Napoléon et la Corse

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D’Ajaccio à Longwood, les îles ont incarné le destin de Bonaparte. Partez ici à la découverte de la mère patrie, de cette terre natale où flotte encore l’ombre de l’Empereur ; suivez-nous en Corse aux origines de la légende.

Napoléon et la Corse
Citadelle de Corte © TripAdvisor
  • Introduction

    « J’ai puisé la vie en Corse et avec elle un violent amour pour mon infortunée patrie et pour son indépendance. Et moi aussi, je serai Paoli. »

    Cette réflexion du jeune Napoléon Bonaparte résume bien la personnalité de l’enfant durant ses années de formation passées sur le territoire français. Farouche, solitaire, travailleur indiscipliné, Napoléon développa une affection passionnée pour sa terre natale et un véritable culte pour celui qui incarnait l’âme de la résistance Corse, Pascal Paoli. A Sainte-Hélène, les pensées de l’Empereur déchu se tournaient encore vers ses premières années. Or, si l’enfance est la clé de voûte d’une existence, celle de Napoléon est d’autant plus fascinante qu’elle nous mène aux origines de la légende. Cet itinéraire nous entraînera donc sur les traces de la famille Bonaparte en Corse. Il nous fera pénétrer la petite enfance de Napoléon à Ajaccio mais aussi, à travers l’évocation de la figure mythique de Paoli, nous fera mieux comprendre l’engagement politique du jeune homme en faveur de l’indépendance de la Corse puis son ralliement à la France.

    Cinq parcours vous sont proposés à Ajaccio et à Corte : L’histoire d’Ajaccio, Le circuit impérial,  L’urbanisme et la statuaire, Les sites napoléoniens aux environs d’Ajaccio, Corte. Des prolongements à Bastia, Calvi et Bonifacio complètent ces circuits. Deux cartes sont accessibles ci-dessous : l’une présente la Corse et les « lieux de mémoire » napoléoniens répartis dans l’île, l’autre est un plan détaillé du centre ville d’Ajaccio. Elles vous permettront, tout comme l’ensemble des renseignements pratiques, de réaliser plus facilement cet itinéraire. Bon voyage !

    Karine Huguenaud
    (novembre 1998 – mise à jour : juillet 2023)

  • Parcours : L'HISTOIRE D'AJACCIO

    Ce premier circuit est une promenade historique qui nous entraîne aux origines de la ville. Le point de départ se situe devant l’échauguette de la citadelle. C’est au premier abord par son golfe magnifique, souvent comparé à la baie de Naples, que s’exerce la séduction d’Ajaccio. Les premiers occupants dans l’antiquité furent sans doute conquis par les courbes harmonieuses de cette côte au point de s’y installer. Des traces d’une occupation romaine au IIIe siècle de notre ère sont en effet attestées dans le quartier Saint-Jean, à l’est de la ville actuelle, et les restes d’une basilique paléochrétienne y ont été mis à jour. L’évêché d’Ajaccio est d’ailleurs mentionné dans les lettres de Grégoire le Grand autour de l’an 600. L’implantation d’une colonie génoise au XIIe siècle donna son essor à la ville. Souhaitant établir un nouveau point d’appui maritime entre Calvi et Bonifacio, les Génois choisirent le site d’Ajaccio pour édifier une petite place forte, le Castel Lombardo, dont il ne reste rien aujourd’hui.

    Pour des raisons de salubrité liées au paludisme, ce site fut abandonné au XVe siècle et, en 1492, le promontoire rocheux du capo di Bollo sur la pointe de la Leccia fut choisi pour l’implantation d’une ville nouvelle. Une centaine de familles génoises et ligures parmi lesquelles figuraient les Bonaparte fut alors envoyée pour en assurer le peuplement. Le plan primitif de la ville est encore visible dans ses grandes lignes autour de la citadelle. Il s’organisait autour de trois rues disposées en éventail : la strada del Domo (rue Forcioli-Conti), la strada San Carlo (rue du roi de Rome) et la strada dritta (rue Bonaparte) où se situait la porte d’entrée de la ville.
    La Citadelle fut construite dès la fondation de la ville en 1492. Elle ne se composait alors que d’un simple castello, un donjon et une enceinte basse. En 1502, Ajaccio était entourée de puissantes murailles. La citadelle fut modifiée et agrandie lors de l’occupation française de 1553 à 1559. A cette date, en exécution du traité de Cateau-Cambrésis, la Corse fut rendue à Gênes. L’ingénieur Jacopo Frattini fut envoyé à Ajaccio afin d’ajouter à la citadelle un solide bastion du côté de la mer et un large fossé fut creusé ce qui la sépara de la ville. Ce n’est que dans le premier quart du XVIIIe siècle que l’île essaya de se libérer du joug de ses occupants. Plusieurs fois, en 1729, 1739 et 1763, les nationaux tentèrent de s’emparer d’Ajaccio sans jamais y parvenir. Et la cité qu’un voyageur de l’époque qualifiait de «plus jolie petite ville de la Méditerranée» passa directement sous administration française en 1768 lorsque la Corse fut cédée par Gênes.

    En tant que place forte, la citadelle fut le témoin de tous ces événements. Elle fut certainement un lieu fascinant pour Napoléon enfant. Nombre d’historiens rapportent que le petit garçon y assistait aux relèves de la garde. Le fait, sans être authentiquement avéré, n’est certes pas étonnant puisque la maison familiale se situe tout près. En revanche, les tentatives réitérées de Bonaparte en 1792 et en 1793 pour s’en emparer sont bien réelles. Ayant choisi le rattachement à la France et nommé lieutenant-colonel de la Garde nationale Corse, le jeune homme s’opposa à plusieurs reprises aux forces paolistes mais jamais il ne réussit à se rendre maître de la citadelle. C’est à la suite d’une ultime tentative qui échoua en juin 1793 qu’il fut contraint, lui et sa famille, à quitter son île natale. Aujourd’hui, il n’est malheureusement pas possible de visiter la citadelle puisqu’elle est toujours occupée par l’armée, mais on peut en saisir le plan d’ensemble en se promenant le long du boulevard Danielle Casanova et du quai Napoléon.

    Buste de Napoléon (Musée du Capitellu) © Fondation NapoléonAvant de quitter le boulevard Danielle Casanova, un arrêt s’impose au n°18 dans un charmant petit musée privé installé dans un bâtiment datant de la période génoise, le musée du Capitellu. L’histoire d’Ajaccio, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, y est évoquée à travers les souvenirs d’une même famille. Porcelaine, argenterie, mobilier et vaisselle côtoient des tableaux d’artistes ajacciens du XIXe et du XXe siècle. Quelques peintures italiennes du XVIe siècle forment le fleuron de la collection. Il est amusant de constater que, contrairement à la célèbre formule qui définissait Ajaccio comme, «le souvenir de l’Empereur, avec quelques maisons autour », les objets évoquant l’illustre enfant du pays ne sont pas nombreux. Certes un petit buste de Napoléon en marbre accueille le visiteur à l’entrée mais c’est le mari d’Elisa, Felix Bacciochi né à Ajaccio en 1762, qui est ensuite évoqué à plusieurs reprises. Un ensemble de figurines représentant son escadron du 13e Hussard levé en 1813 et un service de campagne en vermeil de Biennais offert par l’Empereur, occupent quelques vitrines. Il faut d’ailleurs mentionner à cette occasion l’existence de la villa Bacciochi à Ajaccio. Située en dehors du centre ville, rue Ange Moretti, cet ancien palais familial est aujourd’hui l’école privée Saint-Paul. L’attrait du musée du Capitellu réside également dans l’accueil fait au visiteur par son charmant conservateur, Mr Ottavi-Sampolo. Incollable sur l’histoire de sa ville, il en raconte les grands moments avec enthousiasme et gentillesse.

    Paoli et Bonaparte. Fresque sur la façade du musée A Bandera © Fondation NapoléonDu boulevard Danielle Casanova, prendre ensuite la rue du Roi de Rome, l’une des plus anciennes de la ville, jusqu’à l’avenue Macchini puis, au tout début du cours Napoléon, tourner à gauche dans la rue du général Fiorella et à droite rue Ornano. Sur la droite s’ouvre la petite rue du général Lévie où se situe le musée A Bandera identifiable à la fresque qui orne sa façade. Les grandes figures historiques de la Corse, Sampiero Corso, Pascal Paoli et Napoléon Bonaparte y sont figurées. Le musée d’Histoire Corse Méditerranée « A Bandera » (à Ghisonaccia) s’adresse à un large public et constitue pour le visiteur un préalable intéressant à la découverte de l’île. Dans une présentation scolaire très adaptée quant à l’aspect pédagogique, plus discutable en terme de muséographie, il permet d’embrasser dix siècles d’histoire. Se définissant comme un lieu de mémoire de l’histoire Corse, il en retrace les épisodes marquants depuis la préhistoire et les célèbres statues menhirs jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale qui fera de l’île le premier département libéré.

