Sophie Muffat : « le fil rouge entre les deux Empereurs, c’est la formation des marins et l’enseignement » (octobre 2022)

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Napoléon, allergique à la Marine ? Pas vraiment… Mais certainement partiellement dans un dialogue de sourds avec elle. Sophie Muffat nous explique pourquoi. Professeur de lettres modernes en Alsace, Sophie Muffat travaille sur le Directoire, le Consulat et le Premier Empire, notamment leurs aspects maritimes. Son étude sur le « Bateau canonnier de 60 pieds modèle an XII » a été distinguée par l’Académie de Marine en 2013 ; son ouvrage Les marins de l’Empereur a reçu une médaille de l’Académie de marine en 2022 ainsi que le Prix du jury de la Fondation Napoléon cette même année. Elle vient de coécrire avec Pascal Cyr une histoire de La guerre d’indépendance des États-Unis chez Passés/Composés

Propos recueillis par Marie de Bruchard, octobre 2022 – mise à jour : novembre 2022

Sophie Muffat : « le fil rouge entre les deux Empereurs, c’est la formation des marins et l’enseignement » (octobre 2022)
Source : Babelio

Napoleon.org – Pouvez-vous nous décrire dans quel état se trouve la marine de guerre française quand Bonaparte arrive au pouvoir ?

Sophie Muffat – C’est assez catastrophique… Quand Bonaparte prend le pouvoir en novembre 1799, la marine a essuyé un certain nombre de revers en peu de temps. Il y a eu les combats de Prairial en juin 94 qui ont détruit la moitié de l’escadre de Brest, la tentative ratée de débarquement en Irlande et Aboukir en 98… il y avait eu pourtant de très gros efforts de construction, avec des ingénieurs extrêmement doués. Mais quand on regarde les chiffres, la situation entre 1792 et 1799 est quasiment identique. En fait elle est même pire en 1799 : si on s’en tient strictement aux unités de la Marine de guerre, vaisseaux et frégates, il n’y a plus que 48 vaisseaux, tous types confondus. Quant aux frégates, il n’en reste plus que 52. Et je compte dans ce chiffre les bâtiments existants en 1792 et les nouvelles constructions navigantes en 1799. Certains des nouveaux vaisseaux ont déjà été détruits à Aboukir. Et il ne faut pas oublier la situation des équipages : un vaisseau au mouillage faute d’équipage n’a aucune utilité.

Car beaucoup de ces bâtiments sont au port faute d’équipages et d’argent pour payer l’entretien et les soldes. Seules les unités moyennes et les petits bâtiments sont plus nombreux en 1799 ; mais leur nombre et leur force ne sont pas significatifs pour peser sur la stratégie navale. D’ailleurs si on compare le chiffre des constructions avec celui des bâtiments navigants en 1799, on ne peut que se demander « mais où sont-ils passés ? » à titre d’exemple, 119 corvettes sont construites entre 1792 et 1799 mais il n’en reste que 39 !

Au final, en 1799, on a 4 trois-ponts, 5 vaisseaux de 80, 31 de 74, 8 de 64, 52 frégates et 150 bâtiments plus petits, ce qui est assez faible si on compare avec l’Angleterre : en 1799, l’Angleterre dispose d’environ 129 vaisseaux et 127 frégates.

Napoleon.org – Quelles sont les grands principes de réforme que Bonaparte/Napoléon met en œuvre pour sa Marine ?

Sophie Muffat – Il faut distinguer les réformes de Bonaparte et celles de ses ministres de la Marine. Bonaparte au pouvoir veut réformer la Marine sans que ça coûte trop d’argent. Et Napoléon empereur veut réformer les marins malgré eux. Si on s’en tient à ses grands principes, il y a d’abord une réforme structurelle de l’organisation avec des innovations, des efforts de construction indiscutables, des ports et des arsenaux développés, et à côté de ça, une militarisation des marins qui ne sera jamais acceptée, la conscription, le durcissement du Code pénal de la Marine…

