble justifié par leur caractère très abouti. On peut comparer cette feuille à deux autres portraits équestres, dont un Hussard (Paris, Hôtel Drouot, 8 novembre 1956) et un Mamelouk daté de l’an XI, conservés dans une collection particulière. Outre le dynamisme de la composition, Vernet s’est ici attaché à décrire, avec un grand luxe de détails, le harnachement de la monture de Napoléon. Il est vrai, qu’il fut, parmi les artistes de son temps, l’un des observateurs les plus attentifs du monde équestre. Après la Restauration, Vernet se consacra essentiellement aux scènes de course et de chasse.
Karine Huguenaud, date inconnue – Mise en ligne : juin 2021