    Les troisième et quatrième salles du musée s’intègrent tout particulièrement dans notre itinéraire puisqu’elles sont consacrées aux étapes du soulèvement national qui conduisit à l’indépendance de la Corse, au « père de la Patrie » Paoli, à la conquête française et, dans une moindre mesure, au Premier et au Second Empire. Armes, costumes, monnaies, saynètes, figurines et dioramas évoquent ces événements et sont complétés par des panneaux explicatifs très développés. Ainsi la politique de Napoléon en Corse, dont peu d’objets permettent la présentation, est clairement expliquée par le texte : reconquête de l’île en 1796 depuis l’Italie, lutte contre les différentes insurrections, division de la Corse en deux départements, le Liamone et le Golo puis, en 1811, réunion en un seul département avec Ajaccio pour chef-lieu, allégement des charges et suppression des droits de douane sur les produits importés. L’aspect le plus noir de cette politique fut incarné par le général Morand qui exerça une véritable dictature militaire. Les excès de cette «Giustizia Morandina» contribuèrent largement à ternir le prestige de l’Empereur dans son île natale. Et lui-même reconnut plus tard qu’il n’avait pas assez œuvré pour son peuple : «J’ai été ingrat pour les Corses, je me le reproche, j’aurais dû faire davantage. Il est vrai que j’ai fait pour eux par mon nom seul et qu’eux trouvent que j’ai fait beaucoup. Effectivement, tous les ministres et maréchaux étaient disposés à les avantager. J’y répugnais, mais sans que je les susse, beaucoup se trouvèrent placés.» (Cahiers de Sainte-Hélène, mai 1816). Un tableau très intéressant dresse à cet égard la liste des Corses qui furent au service de l’Empire.

    © Textes et images Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998 ; mise à jour : mai 2019

  • Parcours : LE CIRCUIT IMPERIAL

    Ce deuxième circuit nous emmène à la rencontre de la famille Bonaparte. Il débute rue Saint-Charles devant leur maison familiale. La présence des Bonaparte à Ajaccio est attestée depuis la fin du XVe siècle. Le premier membre de la famille établi en Corse, Francesco, était surnommé le Maure de Sarzane, du nom de la petite ville de Ligurie en Italie dont lui et les siens étaient originaires. Connus depuis le XIIe siècle, la plupart des membres de cette famille y exerçaient la profession de notaire.
    La première demeure des Bonaparte à Ajaccio se trouvait au bout de la Grande-Rue et fut démolie au milieu du XVIe siècle en raison de la construction de la citadelle. Jusqu’au XVIIe siècle, on se sait pas où vécurent les Bonaparte. Ce n’est qu’en 1682 que Giuseppe Bonaparte s’installa dans la maison qui deviendra la casa Bonaparte.

    La coutume corse voulait alors qu’une maison soit divisée en plusieurs propriétaires ; chacun possédait une ou plusieurs pièces voire un étage entier. Par son mariage avec Maria Bozzi, Giuseppe prit possession de quelques pièces de la maison de son épouse, la casa Bozzi. Puis grâce à d’habiles mariages ou par de simples rachats, la casa Bozzi devint la casa Bonaparte et c’est dans celle-ci que Carlo-Maria Buonaparte (le u ayant été ajouté après l’attestation d’origine commune avec des Buonaparte de Florence) installa sa jeune épouse, Letizia Ramolino, après leur mariage en 1764.
    Charles de Buonaparte, tel qu’il se présentait lui-même après son ralliement à la France, était avocat au Conseil supérieur et assesseur de la juridiction royale d’Ajaccio. Il fut élu député de la noblesse corse en 1772 et se rendit même à Versailles à ce titre. Soucieux de tenir son rang, il fit entreprendre des travaux d’agrandissement et d’embellissement dans la maison. Ces travaux furent poursuivis en 1790 par l’archidiacre Lucien, son oncle, qui veillait sur la famille depuis la mort de Charles en 1785.

    La maison connut des heures sombres quand les Bonaparte manifestèrent ouvertement leur adhésion aux idées républicaines. En mai 1793, tandis que Letizia et ses enfants fuyaient pour rejoindre la France, la demeure fut entièrement pillée et partiellement brûlée par les paolistes soutenus par les Anglais. Elle fut ensuite réquisitionnée par ces derniers pour servir de logement aux officiers et l’on raconte qu’Hudson Lowe, le futur geôlier de Napoléon à Sainte-Hélène, y résida à l’étage. En octobre 1796, quand les Français chassèrent les Anglais de Corse, la maison fut récupérée par les Bonaparte qui firent effectuer une série de travaux importants grâce aux indemnités reçues du Directoire. La restauration complète du bâtiment fut achevée en 1799 tandis qu’un nouveau mobilier – toujours en place – était acheté à Gênes et à Marseille.

    La chambre natale de Napoléon © RMNNapoléon, le deuxième fils de Charles et de Letizia, vit le jour dans cette maison le 15 août 1769. Le futur Empereur reçut ce nom étrange, que lui-même considérait comme paré « d’une vertu virile, poétique et redondante », en souvenir de l’oncle Napoleone, frère de l’archidiacre Lucien, mort à Corte quelques semaines avant la bataille de Ponte Nuovo. Tous les autres enfants du couple Bonaparte naquirent également dans cette demeure à l’exception de Joseph dont nous rencontrerons la maison natale à Corte. 

    Stendhal dans sa vie de Napoléon donne une version très symbolique de la naissance de l’Empereur : « le 15 août 1769, jour de la fête de l’Assomption, Madame Bonaparte était à la messe, lorsqu’elle fut saisie de douleurs si pressantes, qu’elle se trouva obligée de revenir chez elle en toute hâte ; elle ne put atteindre sa chambre à coucher et déposa son enfant dans l’antichambre, sur un de ces tapis antiques à grandes figures de héros ». Letizia en prenant plus tard connaissance de l’anecdote, commenta : « mais c’est une fable. Avait-il besoin de cela ? » en ajoutant avec malice : « Nous n’avions pas de tapis dans nos maisons de Corse et encore moins en plein été qu’en hiver ». En fait, pressée par le temps, Letizia ne put effectivement parvenir jusqu’à sa chambre et c’est sur un canapé qu’elle accoucha de l’enfant – le canapé Louis XVI à chevets renversés qui est exposé dans la maison est très certainement postérieur à cette naissance. Le nouveau-né fut ondoyé chez lui par autorisation de l’archidiacre Lucien. Apparemment de petite constitution, le bébé fut allaité par sa mère qui s’adjoignit les services d’une nourrice, Camilla Ilari, une robuste campagnarde fille d’un marinier d’Ajaccio dont le futur Empereur se souviendra toute sa vie au point de la coucher sur son testament. Quand la famille eut définitivement quitté la Corse en 1799, c’est à elle que fut d’ailleurs confiée la maison et Napoléon conçut même le projet de la lui donner. En fait, la casa Bonaparte fut cédée au cousin germain de Letizia, André Ramolino, qui, en échange, s’engagea à céder sa propre demeure à Camilla.

    Dans cette rue étroite, la maison Bonaparte, devenue après bien des vicissitudes un musée national en 1967, dresse sa haute et sobre façade à trois étages caractéristique des demeures du XVIIIe siècle à Ajaccio. Le parcours du musée se fait en deux étapes. Le deuxième étage retrace l’histoire de la Corse au XVIIIe siècle et celle de la famille Bonaparte tandis qu’au premier étage se répartissent les appartements historiques. Après la visite, il faut s’arrêter quelques instants dans le jardinet en face de la maison qui offre une halte agréable pour admirer le buste du Roi de Rome installé ici en 1936 pour le centenaire de la mort de Letizia.

    Au bout de la rue Saint-Charles, rue Forcioli-Conti, dans ce quartier qui vit grandir Napoléon, s’élève la cathédrale d’Ajaccio. De taille plutôt modeste, l’édifice qui date de la fin du XVIe siècle était le lieu de culte de la famille Bonaparte. Comme Stendhal l’a mentionné, Letizia y ressentit les premières douleurs de l’accouchement et certains allèrent même jusqu’à prétendre qu’elle accoucha sur les marches de l’église. C’est là que le petit Napoléon fut baptisé le 21 juillet 1771 par son grand-oncle, l’archidiacre Lucien, assisté de l’économe de l’église Gio Balta Diamante.

    La cathédrale d'Ajaccio © Fondation NapoléonLe futur Empereur reçut le baptême le même jour que sa soeur Maria-Anna, née en 1771 et qui décédera cette même année. L’acte de baptême, dont on peut voir une copie dans le Salon napoléonien de l’Hôtel de Ville, est en italien et ne mentionne ni la ville, ni l’église dans lesquelles eut lieu la cérémonie. Il est paraphé par François Cuneo, conseiller du roi, juge royal de la province d’Ajaccio. Napoléon eut pour parrain Laurent Giubeca, procureur du Roi et pour marraine sa tante, Gertruda Paravicini. Le baptistère qui servit à la cérémonie est toujours visible à l’entrée de la cathédrale. En 1869, l’Impératrice Eugénie et le Prince Impérial, en visite à Ajaccio pour le bicentenaire de la naissance de Napoléon Ier, y assistèrent à un Te Deum. Ils participèrent également à la pose de la première pierre d’une nouvelle cathédrale qui ne fut jamais réalisée.

    Façade de l'hôtel Pozzo di Borgo © Fondation NapoléonRéemprunter ensuite la rue Saint-Charles pour parvenir jusqu’à la rue Bonaparte. Cette artère «la Carrughiu drittu» (la rue droite) était une des premières d’Ajaccio, celle où vivaient les notables sous la domination génoise. La plupart des maisons ont été refaites au XIXe siècle. Là, sur la droite, au n°17, se trouve l’ancienne demeure des Pozzo di Borgo, dont Charles-André (1764-1842), cousin éloigné et ami intime de Joseph et de Napoléon, devint leur ennemi juré dans la lutte paoliste. S’opposant au gouvernement républicain en 1796, il dut s’enfuir en Angleterre puis à Vienne. Diplomate avisé et adversaire déclaré de l’Empereur, il passa ensuite au service du Tsar de Russie. Ne bénéficiant pas de la loi d’amnistie générale, ses biens furent confisqués en 1796 et notamment sa maison d’Ajaccio. Remanié entre 1820 et 1825, l’hôtel Pozzo di Borgo, aujourd’hui à l’état d’abandon, présente une belle façade ornée de trompe-l’oeil architecturaux et un portail d’entrée richement sculpté encadré de colonnes ioniennes. Plus en avant de la rue, aux numéros 10 et 5, deux plaques commémoratives rappellent le passage en ces lieux du « Père de la Patrie », Paoli, qui vécut quelques jours dans l’ancien « Publico palazzu » en 1791 et de Murat qui vécut dans l’ancien hôtel de la Croix de Malte, en septembre 1815, avant sa tentative de reconquête du trône de Naples qui devait s’achever tragiquement à Pizzo en Calabre.