Tout n’est pas noir dans sa vision de la Marine. On a tendance à réduire la Marine impériale à Trafalgar, mais c’est oublier tout le reste, notamment une exceptionnelle modernisation, un dynamisme sans précédent dans les constructions et les travaux maritimes. Quelques exemples : le port de Wimereux sort de nulle part en quatre mois, il est construit dans des marais, dans un endroit impropre à la construction, mais il est toujours là ! Le découpage du territoire maritime en préfectures maritimes, c’est révolutionnaire, et c’est toujours utilisé. Un nombre impressionnant de vaisseaux et de frégates sont construits pendant le règne, le budget de la Marine ne cesse de croître… Quant à l’organisation générale, Bonaparte fait en sorte que toutes ses réformes s’appuient sur celles de la Révolution. Certaines innovations de 1795 ne sont pas modifiées, ou servent de base à celles du Consulat, comme le Conseil de salubrité navale. Mais la vraie réforme selon moi quand il prend le pouvoir, celle qui va être un véritable progrès, c’est le service de santé de la Marine, avec la création des hôpitaux dans les grands ports de la Marine, dont chacun est pourvu d’une école de médecine navale, à l’instar de celle de Rochefort.

Napoléon empereur continue de « moderniser » la Marine, sur la base d’un monstrueux malentendu ; pour lui les marins sont des militaires et ils sont interchangeables et universels, ce que les marins n’accepteront jamais. Il commence d’ailleurs par les pourvoir d’un uniforme, en mai 1804. Puis il décide d’une terminologie qui entretient la confusion entre l’armée de terre et la Marine ; la création de « bataillons », puis de « régiments » et de « compagnies » avec des hommes en uniforme dont il modifie les fonctions n’arrange pas la situation. Par exemple, il donne aux différents grades des équipages les fonctions dévolues à ceux de l’armée de terre, et la fonction à bord n’a rien à voir avec le grade. Les troupes embarquées sont censées participer aux manœuvres basses, l’entraînement des marins devient identique à celui de l’infanterie, et surtout, la Marine n’est pas une arme stratégique en soi. Pour l’Empereur, elle est au service de l’armée de terre.

En somme Bonaparte réorganise toutes les institutions navales y compris le ministère, construit des ports, des arsenaux, des vaisseaux, des hôpitaux, et Napoléon transforme les marins en militaires interchangeables.

Napoleon.org – Le blocus continental était-il voué à être un échec ?

Sophie Muffat – Oh oui… l’idée de l’Empereur, puisqu’il ne pouvait vaincre par mer, était de vaincre « la mer par la terre ». Mais pour que ça fonctionne, il fallait que tous les états continentaux appliquent le blocus. Et il y a eu énormément de réticences, à commencer par le royaume de Hollande gouverné par Louis, le frère de l’Empereur ! Il y avait beaucoup de faiblesses à ce blocus ; son étendue immense, la nécessité d’être appliqué par tous les pays, et surtout le peu d’effets réels sur l’économie anglaise qui était la première visée. Les Britanniques ont « fait avec » : peu d’exportations, beaucoup de production et des alliances commerciales avec la Russie, les États-Unis… Par ailleurs ils se fournissent en bois de marine au Canada, et le blocus n’aura absolument aucun effet sur les constructions navales de l’Angleterre qui s’intensifient. Et dès 1808, les États-Unis contrarient le plan impérial puisqu’ils interdisent tout commerce avec l’Europe. Enfin, un blocus, c’est aussi se priver des importations nécessaires, comme le coton, le sucre, le café… l’échec absolu du blocus c’est son peu d’effets sur l’économie anglaise, contre laquelle il était censé lutter.

© SOTECA 2021
© SOTECA 2021

Napoleon.org – Votre récent ouvrage Les marins de l’Empereur s’attache d’un point de vue anthropologique aux hommes, à leur vie quotidienne, qui ont composé la marine impériale : y a-t-il eu une évolution sociologique spécifique à cette composition sous le Premier Empire ?

