Portrait de Raza Roustam, mamelouk et garde du corps de Napoléon Ier

Artiste(s) : PAILLOT DE MONTABERT Jacques Nicolas
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Portrait de Raza Roustam, mamelouk et garde du corps de Napoléon Ier
Le mamelouk Raza Roustam, par Jacques-Nicolas de Montalbert (1806)
© RMN-GP - Musée de l'Armée - P. Segrette

Ce portrait, attribué à Jacques Nicolas Paillot de Montabert et détenu par Raza Roustam jusqu’à sa mort, a sans doute été commandé par Roustam lui-même au moment de son mariage. Il passe par la suite à son gendre qui le cède à Pierre-Albert Beaufeu, son exécuteur testamentaire. Ce dernier en fait don au musée de l’Armée en 1901 où il est depuis est conservé. On trouvera sur le site du musée des précisions sur la tenue personnalisée qu’il porte dans ce tableau.

Raza Roustam, une caution exotique parmi les gardes de Napoléon

Né à Tiflis (actuellement Tbilissi), capitale de la Géorgie, en 1781 ou 1782, Raza Roustam est fils d’un négociant établi en Arménie. Il est enlevé à sa famille vers l’âge de 7 ou 13 ans et acheté par un bey cairote pour entrer à son service en tant que mamelouk. Devenu possession du cheick El-Becri, il est offert, avec un autre mamelouk nommé Ali, à Bonaparte en août 1799. À son retour de la campagne d’Égypte, le général français l’emmène à Paris avec lui et en fait son garde du corps. Roustam dort à partir de ce moment-là devant la chambre du Premier Consul. Il est également chargé de la gestion de la toilette de Bonaparte. Tout en gardant ces fonctions auprès de lui, Roustam intègre de 1802 à 1806 le corps des mamelouks de la Garde.

Sa féroce réputation ne correspond pas à la réalité : Roustam est connu pour son calme et son caractère débonnaire, traits que son maître apprécie particulièrement ; il en est régulièrement récompensé de cadeaux par son maître. D’ailleurs, lors du Sacre, Roustam, habillé de manière rutilante à l’orientale dans un costume fantaisiste créé pour l’occasion, chevauchera devant le carrosse du couple impérial. Hormis son rôle d’apparat, lorsque l’Empereur est en campagne, Roustam a pour fonction de prendre soin des repas de Napoléon ainsi que de la propreté des lunettes.
Le 1er février 1806, il épouse sur ordre (et frais) de l’Empereur Alexandrine Douville, fille du premier valet de chambre de Joséphine. L’Empereur offre à cette dernière un bureau de loterie comme cadeau de mariage.

La fin de la campagne de France en 1814 a raison des liens qui unissent l’Empereur et son mamelouk : lorsque Napoléon fait une tentative de suicide au château de Fontainebleau et demande à son fidèle serviteur ses pistolets, Roustam prend peur et s’enfuit retrouver sa femme à Paris, contrairement à d’autres mamelouks de la Garde qui iront jusqu’à suivre l’Empereur à Elbe. C’est là la cause plus que probable pour laquelle Napoléon ne le reprendra pas à son service lors des Cent-Jours (contrairement au beau-père de Roustam, Douville, qui lui a été fidèle depuis l’Égypte). L’Empereur désignera Marchand pour être son premier valet de chambre dans une lettre du 25 mars 1815 à son grand chambellan Montesquiou.

Durant la Restauration, Roustam vit sur ses économies du temps de l’Empire et ne reviendra en semi-grâce qu’à l’occasion de l’instauration de la monarchie de Juillet. Le roi Louis-Philippe accorde à sa femme un travail à la poste de Dourdan mais refuse toute pension à l’ancien garde du corps. Le mamelouk se rendra néanmoins à Paris lors du retour des Cendres, apportant toujours sa touche orientale à la pompe de l’événement. C’est à Dourdan que le Géorgien décède, le 7 décembre 1845.