    La rue Bonaparte débouche sur la place du maréchal Foch où se trouve, outre la statue de Bonaparte aux Lions sur laquelle nous reviendrons dans le circuit suivant, l’Hôtel de Ville appelé aussi « La maison Carrée » par les Ajacciens. Ce bâtiment néoclassique réalisé dans le premier quart du XIXe siècle et dont l’austérité extérieure est compensée par une belle couleur ocre rouge, abrite un Salon napoléonien. Deux pièces au premier étage ont été aménagées pour exposer des collections léguées à la ville d’Ajaccio. Elles présentent les membres de la famille impériale à travers des portraits peints et sculptés dont les plus remarquables sont signés Girodet ou Canova et où l’on remarque des copies de Gérard et de Winterhalter. Une intéressante série de monnaies et de médailles figurant les grands événements de l’épopée napoléonienne évoque également l’histoire du Consulat et de l’Empire. Seule oeuvre contemporaine dans ce salon, un plafond allégorique signé d’un artiste corse, Dominique Frassati, met en scène Napoléon Ier entouré de personnages de la cour impériale, de soldats de la Grande Armée et de figures symboliques. Cette fresque pourtant réalisée par un artiste talentueux frappe par sa composition confuse et sa facture maladroite. Ressuscitant le Grand Genre, celui de la peinture d’Histoire quasi oublié au XXe siècle, elle témoigne de la difficulté à dominer ce style pictural. Mais les représentations artistiques de Napoléon au XXe siècle sont si rares qu’il est intéressant de contempler celle-ci.
    En ressortant de l’hôtel de Ville, emprunter la rue Fesch sur la droite. Appelé « U Borgu » (le faubourg), ce quartier fut occupé dans la deuxième moitié du XVIe siècle par les Corses qui ne pouvaient s’installer dans la cité génoise. Le nom de cette cité extra-muros est resté attaché à la rue du cardinal Fesch. Au  n° 28, une plaque commémorative rappelle un épisode de la jeunesse de Napoléon. En voici le texte : « Trois jours de mai 1793, Napoléon Bonaparte poursuivit par les anglo-paolistes reçut l’asile de l’amitié dans cette maison chez Jean-Jérôme Lévie, ancien maire, qui y assembla des montagnards armés. Les gendarmes s’étant présentés pour opérer l’arrestation J-J. Levie sut les éloigner sans lutte et la nuit même il fit sauver Bonaparte par mer pour gagner Calvi et de là les côtes de Provence. Sept mois après (21 déc.) Bonaparte reprenait Toulon. ». Devenu Premier consul, Bonaparte nomma Levie maire d’Ajaccio en 1800, charge que celui-ci refusa en raison de son âge. 

    Statue du Cardinal Fesch dans la cour du Palais Fesch © Fondation NapoléonPlus loin, au  n°  50, un palais à l’architecture classique s’impose par ses lignes sobres et équilibrées. Il s’agit du palais construit par ordre du cardinal Fesch, l’oncle maternel de Napoléon, né à Ajaccio en 1763 et décédé à Rome en 1839. Ordonné prêtre en 1785, archidiacre d’Ajaccio en 1787, Fesch fut ensuite nommé vicaire de l’évêque de la ville. Fuyant la Corse en 1793 comme toute la famille Bonaparte, il suivit son neveu en Italie et, oubliant pour un temps ses fonctions ecclésiastiques, se chargea de la fourniture aux armées. Archevêque de Lyon en 1802, cardinal en 1803, grand aumônier de l’Empereur en 1805, disgracié par ce dernier en 1812 en raison de son soutien au Pape, Fesch se réfugia à Rome en 1814 où il consacra le reste de sa vie à enrichir sa prestigieuse collection de peintures italiennes. « Il ne faut pas penser à me procurer des tableaux médiocres, écrivait-il à son fondé de pouvoir romain, il faut du beau et du bon, ou rien ».

    Dans son testament daté de 1839, il exposa son désir de « fonder un grand établissement dédié à Dieu en trois personnes » où les jeunes gens studieux et méritants pourraient s’appliquer à l’étude des sciences et des arts. De plus, il légua à la ville d’Ajaccio une petite partie des tableaux de sa collection, « quelques originaux de toutes les écoles devant constituer un musée pour servir à l’instruction des jeunes gens ». Le bâtiment fut achevé vers 1840 et affecté au casernement des troupes militaires. Finalement, l’Institut des études ouvrit ses portes en 1847 et le musée en 1852, mais progressivement les salles de classe remplacèrent les galeries d’exposition. Le palais Fesch demeura jusqu’en 1936 un collège de garçons avant de devenir le siège d’une soupe populaire pendant la Deuxième Guerre mondiale. L’édifice revint à sa vocation première à la fin des années 80 et abrite aujourd’hui le plus important musée de province en matière de peinture italienne. Outre les collections de peinture, le musée comprend une section napoléonienne riche d’oeuvres remarquables.

    Le palais Fesch, dominant le port et largement ouvert sur la ville, est précédé d’une grande cour ornée en son centre d’une belle statue du cardinal par Vital Dubray ; des bas-reliefs sur le piédestal narrent les épisodes les plus importants de sa vie. Commandée et installée ici sous le Second Empire, cette statue est un témoignage de l’action de Napoléon III à Ajaccio. L’Empereur qui déclarait : « la Corse pour moi n’est pas un département comme un autre, c’est une famille », essaya durant son règne d’impulser une relance économique de l’île. Il fut également attentif à la mise en valeur du patrimoine napoléonien et soucieux d’honorer dignement la mémoire familiale. L’aile droite du palais Fesch fut ainsi commandée pour abriter la chapelle funéraire des Bonaparte.

    Intérieur de la chapelle impériale © Fondation NapoléonLa Chapelle impériale fut édifiée sur ordre de Napoléon III entre 1857 et 1860 pour répondre au voeu testamentaire du cardinal Fesch d’être inhumé dans une église construite pour lui et sa famille à Ajaccio. La chapelle devint ensuite la sépulture familiale des Bonaparte. Dans la crypte reposent Charles et Letizia, les parents de Napoléon, Joseph Fesch, Charles-Lucien Bonaparte, prince de Canino et de Misignano, ses enfants Napoléon-Charles, Zénaïde et Eugénie, le prince Victor et son épouse la princesse Clémentine, le prince Napoléon. Chaque année, des messes y sont célébrées aux dates anniversaires de naissance et de mort de Napoléon.
    En poursuivant un peu dans la rue Fesch, on observe au  n°  44, à proximité de la maison natale de celui que l’on surnommait le « Napoléon de la romance », Tino Rossi, une plaque commémorative évoquant l’opposition de Bonaparte à Paoli. C’est ici, en janvier 1791, que Bonaparte aurait fait lecture de son premier écrit public, une lettre à un partisan royaliste, Matteo Buttafuoco, lors d’une séance du club patriotique affilié aux Jacobins.

    © Textes et images (sauf mention contraire) Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998

  • Parcours : L'URBANISME ET LA STATUAIRE

    Ce circuit ajaccien va nous permettre d’évoquer les aménagements urbains effectués sous le Premier Empire tout en partant à la rencontre des monuments élevés postérieurement en l’honneur de Napoléon.
    Le point de départ se situe place du général Foch devant la Fontaine des Quatre Lions. Cette fontaine de granit corse fut édifiée en 1827 sur les plans de Maglioli. La statue en marbre est l’oeuvre de Maximilien Laboureur ; elle figure Bonaparte en Premier Consul drapé d’une toge romaine. Les dimensions modestes et originales de la place, la parfaite intégration du monument dans l’espace, la statue dont la silhouette se découpe à merveille sur le ciel ou sur les façades blanches et ocres donnent au lieu un charme incomparable.

    Emprunter l’avenue du premier Consul pour parvenir place du général de Gaulle, ancienne place du Diamant. Cette place fut inaugurée en 1802 sous le nom de place Bonaparte par le préfet Miot. Elle témoigne des nouvelles conceptions qui se firent jour en matière d’urbanisme à la fin du XVIIIe siècle et qui prônaient un rationalisme nouveau tout en s’inspirant des villes de l’Antiquité : goût des grandes artères, rues se coupant à angle droit, place carrée très dégagée pour les cérémonies et les fêtes, symétrie, etc.
    Dans cet esprit, le préfet Miot commanda en l’An IX (1801-1802) à l’ingénieur des ponts et chaussées, le maltais Petrucci, un grand plan de la ville d’Ajaccio qui prévoyait la destruction des remparts autour de la place de l’Olmo (place Foch) et celle de la porte de la ville qui comprimaient trop la cité. Il envisageait le développement de celle-ci sur des jardins particuliers au-delà de l’actuelle rue Fesch. Ce plan fut remplacé par un autre réalisé, selon la légende, sous la direction même de Napoléon. Deux copies en ont été conservées dont l’une porte au dos l’inscription « plan d’agrandissement et d’embellissement d’Ajaccio envoyé de Paris par le cardinal Fesch avec la mention « anciens plans approuvés et exécutés en partie ». Les murailles furent effectivement abattues ainsi que le bastion du Diamant mais la nouvelle idée fut d’esquisser les deux grands axes de la ville et de réaliser la place Bonaparte. Ce plan mit ainsi en oeuvre la préfiguration du cours Napoléon grâce à l’arasement d’une colline dont témoignent encore aujourd’hui des à pics derrière la poste et celle du cours Grandval. Les déblais servirent à gagner un nouvel espace sur la mer, en contrebas de la rue Fesch, qui permit la construction du quartier du Pughjolu. La plupart de ces travaux ne furent achevés que bien plus tard au XIXe siècle.