Sophie Muffat – Pas vraiment. En fait depuis la création des classes de gens de mer qui sont devenus l’inscription maritime, rien n’a changé. C’est un autre des exemples du Directoire que Bonaparte a gardé sans le modifier. Pour les équipages, l’inscription maritime concerne absolument tous les hommes qui habitent dans les villes des provinces littorales. Ils ne peuvent échapper à l’inscription s’ils habitent en Bretagne, en Guyenne, en Normandie, Picardie, Poitou, Saintonge, Aunis, îles de Ré et d’Oléron, Provence et Languedoc. C’est ainsi depuis Colbert et rien ne change sauf la classification des hommes. Il y a des aménagements, des évolutions, mais pas vraiment de changement en profondeur depuis 1795. Cette organisation concerne tous ceux qui « se destinent à la navigation », qu’ils naviguent pour l’État, au commerce, sur rivière ou sur mer, y compris les pêcheurs. Une des évolutions majeures concerne l’âge des marins. Ça commence à l’âge de 10 ans pour les mousses ; le changement de grade est lié à l’âge autant qu’à l’expérience et à la durée de service. À l’âge de 18 ans, il peut choisir de persévérer dans les métiers de la Marine et donc doit se faire inscrire sur les registres. Les seuls qui soient dispensés de l’inscription maritime sont les officiers. C’est pour eux qu’il y a réellement une évolution sociologique.

Depuis la Révolution, ceux-ci sont maintenant recrutés sur concours, ce qui est une évolution fondamentale ; le grade d’enseigne de vaisseau s’obtient après un examen, et il n’y a plus d’officiers « bleus » ou d’officiers « rouges » issus du Grand Corps ou de la Marine au commerce. Les officiers « de vaisseau » disparaissent et deviennent des officiers « de Marine », ce qui les met tous sur un pied d’égalité. Pour avancer en grade, il faut à présent un temps incompressible de service à la mer, des conditions d’âge ET un examen pour tous les grades inférieurs à lieutenant de vaisseau ; les grades supérieurs sont encore plus difficiles à obtenir, car le nombre de places est limité pour chaque grade. Enfin, les équivalences de grade avec l’armée de terre sont mises en place, et c’est entre autre sur ces équivalences que l’Empereur s’appuiera pour sa militarisation du corps.

Napoleon.org – Être marin de Napoléon est-il un sort plus enviable que marin sous Louis XVI ?

Sophie Muffat – Je dirais plutôt : « être marin est-il un sort enviable ? » Le métier reste le même pour l’essentiel et l’organisation de la vie sur le vaisseau est identique. Si Louis XVI réforme la Marine entre 1784 et 1786 et pose les bases de sa modernisation, Napoléon ne changera pratiquement rien à cette réforme. Tout juste précise-t-il certains points, ou en approfondit d’autres. Mais pour l’essentiel, on est mal payé, on mange peu et mal, la discipline est inhumaine ; il n’y a plus de peine de « galère », mais il y a les travaux forcés et le bagne, le Code pénal de la Marine de 1790 est enrichi en crimes et en peines par l’Empereur en 1810 qui invente 44 crimes ou délits supplémentaires ; par ailleurs les marins de l’Empereur sont des conscrits depuis 1803, ce qu’ils n’étaient pas sous Louis XVI.

Les avancées sociales de Louis XVI pour les marins sont surtout celles qui concernent les invalides de la Marine : ils ont droit à des soins gratuits dans les hôpitaux et une pension de retraite, mais il faut relativiser ; sous Louis XVI, les pensions sont payées selon un ordre précis et le montant total prévu pour un an est fixé par le roi. Donc si la totalité des fonds est utilisée avant que tout le monde ait été payé, certains ne toucheront rien.

Sous l’Empire, le fond des Invalides est financé par le fameux « 3% » sur tous les appointements et soldes, sur le produit des prises, et les soldes des déserteurs. À côté de ça, l’Empereur se sert de la Caisse des Invalides comme d’une banque où puiser en cas de nécessité mais fixe les conditions pour bénéficier d’une pension de retraite ou d’invalidité avec une comptabilité assez glauque : 300 mois à la mer, le temps passé à terre comptant pour moitié, et pour les invalides, combien de membres manquants, lesquels ? L’invalide peut-il encore travailler ? Certains matelots qui ont vingt ans de service ne touchent absolument rien… Mais l’Empereur, contrairement à Louis XVI, pense aux veuves et aux orphelins, à qui il octroie aussi quelques menus subsides en cas de décès de l’époux ou père, à condition que ce soit pendant le service, et au combat de préférence.

Napoleon.org – De Forfait ou de Decrès, quel est le ministre qui a le mieux compris les enjeux de la refondation de la Marine française ?