La tradition des mamelouks en héritage

La réputation infondée de férocité de Roustam a pour origine la nature même des mamelouks, dont la renommée est née dès le XIIIe siècle à l’acquisition par le sultan d’Égypte de douze mille esclaves de Circassie, au nord du Caucase. Les mamelouks se constituent alors en caste militaire d’élite, dirigée par des beys, et finissent par prendre le pouvoir au XVe s., contenant les Arabes et récoltant les impôts. Ils sont intégrés au XVIIIe s. au sein de l’Empire ottoman à son annexion de l’Égypte. Certains mamelouks finissent par entrer au service du général Bonaparte, après le siège de Saint-Jean d’Acre.

 

Harnachement de Mameluck recueilli sur le champ de bataille des Pyramides © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais - image musée de l'Armée
Harnachement de mamelouk recueilli sur le champ de bataille des Pyramides © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais – image musée de l’Armée

 

Ils sont alors organisés le 20 juin 1800 entre deux compagnies, dites de « Janissaires à cheval », qui comportent également des Syriens et des Coptes. Commandés par des officiers indigènes, ils sont d’une aide précieuse, en dehors de leurs qualités militaires et de leurs connaissances de terrain, puisqu’ils servent également d’interprètes à Bonaparte, parlant pour la plupart à la fois arabe et turc.

 

Le Mamelouk, 1817, anonyme © RMN Grand Palais - châteaux de M%almaison et Bois-Préau - Franck Raux
Le mamelouk, 1817, anonyme © RMN Grand Palais – châteaux de Malmaison et Bois-Préau – Franck Raux

 

L’uniforme des mamelouks au sein de la Grande Armée est un riche costume turc qui varie selon les désirs du commandant du régiment. Mais il comporte génériquement un turban bleu à calotte rouge surmonté d’un croissant en cuivre jaune, une veste bleu ciel avec olives, galons et passementerie noirs, un gilet rouge et une ceinture à nœuds de laine verte et rouge, un pantalon rouge et des bottines jaunes. Les mamelouks sont armés d’un sabre turc, d’une espingole (fusil court à canon évasé), de deux pistolets et d’un poignard à manche d’ivoire. Ils possèdent également une giberne ornée d’un aigle en cuivre jaune, suspendue à un baudrier de cuir noir vernis. Toutes les garnitures d’armes et d’harnachement de leurs chevaux sont en cuivre jaune tandis que leurs selles sont à haut pommeau, avec dossier et étriers à la turque. L’été, les mamelouks portent des pantalons blancs en toile et un turban de mousseline blanche.

 

Sabre de mamelouk de la Garde Consulaire © Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais - Emilie Cambier
Sabre de mamelouk de la Garde Consulaire © Paris – Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais – Emilie Cambier

 

Réduit au fur et à mesure par les décès et les départs en retraite, l’escadron mamelouk de la Garde intègre à partir de 1809 des soldats européens, surtout à partir de 1813 où une nouvelle réforme porte son effectif à 250 hommes. Lors de son retour, durant les Cent-Jours, Napoléon décide de le dissoudre pour verser ses membres dans les régiments de cavalerie de la Garde. C’est la fin d’une des unités les plus flamboyantes de la Grande Armée, qui aura influencé en premier lieu la peinture mais aussi la littérature (Lettres d’un mamelouk, que Joseph Lavallée écrit en 1803) jusqu’à la mode féminine (coiffe à la mamelouke) et enfantine (reproduction de l’uniforme mamelouk) en leur temps.

 

Harnachement de cheval de Mameluck offert à Napoléon. © RMN-Grand Palais (musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) - Mathéus
Harnachement de cheval de mamelouck offert à Napoléon. © RMN-Grand Palais (musée des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau) – Mathéus

 

Marie de Bruchard, mars 2019

Pour aller plus loin :

  • Le mamelouk de Napoléon. Les mémoires de Roustam, le garde du corps de l’Empereur, éd. Jourdan, 2010
  • L’odyssée mamelouke. À l’ombre des armées napoléoniennes, L’Harmattan, 1988

Et plus encore, grâce à la bibliothèque Martial-Lapeyre, où ces deux ouvrages sont par ailleurs disponibles.

 

Date :
1806
Technique :
Huile sur toile
Dimensions :
H = 1,165 m, L = 0,895 m
Lieux de conservation :
Paris, musée de l'Armée, N° inventaire : 3659 / Ea 62
Crédits :
© RMN-GP - Musée de l'Armée - P. Segrette
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