    Napoléon et ses frères, place de Gaulle © Fondation NapoléonLa place de Gaulle est un bel espace d’environ deux hectares dont la terrasse offre une vue magnifique sur le golfe d’Ajaccio. Un grand monument y a été élevé sous le Second Empire à la gloire de Napoléon et de ses frères. Il se compose d’une statue équestre de Napoléon Ier en costume romain entourée des statues en pied de Joseph, Lucien, Louis et Jérôme montées sur un piédestal de granit rose. L’ensemble fut conçu par Viollet-le-Duc. Les statues de bronze sont respectivement l’oeuvre de Barye, Petit, Thomas et Maillet.

    Une plaque porte l’inscription suivante : « A la mémoire de Napoléon Ier et des ses frères, la Corse reconnaissante. Sous le règne de Napoléon III, ce monument a été érigé par les soins du prince Napoléon-Jérôme à l’aide de souscriptions volontaires et inauguré le 15 mai 1865». A cette occasion, le prince Napoléon prononça un sévère discours à l’encontre de la politique de l’Empereur. Le scandale qui s’ensuivit provoqua la démission du prince Napoléon de son poste de vice-président du Conseil privé ainsi que de celui de président de la commission chargée d’organiser l’Exposition universelle de 1867.

    Prendre le cours Grandval dont nous avons vu qu’il avait été amorcé en 1801. Cette grande artère fut prolongée en 1862 et reçut le nom de Joseph Grandval, un industriel marseillais d’origine corse. Poursuivre dans le cours du général Leclerc pour arriver place d’Austerlitz traditionnellement appelée du Casone en souvenir d’une ancienne bâtisse appartenant aux Jésuites. Un ensemble monumental y a été inauguré le 15 août 1938 à la gloire de Napoléon Ier. Il se présente comme un grand promontoire composé d’un plan incliné maçonné recouvert d’inscriptions au sommet duquel s’élève une petite pyramide à degrés supportant la réplique en bronze de la statue de Seurre qui couronnait la colonne Vendôme et qui se trouve aujourd’hui aux Invalides. L’ensemble est encadré de deux aigles portant les dates de naissance et de mort de Napoléon. Véritable métaphore architecturale du triomphe au sens antique du terme, ce monument est l’expression parfaite d’une apothéose à la romaine.

    Le Monument du Casone place d'Austerlitz © Fondation NapoléonLes inscriptions gravées ne font que renforcer cette quasi déification du personnage : « Napoléon Ier Empereur des Français 1804-1815 Nous l’avons vu gravir superbe les premiers échelons des Cieux ». Suivent les noms de la plupart des batailles victorieuses de l’épopée depuis Montenotte jusqu’à Ligny sous Fleurus. L’action civile est ensuite évoquée par les termes de « Code civil, Université, Banque de France, Légion d’Honneur, Cour des Comptes ».

    En contrebas de ce monument à l’esthétique et à la symbolique contestables, à gauche, se situe la Grotte Napoléon. Quelques grands rochers au milieu des oliviers forment cette grotte où, selon la légende, le petit Napoléon se réfugiait souvent pendant son enfance. Combien d’auteurs ont glosé sur les rêves du petit garçon lors de ces retraites solitaires, rêves de conquête, rêves de gloire, rêves d’empire…

    La Grotte Napoléon © Fondation NapoléonIl est vrai que beaucoup mettent en avant la fascination du jeune garçon pour la Rome antique, au point que lors de jeux organisés par l’abbé Recco, le prélat qui fut chargé de l’instruction des frères Bonaparte à Ajaccio, Napoléon refusa catégoriquement de faire partie du camp des Carthaginois car seul le camp des Romains pouvait être le vainqueur. Dès cette époque, il manifesta la volonté d’être soldat et plusieurs anecdotes rapportées par Joseph ou Madame Mère en témoignèrent par la suite. Petit garçon vif et turbulent, il avait sur son frère aîné, Joseph, un ascendant complet, au point que bien plus tard, l’Empereur adressera en riant cette remarque à son fils le Roi de Rome alors âgé de deux ans : « Paresseux, à ton âge, je battais déjà Joseph ».

    Le retour s’effectue par le même chemin jusqu’au cours Napoléon. En suivant celui-ci, au n°12, faire une halte au Grand Café Napoléon. Les établissements de restauration entrent rarement dans la description de nos itinéraires mais celui-ci vaut le détour. La vaste salle est décorée de dizaines de belles gravures relatant les principaux événements du Consulat et de l’Empire. Elle constitue à elle seule un résumé historique qu’il est particulièrement intéressant de contempler.
    Poursuivre jusqu’à la place Abbatucci où s’élève une statue du général du même nom. Jean-Charles Abbatucci est né à Zicavo en 1770. Nommé général en 1795, il fut tué en 1796 à Huningue en Alsace. Cette statue de bronze, oeuvre de Vital-Dubray, a été installée en 1854.

    © Textes et images (sauf mention contraire) Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998

  • Parcours : LES SITES NAPOLÉONIENS AUX ENVIRONS D'AJACCIO

    Ce quatrième circuit nous fait sortir du centre ville d’Ajaccio pour découvrir des sites et des édifices liés à l’histoire familiale des Bonaparte et aux souvenirs d’enfance de Napoléon. Le premier de ces sites se trouve sur la route des Sanguinaires en prenant la sortie ouest de la ville. Cette route littorale qui conduit jusqu’à la pointe de la Parata fut aménagée à la fin du XIXe siècle quand le tourisme commençait à se développer. Elle longe une succession de petites plages ombragées de palmiers où l’on ne peut que déplorer la prolifération de constructions modernes. Là, du côté de la mer, se dresse la chapelle des Grecs qui fut aménagée au début du XVIIe siècle et dédiée à la Madonna del Carmine. De 1731 à 1774, elle servit d’église aux familles grecques chassées par les Corses de la région de Cargèse où Gènes les avait installées en 1610. Plusieurs membres de la famille Pozzo di Borgo furent inhumés ici ainsi que Pascal Fiorella, général de Brigade en 1795 passé au service de la République italienne, sénateur du Royaume d’Italie en 1809. 

    Napoléon enfant croisa souvent cette chapelle lors de ses promenades avec son frère aîné. Une plaque commémorative apposée sur une paroi extérieure de l’église reprend d’ailleurs quelques lignes extraites des Mémoires de Joseph Bonaparte : « Nos promenades journalières avec Napoléon se prolongeaient sur le rivage de la mer bien au-delà de la chapelle des Grecs en côtoyant un golfe aussi beau que celui de Naples dans un pays embaumé par les exhalaisons des myrtes et des orangers. Nous ne rentrions quelques fois qu’à la nuit close ». Ces excursions pouvaient les mener jusqu’à la pointe de La Parata, à 14 km à l’ouest d’Ajaccio, sur une presqu’île autrefois appelée « La Chasse des Génois ». De la Tour de la Parata construite en 1608 pour défendre la côte contre les pirates barbaresques, la vue sur le golfe et sur les îles sanguinaires, célèbres pour leurs couleurs qui s’enflamment au coucher du soleil, est absolument magnifique.

    Les Milelli © Fondation NapoléonRetourner sur Ajaccio et prendre la D.61 en direction d’Alata. Aux premières boucles de la route, un embranchement à gauche conduit à l’ancienne maison de campagne des Bonaparte, les Milelli. Cette vieille demeure qui se dresse fièrement dans un cadre enchanteur, domine le golfe d’Ajaccio. Résidence d’été de la famille qui s’y rendait lors des trop fortes chaleurs, les Milelli, grâce à leur oliveraie, constituait une des principales ressources des Bonaparte. D’autres propriétés assuraient la subsistance de la famille, la Sposata ou la Casseta pour les vignes, les Salines où l’on cultivait les mûriers, ainsi que des terres à Ucciani, Bastelica et Bocognano. Le niveau de vie de la famille Bonaparte, en dépit de toutes les légendes sur leur pauvreté, était plutôt aisé pour la Corse. Ils faisaient partie des nantis de l’île mais sans ostentation, sans aucun luxe superflu. À Sainte-Hélène, Napoléon a décrit avec précision le système d’approvisionnement de la famille essentiellement basé dans ce milieu rural sur les récoltes et les échanges :

    « Dans ma famille, le principe était de pas dépenser. Jamais d’argent que pour les objets absolument nécessaires, tels que les vêtements, meubles, etc., mais pas pour la table, excepté l’épicerie : le café, sucre, riz qui ne venaient pas en Corse. Tout autrement, était fourni par les terres. La famille avait un moulin banal où tous les villageois allaient moudre et qui payaient avec une certaine quantité de farine, un four banal qui se payait avec des poissons. On récoltait le vin. On apportait le lait, les fromages de chèvre, même la viande de boucherie ne se payait pas. On avait un compte avec le boucher, et on donnait en échange de la viande de boucherie tant d’équivalence en moutons, agneaux, chevreaux ou même boeufs. L’important était de pas dépenser d’argent. L’argent était fort rare. C’était une grande affaire que de payer avec de l’argent comptant. Il n’y avait à Ajaccio que deux jardins d’oliviers : l’un appartenait à la famille Bonaparte, l’autre aux Jésuites. Depuis, ils se sont multipliés. L’usage était que les proches parents, oncles, tantes, cousins germains ou grands-pères vinssent faire leur provision d’huile, lors de la récolte. Le dimanche, jour où venaient les paysans avec leurs chèvres, le fromage, le lait, etc. il y avait grande bombance qui durait jusqu’au lendemain et le surlendemain en hiver ; en été, on faisait des cadeaux aux parents des choses qui se seraient gâtées, et on aurait pas acheté de cadeaux, c’eût été mal vu. La famille récoltait également du vin. Elle tenait à honneur de n’avoir jamais acheté ni pain, ni vin, ni huile ». (Cahiers de Sainte-Hélène, 15 février 1821).