Sophie Muffat – Decrès hérite des innovations de Forfait. Forfait est un ingénieur habile et brillant, mais il a deux handicaps : il n’a jamais navigué et il n’a aucun sens de l’argent. Je rajoute aussi qu’il n’a pas le moindre sens politique. S’il parvient à ce poste, c’est parce que Bonaparte a été impressionné par ses compétences pendant la première campagne d’Italie et que sa vision de la Marine correspond en gros à celle du général, surtout dans ses chimériques plans d’invasion. Quand Decrès arrive au ministère, il hérite aussi de ses dettes, mais également de l’œuvre de Forfait : le nouveau service de santé et les préfectures maritimes, entre autres. Decrès va très vite s’opposer à l’Empereur sur plusieurs points, notamment le concept de « marin instantané ». Il considère que pour être un bon marin, il faut un entraînement poussé et intensif. Il a pour lui une carrière de plus de vingt ans comme officier de marine. Les écoles de canonnage maritime, c’est lui ! L’entraînement des marins c’est lui, l’intensification des constructions c’est toujours lui ! Decrès voit la Marine comme une force stratégique ; il ne croit qu’en ses frégates, et pour lui l’enjeu est de mettre des gens compétents en place et d’écarter les incapables et les paresseux. Napoléon n’en a pas toujours conscience, mais le meilleur instrument d’une Marine puissante, c’est son ministre.

Napoleon.org – Napoléon a-t-il manqué de vision ou de temps dans son ambition maritime, selon vous ?

Sophie Muffat – Il a eu tout le temps nécessaire. Mais le temps naval est différent du temps impérial. Par exemple, quand Napoléon envoie ses ordres, qui arrivent trois semaines plus tard, il a déjà changé d’avis et envoyé d’autres ordres, sans laisser le temps à ses amiraux d’exécuter les premiers. Quand Villeneuve arrive à Cadix en août 1805, Napoléon s’étouffe de fureur quand il l’apprend début septembre, sauf qu’il a déjà oublié qu’il se conforme très précisément à ses instructions du mois de juillet qui lui laissaient la possibilité de se replier là-bas si nécessaire. Plus largement, le temps nécessaire pour les ambitions navales de l’Empereur a été contrarié par sa volonté d’aller vite, quoi qu’il demande, alors que la Marine, comme je l’ai écrit, est une arme « lente ».

Et quand il décide de faire construire cent vaisseaux pour cinq ans plus tard, il n’a aucune véritable idée du temps réellement nécessaire, ni des approvisionnements. Il décide, donc c’est exécutable instantanément ; si j’osais cette comparaison littéraire, on pourrait dire qu’il est dans une pièce de Racine : dire, c’est faire, mais la Marine ne marche pas comme ça. Et il ne comprend pas.

Il ne manque pas non plus de vision : il a de très hautes ambitions pour sa Marine ; le développement des ports d’Anvers et Cherbourg par exemple, ou la défense des côtes, le développement des arsenaux, en sont le meilleur exemple. Mais ce n’est pas une vision complète. Par exemple il est absolument opposé à toute innovation technique : ce pauvre Fulton en fera l’amère expérience. Ses tests dans la Seine fonctionnent, mais ses inventions sont refusées. Napoléon le qualifie même « d’homme à projet », autant dire un rêveur chimérique. Son sous-marin fait scandale, sa marine à vapeur est blackboulée, ses chaloupes à torpille avec système à retardement, n’en parlons pas.

Il a par contre manqué de vision sur l’aspect essentiellement stratégique ; la Marine, pour l’Empereur, n’est pas une arme stratégique en elle-même, avec ses propres actions ; il ne la voit que comme une arme subalterne, au service de l’armée de terre. C’est sa plus grande erreur.

Napoleon.org – Que reste-t-il de son entreprise maritime après la chute de Napoléon ?

Sophie Muffat – Il en reste énormément de choses. Les préfectures maritimes de Forfait fonctionnent toujours, le système de l’inscription maritime dont il avait hérité et qu’il avait perfectionné ne disparaît qu’en 1965. Le port militaire de Cherbourg a continué de se développer durant tout le XIXème siècle, le port de Wimereux construit au milieu des marais a réussi à survivre. Ce sont surtout les infrastructures qui perdurent. Le statut des marins a aussi énormément changé. Napoléon en fait des militaires en uniforme, ce qu’ils restent par la suite.

