Irène Delage, Chantal Prévot : 4 questions sur Paris au temps de Napoléon, histoire d’un "urbanisme volontariste" (2014)

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Riche de 70 cartes, 300 documents, l’Atlas de Paris au temps de Napoléon (qui a reçu le Prix Premier Empire 2014 de la Fondation Napoléon) raconte l’évolution urbaine de Paris et l’entreprise volontariste de Napoléon Ier, sans doute le premier souverain qui se soucia véritablement tout à la fois de la splendeur de la capitale de son Empire et de l’amélioration des conditions de vie de ses habitants. Ainsi, l’héritage est impressionnant, le Paris napoléonien s’incarne dans les Arc de triomphe de l’Etoile et du Carrousel, la colonne Vendôme, la Bourse, le Musée Napoléon, mais aussi dans l’aménagement des quais et la construction des ponts d’Iéna, des Arts, d’Austerlitz…, le canal de l’Ourcq et un réseau de fontaines publiques, des halles et des marchés, le cimetière du Père Lachaise. Les auteurs Irène Delage et Chantal Prévot nous éclairent sur quelques points. (Propos recueillis le 5 septembre 2014)

Irène Delage, Chantal Prévot : 4 questions sur <i>Paris au temps de Napoléon</i>, histoire d’un "urbanisme volontariste" (2014)

Napoleon.org : Quels furent les enjeux urbains qui se posèrent à Napoléon et aux pouvoirs municipaux ?

Irène Delage : Bien sûr, des aménagements urbains ont été amorcés au XVIIIe (construction du grand égout, aménagement des quais, fermeture des cimetières intra-muros), mais ils ne répondaient pas aux enjeux urbains : en 1800, Paris offrait toujours un dédale de rues étroites et sales, et restait une ville aux possibilités de construction limitées dans un tissu urbain très resserré (particulièrement dans le centre historique), aux conditions sanitaires délicates (densité de population, habitat insalubre). De plus, jusqu’alors, aucun plan n’envisageait la ville dans son ensemble, les aménagements, utilitaires, d’agrément ou d’embellissement, restaient le plus souvent une réponse à un problème particulier ou délimité.

La Révolution française fut un tournant important aussi pour l’histoire urbaine de Paris. Avec le décret du 2 novembre 1789 sur les biens du clergé, et la mise en vente, à partir de juillet 1792, des biens des émigrés confisqués en mars 1792, ce sont près de 400 hectares qui vont se libérer dans la capitale, permettant des plans de lotissement, le percement de nouvelles voies de circulation… Des perspectives d’autant plus importantes que la population parisienne va augmenter de plus de 13 % sous le Consulat et l’Empire.

Napoleon.org : Quels sont les aménagements qui ont réellement amélioré la vie quotidienne des Parisiens ?

Chantal Prévot : Je placerais en premier le développement du réseau d’adduction d’eau et la création de fontaines, puis l’édification et la rénovation de marchés alimentaires. La création d’abattoirs aux marges de la ville et l’agrandissement des canalisations d’égouts pour des raisons hygiéniques furent moins spectaculaires mais tout aussi importantes. Sans oublier une mesure qui fit date : la mise en place d’une numérotation logique et pratique des maisons afin de se repérer avec facilité, organisation que nous utilisons encore.

Napoleon.org : Quels étaient les loisirs préférés des Parisiens ? Qui pouvaient en profiter ?

Chantal Prévot : Les loisirs étaient variés et très nombreux. Les Parisiens étaient (et sont toujours) des badauds qui aimaient à flâner dans les rues et regarder des spectacles. Le théâtre était une véritable passion qui pouvait être assouvi dans les salles comme sur les boulevards avec des présentations de rue. Jongleurs, montreurs d’ours occupaient aussi ces lieux de divertissement. Les panoramas, ces vastes salles aux peintures circulaires qui donnaient l’impression d’être au cœur de la scène, furent de grandes nouveautés qui attirèrent un public nombreux. Les jardins dits d’agrément (en fait des parcs d’attraction avant la lettre) recevaient aussi bien l’élite parisienne qu’une population plus modeste. On peut évoquer aussi les piscines en été et les patinoires en hiver.

Napoleon.org : En contrepoint des loisirs, le travail et les activités artisanales et industrielles : quelles évolutions se font jour sous l’Empire ?

Irène Delage : Le secteur textile reste très présent (en 1811, on dénombre 57 filatures et 13 000 ouvriers), bénéficiant avec la vente des biens nationaux de nouveaux espaces pour développer de grandes manufactures. Les pratiques sont améliorées avec l’installation de producteurs anglais de machines, comme les frères Cellier dans le Marais. Le blocus continental fut un facteur important, bien sûr, pour cette activité. Outre la question de la vitalité économique, Paris va être confrontée au problème de pollution avec le développement des industries chimiques, comme la production de soude artificielle nécessaire à des activités très présentes (papeterie, teinturerie, verrerie, travail des peaux). Les plaintes se développèrent, un arrêté du préfet de police en 1806 fut renforcé par le décret de 1810 qui classait les manufactures en trois catégories suivant leur dangerosité et les contraignaient à certaines obligations (dont la construction loin d’habitations). Ce fut une prise en compte très importante, même si dans la réalité les choses évoluèrent peu et de nombreuses activités polluantes, comme dans le quartier de la Bièvre, se maintinrent après l’Empire.

* Les auteurs : Irène Delage est responsable du service de Documentation à la Fondation Napoléon et responsable éditoriale du site napoleon.org, Chantal Prévot est responsable des bibliothèques de la même institution.

Voir quelques page du livre sur le site des éditions Parigramme

Cet ouvrage a reçu le Prix Premier Empire 2014 de la Fondation Napoléon.

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