    La maison des Milelli constituait pour Napoléon un lieu d’escapade idéal. A chacun de ses retours en Corse, il ne manquait pas d’aller l’inspecter et c’est là, au retour d’Egypte en 1799, qu’il passa les journées des 2 et 3 octobre en compagnie de Murat, Lannes et du contre-amiral Gantheaume. Deux jours plus tard, Napoléon quittait la Corse pour ne plus jamais y revenir. Les Milelli ont abrité dans les années soixante-dix et quatre-vingt une partie de la collection ethnographique de Louis Dozan aujourd’hui exposée au Musée de la Corse à Corte. Depuis cette date, la maison est vide et fermée aux visites. Par la beauté du paysage, elle n’en demeure pas moins un lieu propice à la rêverie historique.

    Le château de la Punta avant l'incendie de 1978 © Fondation NapoléonEn continuant sur la route d’Alata, à une dizaine de kilomètres d’Ajaccio, un autre édifice situé dans un cadre idyllique constitue un intéressant but de visite. Il s’agit du château de la Punta dont la singulière destinée ne peut que fasciner les amateurs d’art et d’histoire. En effet, le château de la Punta fut édifié à partir des ruines des Tuileries incendiées le 23 mai 1871 lors de la Commune. De ce palais commandé par Catherine de Médicis à Philibert de l’Orme en 1564, il ne restait plus que le gros oeuvre que la Chambre des Députés décida de démolir en 1882 contre l’avis du baron Haussmann, député de Corse et tenant de sa restauration. C’est alors que Jérôme Pozzo di Borgo et son fils Charles, les descendants du vieil ennemi de Napoléon, Charles-André, se portèrent acquéreur du lot de pierres le plus important afin de construire un château sur le terrain familial d’Alata. Ils répondaient par là au voeu de leur grand-oncle d’édifier sur cette terre une demeure digne de la fortune qu’il leur avait léguée.

    Cette folle entreprise vit son aboutissement en 1891 après le transport par chemin de fer jusqu’à Marseille puis par bateau jusqu’à Ajaccio des pierres qui avaient vu passer tant de rois et d’empereurs. L’architecte Vincent conçut un édifice s’inspirant de la façade ouest du pavillon de Bullant en réutilisant sur la façade méridionale des colonnes ioniques au premier niveau et des colonnes corinthiennes au second. Sur toutes les autres façades, des éléments architecturaux des Tuileries furent utilisés en réemploi (gaines, frises, chambranles de portes, pilastres cannelés, colonnes baguées de Le Vau…). Les lucarnes et le fronton nord furent copiés d’après des éléments de la Petite Galerie de Pierre Lescot au Louvre. Une terrasse fut aménagée autour du château et bordée d’un garde-corps en ferronnerie provenant du château de Saint-Cloud, détruit lui lors d’un bombardement prussien en 1870.

    Etrange ironie de l’histoire, la château de la Punta fut la proie des flammes à plusieurs reprises mais c’est en 1978 qu’un incendie fit de réels dégâts en détruisant la totalité de la toiture. Depuis, le château est inhabité et interdit à la visite même extérieure. Il est quand même possible d’observer l’édifice au travers des clôtures qui l’enferment. Aujourd’hui, la toiture en ardoise avec ses ornements de plomb et de cuivre a été reconstruite, mais les éléments décoratifs de la façade souffrent à l’évidence du manque d’entretien. Le Conseil général de la Corse-du-Sud a entrepris une étude nécessaire à la restauration de l’édifice et il est à souhaiter que cet émouvant monument élevé ici « pour conserver à la patrie corse un souvenir de la patrie française » (texte de la plaque de marbre du fronton) sera un jour rouvert au public.

    La tour du Capitello © Fondation NapoléonDe cette magnifique route d’où l’on embrasse du regard tous les environs d’Ajaccio, depuis le golfe de Sagone jusqu’au Capo Rosso, de la vallée du Liamone jusqu’au Monte d’Oro, redescendre sur Ajaccio et prendre la direction de Porticcio jusqu’à l’aéroport, puis tourner avant le camping CCAS pour parvenir à la tour génoise dite du Capitello. Erigée au XVIe siècle au bout de l’immense plage de Porticcio, la tour de Capitello campe à l’embouchure du Prunelli, face au golfe d’Ajaccio. Elle servit de refuge à Bonaparte traqué en 1793 par les troupes paolistes et fut le point de ralliement de la famille pour fuir la Corse après que la maison de la rue Saint-Charles eut été pillée. Ils embarquèrent ici sur un des voiliers de l’expédition Salicetti pour trouver refuge à Calvi avant de partir pour Toulon. Une légende veut que la tour soit restée fendue après une tentative d’explosion effectuée par Bonaparte.

    A mi chemin entre Ajaccio et Corte, notre prochain circuit, le chef-lieu du canton de Celavo-Mezzana, Bocognagno, mérite un arrêt. En effet, ce village abrita Napoléon lors de sa fuite en 1793. Fait prisonnier par les troupes paolistes, il put s’échapper grâce à des amis fidèles de la famille et rejoindre Ajaccio. Dans ses derniers jours, Napoléon gardait encore le souvenir de ceux qui l’avaient aidé à fuir sans toutefois pouvoir tous les nommer. Il notifia ainsi dans un codicille de son testament qu’il léguait 10 000F à Jean Vizzanova dans la maison duquel il avait trouvé asile et « 20 000F au brave habitant de la commune de Bocognano qui, en 1792 ou 1793, m’a ouvert la porte d’une maison où des brigands m’avaient enfermé et m’a escorté jusqu’à Occiani ».En 1880, après un voyage de deux mois en Corse, Maupassant écrivit une courte nouvelle intitulée Une page d’histoire inédite où il narre par le détail cet épisode rocambolesque de la jeunesse de l’Empereur. Le  » brave habitant  » mentionné par Napoléon y apparaît sous sa véritable identité, Ange-Toussaint Bonelli, dit Santo Riccio.

    Un édifice à la sortie du bourg présente une plaque commémorative citant la famille Bonelli : « Cette maison fut édifiée sur un désir exprimé en 1796 par le général Bonaparte à ses compagnons d’armes de l’armée d’Italie François et Ange-Toussaint Bonelli, fils d’Ange Matthieu Bonelli dit Zampagliono, héros de l’indépendance corse. Au cours de la campagne d’Italie, Napoléon délégua en Corse les deux frères Bonelli avec mission de secouer le joug anglomane. Le 5-10-1796 le commandant François Bonelli prit possession de la citadelle d’Ajaccio au nom de la République française. » Commencé en 1797, « U Palazzu di Napulio » ne fut achevé qu’en 1859 et Napoléon n’y résida jamais. Quant à Ange-Toussaint Bonelli, il devint colonel de la Gendarmerie napolitaine en 1813, puis se retira à Bocognano où il devint maire.

    © Textes et images (sauf mention contraire) Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998 ; mise à jour : mai 2019

  • Parcours : CORTE

    Au cœur de l’île, à mi-distance entre Ajaccio et Bastia, Corte s’élève sur une colline de fond de vallée. Sur le versant est, les quartiers de la vieille ville s’échelonnent au pied des remparts de la citadelle qui, perchée au sommet d’un piton rocheux, domine le confluent de trois torrents, le Tavignagno, la Restonica et l’Orta. Possédant la seule forteresse militaire à l’intérieur des terres, Corte s’est affirmée au fil des siècles comme un carrefour stratégique commandant toute la Corse non maritime. Cette situation exceptionnelle fit de la ville l’enjeu des luttes de pouvoir qui déchirèrent l’île. Repoussant chaque fois qu’elle le put la domination génoise, Corte fut au centre de la guerre d’indépendance qui fit de la Corse le premier état à se doter d’une constitution démocratique. A partir de 1729, quatre insurrections secouèrent l’île et malgré l’intervention de l’Autriche, une consulta (assemblée) réunie à Corte en 1735 proclama l’indépendance nationale. Gènes, soutenue militairement par la France, réaffirma son autorité et une quatrième révolte éclata dès le départ des troupes françaises. La consulta d’Orezza en août 1745 nomma de nouveaux chefs, Ignazio Venturini, Alerio Matra et Gian Pietro Gaffori. Ce dernier étendit son influence et établit en 1751 un gouvernement solide. Menacée par un tel pouvoir, Gênes fit assassiner Gaffori. L’indépendance corse était sérieusement menacée.

    C’est alors que Pascal Paoli fit son apparition sur la scène de l’histoire insulaire. Nommé général de la nation corse par la consulta de Sant Antonio de la Casabianca le 15 juillet 1755, cet homme de 29 ans s’attacha à briser les résistances et à accélérer l’unité politique et morale de la Nation. Il installa le siège du pouvoir à Corte qui devint de 1755 à 1769 la capitale de la Corse indépendante. Il fit voter une Constitution affirmant la souveraineté de la Nation, décréta la séparation des pouvoirs, fit frapper monnaie, réorganisa les tribunaux, institua une petite armée, s’employa à ranimer l’économie ruinée par 25 ans de guerres, ouvrit des écoles publiques dans tous les villages, fonda l’université de Corte et créa un journal. Mais l’ennemi génois conservait les principales places maritimes de l’île. Paoli dota alors la Corse d’une petite flotte et fonda le port de l’Ile Rousse. En vertu du traité de Compiègne puis du traité de Versailles de 1768, la Corse fut cédée à la France et la résistance armée s’organisa alors contre un adversaire redoutable, un des plus puissants maîtres de l’Europe. La lutte était par trop inégale et la bataille de Ponte Nuovo le 8 mai 1769 sonna la défaite de Paoli qui dut fuir en Angleterre.