Napoleon.org – À l’instar d’autres domaines de la « doctrine bonapartiste », la politique navale de Napoléon III a-t-elle hérité d’un aspect de celle de son oncle ?

Sophie Muffat – C’est difficile à dire : les deux Restaurations avaient minutieusement fait en sorte de déconstruire une partie de l’œuvre navale impériale tout en utilisant ce qui pouvait servir. Renaissent ainsi les aumôniers militaires y compris dans la Marine et disparaissent les Marins de la Garde. Entre 1815 et 1848, la Marine a tellement évolué qu’il est difficile de dire que Napoléon III hérite de quelque chose lui venant de son oncle. Je pense qu’il hérite surtout d’une idée de la Marine : les marins devenus militaires. Étonnamment c’est le seul aspect qui perdure quel que soit le régime politique, bien qu’il ait mis très longtemps à être intégré par les principaux intéressés. Il hérite de la pensée navale, et de sa vision économique et commerciale.

Napoleon.org – Quelle est l’originalité de la marine du Second Empire au regard de son évolution globale au XIXe s. ?

Sophie Muffat – Napoléon III est un empereur moderne, y compris pour sa Marine. Mais la situation politique a aussi beaucoup changé, car maintenant l’Angleterre est devenue une alliée. L’Empereur va donc observer la Marine anglaise bien plus moderne, et décider de la transformation de la Marine impériale. Il va s’entourer de conseillers brillants, qu’ils soient amiraux ou ingénieurs, pour construire et développer une flotte à la pointe du progrès technologique. L’apport de Dupuy de Lôme va être prépondérant dans cette évolution. Les premières hélices sur les bâtiments français ne datent que de 1842 ! La propulsion à vapeur a pour le nouvel empereur des avantages indiscutables, la marine n’étant plus tributaire des vents… En 1857, c’est officiel : les bâtiments de la Marine impériale doivent obligatoirement être pourvus de moteurs, et depuis quelques années, on fait des essais pour des vaisseaux cuirassés qui rencontrent immédiatement les sarcasmes des marins et de fortes oppositions. Comment mener un combat naval « traditionnel » avec des coques recouvertes de 12 cm de métal ? Une des originalités du règne, c’est donc aussi de changer la façon de combattre en mer, avec les avancées technologiques. Hélices, blindage, moteurs, et même des avancées dans l’artillerie navale, 1857 est la grande année de la Marine du Second Empire : le renouvellement de la Marine de guerre qui obéit à de nouveaux impératifs de construction, le développement de la marine de transport, des navires spécialisés et surtout, des navires-écoles. D’ailleurs, cette année-là, l’École navale se dote d’un nouveau programme très ambitieux. Quant à Dupuy de Lôme, il met au point un nouveau modèle de frégate cuirassée qui fait sensation. Deux ans après l’approbation des plans, la première est terminée et montre à elle seule l’évolution de la construction navale : la France est le premier pays au monde à construire un tel bâtiment ! A titre de comparaison, les États-Unis ne disposeront de bâtiments cuirassés comme le Merrimac qu’au tout début de la guerre de Sécession.

Cette évolution n’est pas non plus gratuite ; il y a la nécessité d’une nouvelle flotte navale qui renouvelle l’ensemble des forces, mais une innovation technique indispensable à la stratégie navale impériale d’expansion, qu’elle soit ou non purement commerciale.

Napoleon.org – Aujourd’hui au XXIe s., la Marine nationale doit-elle encore quelque chose aux deux Napoléon ?

Sophie Muffat – Je dirais que oui, surtout avec les innovations techniques. Mais le fil rouge entre les deux, c’est la formation des marins et l’enseignement ; Napoléon Ier et ses écoles de canonnage maritime, Napoléon III et le développement de l’École navale. Enfin, et on l’oublie souvent, le développement de la marine scientifique ; il y a eu l’expédition Baudin sous le Consulat, le voyage de la Capricieuse dans les années 1851-54 et une dizaine d’années plus tard l’expédition scientifique du Mexique.

Je dirais que le principal apport des deux empereurs à la Marine d’aujourd’hui, c’est la dynamique de son développement, qui fait qu’elle est actuellement la quatrième force navale du monde.

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