Portrait de Napoléon III

Artiste(s) : DIEUDONNÉ Eugène-Paul
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2023 est une nouvelle année de commémoration pour le monde napoléonien : il s’agit des 150 ans de la mort de Napoléon III, qui eut lieu le 9 janvier 1873. À cette occasion, les collections de la Fondation Napoléon se sont enrichies d’un portrait de Napoléon III d’après Winterhalter, reçu en don par Tarik Bougherira, fondateur de la galerie Imperial Art.

Portrait de Napoléon III
Napoléon III, par Eugène-Paul Dieudonné, d'après Franz-Xaver Winterhalter
© Fondation Napoléon

C’est le 4 mai 1853 que Franz-Xaver Winterhalter reçoit officiellement la commande du portrait officiel de Napoléon III et d’Eugénie. Il est alors convié à Paris « à titre officiel ». Il livre sa commande en décembre de la même année pour la somme de vingt-quatre mille francs Ormond R., Blackett-Ord C., Musée du Petit Palais (Paris France), Franz Xaver Winterhalter et les cours d’Europe de 1830 à 1870, Musée Du Petit Palais 12 Février-7 Mai 1988, Paris, Musée du Petit Palais, 1988, p. 46-47. Peintre de la cour des Orléans, Winterhalter est en fait le peintre des cours d’Europe. Portraitiste hors-pair, il affine ses silhouettes, présente ses modèles sous un jour avantageux et donne une sorte de poésie à sa composition. Le style séduit Napoléon III qui souhaite s’entourer du meilleur pour la réalisation du portrait officiel. Il n’a pas tort puisque cette représentation est reproduite à de nombreuses reprises. Or, Winterhalter ne peut malheureusement répondre à l’ensemble des commandes. On fait alors appel à son atelier ou à des copistes, proches du style du peintre ou tout du moins qui le maîtrisent.
C’est le cas pour le présent portrait. Il a été réalisé par Eugène-Paul Dieudonné (1825-1892). Ce peintre est connu pour ses copies mais également quelques portraits qu’il a réalisés ainsi que pour des compositions religieuses. Il expose régulièrement au Salon de peintures entre 1848 et 1880. Ce touche-à-tout semble s’être aussi adonné à la photographie à un moment où cette dernière se développe. Ainsi, il existe des clichés du peintre dans son atelier qui témoignent de l’ambiance qui pouvait y régner.

Eugène-Paul Dieudonné dans son atelier, par Edmond Bénard /© Photo12
Eugène-Paul Dieudonné dans son atelier, par Edmond Bénard © Photo12

Dieudonné a réalisé plusieurs copies du portrait de Napoléon III. L’une d’entre elles est conservée au château de Fontainebleau. La version des collections de la Fondation Napoléon est un exemplaire intéressant : un soin est particulièrement apporté à l’exécution du visage et des mains de l’Empereur. Ces indices semblent laisser penser que ce portrait de l’Empereur était destiné à un grand dignitaire. Dieudonné a signé son œuvre au verso de la toile.

Best-seller parmi l’iconographie de Napoléon III, le portrait de Napoléon d’après Winterhalter est largement diffusé sous le Second Empire. Il présente l’Empereur en pied, de face dans un fond pourpre, couleur impériale. Au début de son règne, Napoléon III reprend les mêmes codes que son illustre oncle pour la diffusion de son image à travers l’Empire. N’ayant pas été sacré comme Napoléon Ier, il choisit de se faire représenter avec tous les attributs du pouvoir. Il ne porte pas un costume de sacre dessiné par Isabey, mais une sobre tenue de général de division. En revanche, le lourd manteau d’hermine est posé sur ses épaules. Cependant les abeilles, symboles du Premier Empire, semblent avoir disparu, comme si cela témoignait de sa volonté de s’ancrer dans l’histoire de France. Le grand collier de la Légion d’honneur est mis en évidence, tout comme l’écharpe de moire rouge qui représente cet ordre et qui barre son torse. D’autres regalia sont présents dans la composition : la main de justice, que Napoléon III tient fermement, tandis que le sceptre et la couronne sont posés sur une table. Derrière l’Empereur, on remarque le dossier du trône réalisé par François-Honoré-Georges Jacob-Desmalter, comme un écho au règne de son oncle. En effet, Napoléon III choisit de réutiliser ceux du Premier Empire. On distingue dans le fond du tableau le palais des Tuileries, centre du pouvoir du Second Empire. Cette mise en scène et l’ensemble des codes permettent d’inscrire ce tableau dans la tradition des portraits de souverains initiés par Hyacinthe Rigaud pour Louis XIV, et adoptés par Jacques-Louis David ou encore Jean-Baptiste Isabey pour Napoléon Ier.
Ce portrait de Napoléon III possède un pendant, celui de l’impératrice Eugénie, réalisé par le même artiste. Les mêmes couleurs dominent la composition : le pourpre et l’or. L’arrière-plan est similaire, puisqu’il représente le palais des Tuileries, bien que cette-fois, ce sont les jardins qui sont peints. Tout comme son époux, l’impératrice arbore les attributs du pouvoir : on reconnaît la couronne impériale, aujourd’hui conservée au musée du Louvre, posée sur un coussin. Eugénie porte un diadème de perles et de diamants, réalisé par le joaillier Lemonnier, qui réutilise une parure de Nitot faite pour l’impératrice Marie-Louise. À son cou, elle porte un collier de perles à plusieurs rangs et au centre de son corsage, on distingue une touche de vert : il s’agit de la broche trèfle de Fossin, offerte par Napoléon III. Sur sa robe en crinoline, elle arbore le grand cordon de l’ordre de la reine Marie-Louise d’Espagne, comme un rappel à ses origines en tant que comtesse de Teba.

Impératrice Eugénie, d'après Franz-Xaver Winterhalter - château de Fontainebleau © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot
Impératrice Eugénie, d’après Franz-Xaver Winterhalter – château de Fontainebleau © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) / Gérard Blot

L’œuvre originale de Franz-Xaver Winterhalter est aujourd’hui malheureusement perdue. En effet, les deux portraits étaient conservés au palais des Tuileries et n’ont pas pu être évacués lors de son incendie en 1871. Heureusement, nous pouvons compter sur leurs nombreuses copies, sur différents médiums. Ainsi, il existe des tapisseries de ces portraits, conservés au Mobilier national, ainsi que des cartons de préparation pour des tapisseries, mais également des céramiques, comme celle des collections du château de Compiègne, ou encore des miniatures. En ce qui concerne les reproductions des huiles sur toile, on en dénombre près de 600 pour le portrait de Napoléon III dont 500 correspondent à des commandes de l’État passées entre 1855 et 1870, ce qui témoigne d’une volonté de large diffusion. Notons que quelques artistes féminines ont réalisé quelques-unes de ces copies, tout comme quelques grands noms de l’histoire de l’art, à l’instar de Cabanel.

Paire de vases aux portraits de Napoléon III et d'Eugénie, par la Manufacture de Sèvres - château de Compiègne ©RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Thierry Ollivier
Paire de vases aux portraits de Napoléon III et d’Eugénie, par la Manufacture de Sèvres – château de Compiègne ©RMN-Grand Palais (domaine de Compiègne) / Thierry Ollivier

Élodie Lefort, janvier 2023

Élodie Lefort est responsable des collections de la Fondation Napoléon.

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