    Statue de Paoli © Fondation NapoléonLa visite de Corte débute au bout du cours Paoli, place du duc de Padoue. Là se dresse la statue de Jean Thomas Arrighi de Casanova (Corte 1778- Paris 1853) qui fut de tous les combats du Consulat et de l’Empire ainsi que le rappellent les inscriptions sur le piédestal : Salhieh, Jaffa, Saint-Jean d’Acre, Marengo, Wertingen, Friedland, Leipzig et Fère Champ. Nommé duc de Padoue en 1808, Arrighi s’exila en Italie après Waterloo et finit sénateur de la Corse sous le Second Empire. Sa statue de bronze fut d’ailleurs réalisée et installée durant cette période. Elle est l’oeuvre d’Auguste Bartholdi (1867). En remontant le cours Paoli jusqu’à la place du même nom, on parvient au coeur de la vieille ville. Une statue du  » Père de la Patrie  » exécutée en 1901 par Alebert en marque le centre. Ici commence un itinéraire fléché et numéroté qui mène à tous les monuments intéressants de Corte. Depuis la place Paoli, la promenade dans la vieille ville est un enchantement. Les ruelles étroites et les bâtisses austères construites de façon rudimentaire sur des pentes parfois très raides ont conservé leur aspect villageois. La petite rue Scoliscia monte par degrés jusqu’à la place Gaffori où une statue du héros cortenais tourne le dos à sa maison natale. Des impacts de balle sur la façade de celle-ci témoignent de la violence des combats lors des guerres d’indépendance de la Corse. On raconte que Faustina, l’épouse de Gaffori, menaça de faire sauter un tonneau de poudre pour empêcher les partisans de se rendre à l’ennemi en 1750 et qu’en 1752, Gaffori lui-même répondit aux Génois qui tenait son fils en otage  » Je suis patriote avant d’être père  » ! L’enfant fut heureusement sauvé tout comme la citadelle de Corte. Juste au dessus de cette place s’étend la place du Poilu qui fut le lieu de résidence des parents de Napoléon.

    La maison natale de Joseph © Fondation NapoléonEnvoyé par son oncle Lucien à l’université de Corte pour y étudier le droit, Charles Bonaparte fut présenté au général Paoli qui fit bon accueil au jeune ajaccien. Celui-ci s’engagea alors dans la lutte pour la défense de la Nation corse. Après son mariage, Charles s’installa à Corte avec son épouse Letizia et Joseph, leur premier fils, y vit le jour. La maison natale de Joseph au 1, place du Poilu porte une plaque commémorative ainsi formulée :  » Dans cette maison sont nés Joseph Napoléon Bonaparte roi de Naples et d’Espagne le 7 janvier 1768, décédé à Florence (Italie) le 28 juillet 1844 et Jean Thomas Arrighi de Casanova duc de Padoue général de division gouverneur des Invalides, le 8 mars 1778, décédé à Paris le 22 mars 1853.  » Sur la gauche de cette place s’élève le Palais national, ancienne résidence des représentants génois où Paoli installa le siège du gouvernement de la Corse indépendante. Le rez-de-chaussée du bâtiment fut longtemps occupé par des prisons et cette fonction perdura en partie jusqu’à la fin du XIXe siècle. Avec le rétablissement et l’inauguration d’une nouvelle université à Corte en 1981, le Palais national devint le siège du Centre de Recherches corses et abrita la bibliothèque de cet institut.

    En gravissant sur la gauche les escaliers qui longent le mur de la citadelle, on arrive à un belvédère où la vue sur Corte et ses environs est magnifique. Le piton rocheux de la citadelle dresse là sa masse écrasante et on peut y observer le Nid d’Aigle édifié en 1419 par Vincentello d’Istria, vice roi de Corse au nom du roi d’Aragon. L’ensemble de la citadelle fut remanié sous Louis XV puis sous Louis XVI ; elle reçut une enceinte bastionnée et la grande caserne fut construite. Sous Louis-Philippe, les maisons d’habitation à l’intérieur de l’enceinte furent détruites et les bâtiments militaires accueillirent une partie des garnisons de la ville avant d’être convertis en prison centrale pour détenus politiques. De 1962 à 1983 la Légion étrangère occupa les lieux.

    La citadelle abrite aujourd’hui le musée de la Corse et le Fonds Régional d’Art Contemporain. Le musée de la Corse est un musée régional d’anthropologie inauguré en 1997 autour des objets collectés par le père Louis Doazan de 1951 à 1978 dans les régions d’Ajaccio, de la Castagniccia, du Vicolais, du Niolo et de Filosoma. Le visiteur, en suivant un parcours muséographique passionnant, est invité à découvrir la Corse traditionnelle où techniques, savoir faire et artisanat sont évoqués et expliqués par des objets représentatifs. Il est fait mention dans cette première partie du musée du voyage de Mérimée en 1839 et aussi de l’excursion effectuée en 1887 par le prince Roland Bonaparte, président de la Société française d’anthropologie et membre de la Société des Traditions populaires. Une collecte de documents et de témoignages fut organisée à sa demande et le résultat fit l’objet d’une publication. Le premier étage s’intéresse au développement industriel de la Corse dans la deuxième partie du XIXe siècle, au renouveau des Confréries et à l’expansion du tourisme dans l’île de beauté. Un espace consacré aux expositions temporaires, une phonothèque, une photothèque et un centre d’animation pédagogique complètent ce beau musée.

    À la sortie de Corte prendre la N 193 en direction de Ponte Leccia et poursuivre jusqu’à Ponte Nuovo. C’est là que le 8 mai 1769 les troupes de Paoli tombèrent face aux Français. On peut toujours y voir les ruines du pont génois qui fut le centre de la bataille. Détruit lors de la Deuxième Guerre mondiale, il se trouve à proximité d’un petit monument commémoratif surmonté d’une croix et gravé de cette inscription en corse :  » Qui casconu u 5 maghiu 1769 e milizie di Pasquale de Paoli luttendu per a liberta di a Patria « . Charles Bonaparte participa aux campagnes armées de 1768 et de 1769 contre les Français. Après la défaite de Ponte Nuovo, il dut se réfugier dans les montagnes avec d’autres paolistes ainsi que Letizia enceinte de six mois du futur Napoléon. Cet épisode tragique survenu à la veille de sa naissance influença fortement l’engagement politique de Bonaparte jeune homme :  » Je naquis quand la patrie périssait. Trente mille Français vomis sur nos côtes, noyant le trône de la Liberté dans des flots de sang, tel fut le spectacle odieux qui vint le premier frapper mes regards. Les cris du mourant, les gémissements de l’opprimé, les larmes du désespoir environnèrent mon berceau dès ma naissance.  » C’est en ces termes que Napoléon s’adressa au héros qu’il vénérait depuis l’enfance, Paoli, dans une lettre datée du 12 juin 1789. Il ajoutait ensuite  » Vous quittâtes notre île et avec vous disparut l’espérance du bonheur, l’esclavage fut le prix de notre soumission.  » En dépit du ralliement de ses parents à la France peu de temps après Ponte Nuovo et de l’exil du Babbu di a patria, Bonaparte avait développé durant son enfance et son adolescence un violent patriotisme et une haine de l’envahisseur français. Mais peu à peu ses sentiments devaient évoluer. Pendant trois ans, Bonaparte fut tiraillé entre sa passion pour l’indépendance de la Corse et la nécessité de plus en plus évidente de rattacher l’île à la France. S’éloignant de son chef spirituel qui se détournait des idéaux révolutionnaires, Bonaparte prit contre lui le parti de la Convention. La rupture fut définitive après que Paoli fut déclaré « traitre à la République » et déchu de son commandement suite aux accusations de Lucien Bonaparte en 1792. En fuyant l’île en 1793, Napoléon Bonaparte enterrait son rêve corse pour aller jouer son destin sur une autre scène.

    Pascal Paoli (Musée Paoli, Morosaglia)Situé près du col du Prato en pleine Castagniccia, le village de Morosaglia nous emmène à la rencontre du symbole de l’indépendance corse, Pascal Paoli. Fils cadet de Hyacinthe Paoli, un chef de la deuxième des quatre insurrections de la révolution corse, Paoli vit le jour le 6 avril 1725 au hameau de Stretta dans la commune de Morosaglia. Ayant suivi son père en exil à Naples, il acquit une solide formation classique tout en se familiarisant avec les idées des philosophes français. Incorporé dans l’armée napolitaine, il fut muté à l’Ile d’Elbe en 1854 puis il dirigea le destin de la Corse de 1755 à 1769. Après Ponte Nuovo, Paoli dut s’exiler 21 ans en Angleterre avant de rentrer triomphalement dans son île en juillet 1790. Devenu un mythe, il fut célébré et acclamé par le siècle des Lumières. Mais son rêve d’une Corse indépendante se heurta aux divisions des différentes factions politiques. Contre la France, il sollicita l’appui de l’Angleterre ce qui aboutit à la constitution d’un royaume anglo-corse le 15 juin 1794. Les troubles qui déchiraient l’île le contraignirent à reprendre le chemin de l’exil. Il mourut à Londres le 5 février 1807 et fut inhumé au cimetière de St-Pancrace. Ses cendres furent ramenées d’Angleterre le 3 septembre 1889 pour reposer dans une chapelle aménagée au rez-de-chaussée de sa maison natale à Morosaglia.

