Portrait du maréchal Davout

Artiste(s) : MASSON Bénédict
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Portrait du maréchal Davout
Portrait du maréchal Davout, Bénédict Masson © Salle d'Eckmühl, Auxerre

Ce petit portrait, signé du peintre Bénédict Masson, est celui de l’homme qui, lors de la bataille d’Eylau, le 8 février 1807, commandait la droite française. Sans doute, avez-vous reconnu le maréchal Davout, immortalisé dans l’un des chefs-d’œuvre d’Antoine Gros, Napoléon visitant le champ de bataille d’Eylau, exécuté en 1808. Il s’agit bien d’une reproduction en dessin de ce portrait.

Détail du <i>Napoléon Ier sur le champ de bataille d'Eylau</i> de Gros : portrait de Davout encadré © Histoire par l'image
Détail du Napoléon Ier sur le champ de bataille d’Eylau de Gros : portrait de Davout encadré © Histoire par l’image

On peut y distinguer Davout, flanquant immédiatement, à sa gauche l’Empereur environné de ses maréchaux et de son état-major. L’exécution en est si parfaite qu’outre les grands malheurs de la guerre, si visibles, on peut y ressentir le froid intense et la bise sibérienne qui s’étaient abattus sur une plaine gelée, balayée par des bourrasques de neige, empêchant, par moment Russes comme Français de se reconnaître. Une bataille comme on n’en vit jamais, un choc titanesque, laissant derrière lui des dizaines de milliers de morts et de blessés, sans pour autant désigner clairement un vainqueur.
Davout, un cheval tué sous lui, en réchappa et ne vint pas grossir la longue liste des généraux et officiers supérieurs tués dans cet affrontement qui faisait dire au chirurgien Percy, figurant sur le tableau : «  Tout ce que j’ai vu et entendu ne sortira jamais de ma mémoire ».

Tous les témoins de cette bataille et nombre d’historiens se sont accordés pour reconnaître l’action salvatrice de Davout à la tête de son 3e corps qui parvint à stabiliser la ligne française en grande difficulté. Rapportée par ceux qui survécurent à cette bataille, par différents mémoires, par Balzac et son Colonel Chabert, paru en 1832, mais aussi par le tableau de Gros, présenté au Salon de peinture de 1808, cette lutte à mort frappa les imaginations.
Plus récemment, avec tout le talent que nous lui connaissons, Jean-Paul Kauffman , dans son admirable ouvrage La chambre noire de Longwood, nous livra une étude saisissante du regard atterré de l’Empereur, fuyant la vision de la véritable boucherie qu’était la plaine d’Eylau.  Restée vivace dans l’esprit des gens, cette bataille donna lieu à de nombreux autres témoignages et, dans le cas qui nous occupe, à la représentation picturale à mi-corps du maréchal Davout, d’après Gros.

Ce portrait, commandé à Bénédict Masson a fait partie de l’héritage de la plus jeune des filles du maréchal, Adélaîde-Louise Davout d’Eckmühl, marquise de Blocqueville, qui légua à la ville d’Auxerre -Salle d’Eckmühl- les collections historiques de son « Glorieux père ». Ce dessin à la plume et aquarelle (16x12cm) est couplé à un autre dessin, dans un même cadre. Dans le catalogue de la Salle, au chapitre « dessins et miniatures », voilà ce que nous en dit la marquise :

« Deux portraits du maréchal en un même cadre de bois doré, surmonté de la couronne de prince. Ces deux charmants dessins de M. Masson, élève d’Ingres, ont servi pour les gravures des tomes Ier et II du maréchal Davout raconté par les siens et par lui-même. Le premier représente Louis Davout en uniforme de chef du 3ème bataillon des gardes nationaux de l’Yonne en 1792, probablement reproduit d’après le tableau d’Alexis-Nicolas Perignon, conservé au château de Versailles  ; le second a été copié d’après la bataille d’Eylau de Gros ».

Peintre du XIXe, Bénedict Masson a été formé principalement par Paul Chenavard et surtout par Paul Delaroche auquel il doit sa formation de peintre d’histoire civile et religieuse. Masson exposa au Salon de Paris de 1840 à 1881 comme peintre de chevalet. Il aborde un grand nombre de sujets religieux mais se fait également peintre décorateur dont l’oeuvre la plus célèbre est une grande composition murale pour la galerie de la Cour d’honneur de l’autel des Invalides dont le sujet était l’illustration du « Siècle de Charlemagne » .
Toujours aux Invalides, mais jamais achevées, il peignit d’autres fresques de l’histoire de France autour de la Cour d’honneur. Restaurées en 1913, ces fresques  ont été définitivement effacées par les restaurations de la fin du XXe siècle. En 1863, Masson exécuta de nombreuses peintures pour le Conseil d’État : « La Justice », « La Loi », « La Vérité », « La Guerre », « La Paix », suivies plus tard par une nouvelle commande. Bourges, Dijon, Tours, conservent des œuvres de ce peintre.
Malgré une grande activité et une présence constante au Salon de Paris, Masson n’atteindra jamais la notoriété des Gros, Gérard, Vernet, Géricault, Girodet, sans parler bien sur de David.

Dans le tableau de Gros, Davout, chaudement vêtu, le regard tourné vers l’Empereur, semble scruter ses réactions, en même temps que ce regard trahit une sorte de résignation devant le spectacle insoutenable de l’hécatombe qui s’étale à ses yeux.
Chez Masson, le visage du maréchal est plus émacié et semble lancer un regard circonspect et peut-être même désapprobateur, si tant est que l’on puisse le sonder.

Dans le même cadre surmonté de la couronne de prince, au revers se trouve un deuxième portrait de Louis Davout représenté en uniforme de chef de bataillon des gardes nationaux de l’Yonne.

Esquisse d'un portrait du maréchal Davout, Bénédict Masson © Salle d'Eckmühl, Auxerre
Esquisse d’un portrait du maréchal Davout, Bénédict Masson © Salle d’Eckmühl, Auxerre

En l’état de nos recherches, nous ignorons toujours l’auteur de la commande de ce double portrait. Le caractère masculin et même viril du portrait, plutôt que vers la princesse d’Eckmühl ou ses filles me ferait pencher plutôt vers une commande du fils, Louis, qui épousera également en 1830 la carrière des armes. Cette opinion n’est bien évidemment que pure conjecture et mérite d’être confirmée.

Alain Cattagni
Mai 2023

Président de la Société des Sciences historiques et naturelles de l’Yonne, Alain Cattagni est commissaire de l’exposition Davout, l’homme et le maréchal (mai-août 2023)

Date :
1808
Technique :
Dessin
Lieux de conservation :
Musée d’Eckmühl, Auxerre – Inv. Eck. 1882.4.18 et Eck. 1882.4.17
Crédits :
© Salle d'Eckmühl, Auxerre - Germain Plouvier
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