    Après Ponte Nuovo prendre la D71 pour y parvenir. Au niveau du panneau indiquant le village, emprunter le sentier à gauche qui conduit à une vieille demeure traditionnelle en schiste et lauzes, des matériaux typiques de cette région de la Castagniccia si belle à l’automne quand les forêts de châtaigniers se parent de couleurs chatoyantes. Une statue du héros accueille le visiteur à l’entrée du village et un musée départemental a été installé dans la maison où Paoli vit le jour. Différents documents, des gravures et des tableaux retracent le destin de cette personnalité exceptionnelle. Ses relations avec Bonaparte sont évoquées à plusieurs reprises. Si leur première rencontre en 1790 resta marquée par la déclaration de Paoli : « Tu es un héros à l’antique, un homme de Plutarque », leurs rapports vont ensuite se détériorier. L’admiration mutuelle des deux hommes se teintera de défiance et c’est très sèchement que Paoli répondra à Bonaparte lui demandant des documents pour une Histoire de la Corse qu’il avait entrepris de rédiger : « L’histoire ne s’écrit pas dans les années de jeunesse ». Plus tard, en exil, Paoli exprimera finalement son admiration pour Napoléon : « La liberté fut l’objet de nos révolutions : on en jouit aujourd’hui seulement dans l’île. Qu’importe par quelles mains elle nous est venue ? Mais pour notre part, nous avons le bonheur de l’avoir obtenue de quelqu’un qui est notre compatriote et qui avec tant d’honneur et de gloire a vengé la patrie des outrages que presque toutes les nations lui avaient faits. Et aujourd’hui, le nom de la Corse n’est plus tenu dans le mépris ».

    © Textes et images (sauf mention contraire) Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998 ; mise à jour : mai 2019

  • Prolongements

    En dehors des monuments d’Ajaccio et de Corte, peu de villes ou de sites ont conservé le souvenir de Napoléon. Certaines furent pourtant le lieu d’épisodes marquants de sa destinée. En voici une rapide évocation.

    BASTIA

    Bastia tire son nom de la forteresse (a bastia) que le gouverneur génois Leonello Lomellini fit construire vers 1380 sur un promontoire dominant la marine de Cardo. Dans la deuxième moitié du XVe siècle, un nouveau quartier commença à se développer autour de cette place forte primitive. Il prit le nom de Terra Nova par opposition à l’ancien bourg de Terra Vecchia qui bordait l’anse du port. Terra Nova accueillit le siège des gouverneurs génois de l’île tandis que Terra Vecchia restait le fief des Corses attirés par la prospérité de la ville. Du XVIe au XVIIIe siècles, Bastia vit croître son importance économique, politique et culturelle. La ville devint le centre politique de la Corse française de 1796 à 1811, prééminence qu’elle perdit quelques années au profit d’Ajaccio, puis qu’elle retrouva durant tout le XIXe siècle.

    La découverte de Bastia commence souvent par Terra Vecchia et la place Saint-Nicolas. Issue de l’urbanisme du XIXe siècle qui développa la ville vers le nord, la place Saint-Nicolas fut aménagée grâce aux déblais provenant du percement du tunnel de la voie ferrée. Ce lieu fut celui des exécutions publiques jusqu’au XXe siècle. Agostino Giafferi, le chef de la révolte de la Crucetta réprimée férocement par Lucien Bonaparte et le général Casalta, y fut fusillé le 21 février 1798. Sous le Second Empire, on érigea sur cette place une statue en marbre de Napoléon en costume romain sculptée par le florentin Bartolini en 1853. La place Saint-Nicolas est aujourd’hui un lieu de promenade et de rencontre pour tous les Bastiais. En poursuivant la découverte de Bastia vers Terra Nova et la citadelle, on parvient au vieux port qui fut le témoin d’un épisode important de l’enfance de Napoléon. C’est en effet ici que le 17 décembre 1778, Charles Bonaparte, ses deux fils Joseph, Napoléon et leur oncle Joseph Fesch, embarquèrent pour la France. Fesch rejoignait le séminaire d’Aix et les petits Bonaparte le Collège d’Autin. Napoléon y resta trois mois avant d’intégrer l’école militaire de Brienne. Ce premier exil loin de la terre natale, cette séparation d’avec les siens devaient durer huit longues années. Mais durant toute sa formation scolaire, le futur Empereur fit montre d’un amour immodéré pour son île doublé d’un patriotisme ardent que professeurs et condisciples soulignèrent à maintes reprises.

    Dans Terra Nova, le palais des Gouverneurs génois mérite une visite attentive. C’est dans les prisons de ce palais que fut enfermé le haut clergé romain déporté en Corse sur ordre de Napoléon en 1811. Il abrite aujourd’hui un musée d’ethnographie corse présentant l’histoire, la géologie et l’archéologie de l’île. Ce musée a la particularité de posséder une petite collection d’objets d’époque révolutionnaire, Premier et Second Empire. Bonbonnières, boîtes, éventails, miniatures, albums de gravures et jeux de cartes révolutionnaires, porcelaines, faïences et mobilier forment un bel ensemble auquel s’ajoute quelques pièces d’exception : petit Apollon de Canova, service en cristal de l’Impératrice Joséphine provenant de Malmaison, fragment sculpté de la colonne Vendôme représentant une tête de grognard, masque mortuaire de l’Empereur offert en 1834 à la ville de Bastia par Madame Mère suite à une demande des habitants en faveur de l’abrogation de la loi d’exil frappant les membres de la famille impériale, etc. Le musée d’ethnographie est actuellement fermé en raison des travaux qui s’y déroulent. Il devrait cependant rouvrir rapidement (renseignements au 04 95 31 09 12). Une bibliothèque spécialisée y est à la disposition des chercheurs. Il est à noter que le musée abrite la Société des Sciences historiques et naturelles de la Corse qui publie un bulletin depuis 1881.

    En quittant Bastia, prendre la D 80 en direction du Cap Corse. A l’extrémité septentrionale de l’île, le Cap Corse constitue une véritable péninsule longue de 37 km sur environ 14 km de large. Les villages y sont en altitude et sont reliés à leur marine, le port, par des rivières torrentueuses. La plus importante de ces marines, Macinaggio, appartenant à la commune de Rogliano, vit à plusieurs reprises passer des acteurs de l’histoire napoléonienne. Une plaque commémorative apposée en 1937 sur la poste évoque ces passages : « Souvenirs historiques. Le 13 juillet 1790 Pascal Paoli revenant d’exil s’écria en débarquant ici  » Ô ma patrie je t’ai laissé esclave et je te retrouve libre « . Le 10 mai 1793 Napoléon Bonaparte venant d’Ajaccio débarque à Macinaggio, se rend à Bastia puis à Toulon pour accomplir son prestigieux destin. Il ne devait plus revoir son île « . Cette plaque omet de mentionner un autre personnage de la famille impériale qui trouva refuge à Macinaggio. Il s’agit de l’Impératrice Eugénie qui, lors du retour de Suez en 1869 où elle avait inauguré le canal, s’abrita d’une tempête dans le petit port.

    CALVI

    Capitale de la Balagne, Calvi fut fondée par des seigneurs insulaires au milieu du XIIIe siècle. Cédée à Gênes en 1280, la cité possédait déjà un fortin transformé au cours des années en citadelle aujourd’hui classée monument historique. Au XVe et XVIe siècles des travaux importants lui donnèrent son aspect actuel. Selon sa devise, Calvi resta toujours fidèle à Gênes. Place forte stratégique, elle résista ainsi à Paoli et à ses troupes en 1755 et en 1768. Ne pouvant obtenir le contrôle de la cité et de son port, Paoli dut se résoudre à fonder un autre port à une trentaine de kilomètres, l’Ile Rousse.

    Lors du siège de 1794, pendant la Révolution, Calvi fut le théâtre d’une résistance héroïque. Les troupes françaises enfermées dans la citadelle furent assiégées pendant quarante jours par les Anglais alliés de Paoli. Sous le commandement du général Stuart, les assaillants se répartirent sur les collines alentours et bombardèrent intensivement la cité. Ravagée par des milliers de boulets et d’obus, Calvi offrit sa reddition et la garnison française se retira avec les honneurs le 10 août 1794. Le siège de Calvi mit en lumière un personnage déterminant de l’épopée napoléonienne, le futur vainqueur d’Aboukir et de Trafalgar, Horatio Nelson, commandant de vaisseau de l’escadre anglaise qui perdit son oeil droit lors d’un assaut de ce terrible siège. Outre cet épisode célèbre, la citadelle fut le témoin d’un autre événement de l’histoire napoléonienne. C’est en effet de Calvi que la famille Bonaparte fuyant Ajaccio s’embarqua le 11 juin 1793 pour Toulon. Une plaque commémorative apposée sur l’ancienne gendarmerie rappelle : « Dans cette maison fut reçu par Laurent Giubega son parrain, Napoléon Bonaparte fuyant Ajaccio avec toute sa famille. Mai-juin 1793.  »

    En prenant le petit train côtier qui conduit en été de Calvi à l’Ile Rousse, il est possible de s’arrêter à Algajola le long de la plage d’Aregno. A environ 500 m se trouve une carrière abandonnée de granit porphyrique rose et jaune. Cette carrière qui servit en 1810 à la réalisation du socle de la colonne Vendôme conserve un étrange monument, une colonne inachevée commandée dans la première moitié du XIXe siècle par la ville d’Ajaccio en l’honneur du plus illustre de ses enfants, Napoléon Ier. La colonne d’une longueur de 17 m pour un diamètre de 2,74 m présente 32 faces et pèse 272 tonnes. Elle fut taillée par des ouvriers italiens en 1836 mais jamais transportée à Ajaccio. Depuis, cette colonne qui devait supporter la réplique de la statue de Seurre conservée aux Invalides, gît sur ce terrain déserté.

    BONIFACIO

    Célèbre pour son extraordinaire situation au sommet d’une falaise de calcaire blanc, Bonifacio s’apparente à une presqu’île. Cette position stratégique s’imposa pour la construction de la citadelle qui dominait et surveillait le détroit séparant la Corse de la Sardaigne. D’origine incertaine, la cité fut conquise par les Génois à la fin du XIIe siècle. De cette époque date la formation du premier Castrum dont il ne reste aujourd’hui que des traces. Tirant parti de ce site naturel, la cité s’entoura progressivement de remparts accompagnés de puissants bastions. Dans l’un de ceux-ci, le bastion de l’Etendard, ancienne tour reconvertie au XVIe siècle pour l’installation des pièces d’artillerie, a été aménagé un petit musée où sont reconstituées des scènes du passé préhistorique et historique des lieux. Des mannequins de cire y figurent les épisodes les plus représentatifs :  » La dame de Bonifacio « ,  » Scène du corps de Garde génois « ,  » Le passage de Charles-Quint « ,  » Bonaparte à Bonifacio « ,  » Le naufrage de la Sémillante « , etc.

    C’est dans la rue des Deux Empereurs, dans la vieille ville, que la tradition place le séjour du jeune lieutenant colonel Bonaparte en 1793. Au n°4 de cette rue où fut logé l’empereur Charles Quint de retour d’Alger en 1541, une plaque commémorative rappelle qu’un autre futur empereur, Napoléon Bonaparte, vécut dans cette demeure aux mois de février-mars 1793 lors de la préparation de l’expédition de la Maddalena. Au retour de celle-ci qui fut un échec total, Bonaparte pris à partie par des marins échappa de justesse à une tentative d’assassinat.
    Sous le Second Empire, Bonifacio fut le témoin d’un terrible drame de la mer. Le 14 février 1855, La Sémillante, l’une des dernières frégates en bois et à voiles construites en France, quitta le port de Toulon en direction de Constantinople avec à son bord 301 marins d’équipage et 392 soldats envoyés en renfort aux troupes françaises combattant en Crimée. Dans la nuit du 15 février, une violente tempête précipita la frégate contre les récifs de Bonifacio. Il n’y eu aucun survivant. Deux cimetières furent ouverts sur l’île Lavezzi.

    D’autres lieux parlent en Corse de l’épopée napoléonienne. Il s’agit surtout des villages où des proches de l’Empereur virent le jour : Bisinchi du canton de Morosaglia où naquit l’abbé Ange Vignali (1784-1836) qui donna l’extrême onction à Napoléon, reçut son dernier soupir et conduisit la cérémonie funèbre à Sainte-Hélène ; Lama, lieu de naissance de Jean Noël Santini, fidèle qui suivit Napoléon en exil et finit sa vie comme gardien du tombeau de l’Empereur aux Invalides ; Morsiglia où se trouve encore la maison natale du Dr Antommarchi, médecin de Napoléon à Sainte-Hélène ; Bastelica où naquit Nunzio François Costa (1763-1832) qui participa à l’expédition de Sardaigne avec Bonaparte et qui aida Letizia et ses enfants à fuir Ajaccio. Devenu capitaine de gendarmerie, il se rendit par deux fois à l’Ile d’Elbe. La Porta d’Ampugnagni est le village natal de François Paoli, lieutenant de la compagnie de Gendarmerie de la Méditerranée qui commanda la gendarmerie de l’Ile d’Elbe en 1814. François Filidoro naquit à Porto Vecchio, il fut le capitaine du port de Porto-Ferrajo passé aux ordres de Napoléon quand celui-ci s’exila à l’Ile d’Elbe. On peut encore citer Olmeta-di-Tuda et la Porta où naquit et vécut Horace Sébastiani, général de division qui servit à Austerlitz, en Espagne, en Russie et pendant la campagne de France, ou Soveria où se trouve la maison natale de Jean-Baptiste Cervoni, général de division tué en 1809 à Eckmühl.

    Le point commun de tous ces Corses fut sans doute leur extrême fidélité à l’Empereur ; la plupart le suivirent d’ailleurs en exil et au soir de sa vie, Napoléon se souvint de nombre d’entre eux. 21 Corses figurent en effet sur son testament parmi lesquels apparaissent les figures les plus chères de son enfance, sa nourrice Camilla Illari, l’abbé Recco, Nunzio Costa, Jérôme Levie et les amis et partisans de Bocognagno. Cette volonté de saluer une dernière fois les compagnons de son enfance et de sa jeunesse témoigne du noble attachement et de la sincère gratitude de l’Empereur envers ses compatriotes.

    © Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998 ; mise à jour : mai 2019

  • Autres Curiosités

    Le patrimoine culturel corse est d’une infinie richesse. Il est impossible d’évoquer ici la diversité des trésors offerts à la curiosité du visiteur – archéologie préhistorique, protohistorique et gréco-romaine, art médiéval, école de peinture corse, architecture sacrée baroque, etc. Nous nous contenterons de donner quelques indications sur les visites et les excursions à effectuer à Ajaccio et dans ses environs. Dans un des circuits napoléoniens d’Ajaccio, deux tours, celle de la Parata et celle du Capitello, ont été citées. De nombreuses autres constructions du même type jalonnent les rivages de la Corse. Un résumé sur l’histoire de ces tours dites génoises vous invite à les découvrir.

    AJACCIO

    Ajaccio ne se réduit pas à la cité génoise et à la ville impériale, berceau de Napoléon Ier. Elle connut en effet un développement urbain intéressant dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle lié à l’expansion du tourisme. Jusqu’à la première guerre mondiale, la Corse fut une destination réservée à quelques privilégiés. Aux premiers voyageurs de l’époque romantique succéda l’aristocratie anglaise. Dès 1830 des bateaux à vapeur relièrent Ajaccio à Nice ou Marseille en une nuit. La ville devint alors le lieu de villégiature des Anglais attirés par la douceur du climat et séduits par la beauté sauvage de la nature. A l’ouest d’Ajaccio, le  » quartier des étrangers « , idéalement situé entre la mer et le cours Grandval, fut le témoin de cet engouement mondain. Villas privées et hôtels de luxe y attirèrent le tourisme international de Sissi à Joseph Conrad. En remontant le cours Grandval vers la place d’Austerlitz, on peut encore observer quelques bâtiments de cette période, villas cossues ou grand hôtels reconvertis. Le Grand Hôtel Continental devenu le siège de la Collectivité territoriale de Corse offre un exemple parfait de cette  » Belle Epoque  » et nous transporte dans l’univers luxueux des palaces du début du siècle. Le magnifique jardin exotique qui précède l’édifice fut aménagé par les premiers propriétaires. Un peu plus haut, le château Conti est une grande demeure construite par un receveur général des Finances du Second Empire, Etienne Conti. Plus loin, au 2 cours du général Leclerc, une riche écossaise, Miss Campbell, fit construire une église anglicane en granit du pays. Destiné aux touristes anglais installés à Ajaccio, elle fut ouverte au culte en 1878. En prenant la rue Miss Campbell puis la rue Gabriel Péri, on rejoint le front de mer et le casino érigé en 1934. Dans les années 30, le thermalisme commençait à se développer entraînant de plus en plus de touristes. Après une interruption pendant la seconde guerre mondiale, le tourisme reprit pleinement en Corse dans les années 60 et l’île de beauté demeure aujourd’hui l’une des destinations préférées des vacanciers européens.

    Outre ses richesses architecturales, la région d’Ajaccio possède une faune et une flore encore préservées. Les environs de la cité offrent de belles excursions pédestres permettant leur découverte. L’Office national des Forêts propose également des randonnées dans les forêts domaniales de Chiavari et de San Antone à proximité d’Ajaccio (voir Info pratiques). Voici quelques circuits faciles à effectuer toutefois en respectant les précautions d’usage (eau, protection contre le soleil et bonnes chaussures !).
    Le sentier des Crêtes (1h30) propose une promenade à flanc de montagne depuis le bois des Anglais jusqu’à Vignola. Culminant à 370 m, il offre un point de vue magnifique sur le golfe d’Ajaccio. Le retour peut s’effectuer par la ligne 5 des bus.
    La corniche du Couchant (1h30) prend son point de départ à 1 km environ avant la tour de la Parata. Le chemin conduit jusqu’aux plages de Capo di Feno par un sentier en corniche qui domine la mer de 50 m. Les points de vue sur les Iles Sanguinaires y sont nombreux et magnifiques. Le retour s’effectue par le même chemin ou par la route qui part de la plage pour rejoindre la route des Sanguinaires.
    Le rocher de Gozzi (3h) est accessible par la D81 en direction de Calvi et Cargèse. Prendre à droite au croisement de la route d’Appietto puis s’arrêter à la chapelle San Chirgu. Le chemin commence derrière celle-ci. Il mène jusqu’à un nid d’aigle où les comtes de Cinarca avaient érigées une fortification dont on devine les traces.
    La tour de Capo di Muro (1h30) est indiquée sur la route D155 après le lieu dit Acqua Doria. Prendre sur la droite jusqu’à l’indication du début du chemin qui s’enfonce dans le maquis en direction de la tour de Capo di Muro. De celle-ci, on peut apercevoir 7 des 90 tours qui composaient le dispositif de surveillance des côtes corses.

    LES TOURS GÉNOISES

    Les tours que l’on dénomme improprement génoises – car toutes ne le sont pas – sont une composante essentielle du paysage côtier de l’île. Tout en conférant aux lieux où elles sont érigées un charme supplémentaire, elles sont un témoignage direct de l’histoire de l’île. La construction des tours côtières s’inscrivit dans la politique de défense du littoral corse depuis la fin du XVe siècle jusqu’au XVIIe. L’Office de Saint-Georges puis la République de Gênes furent à l’origine de cette politique relayés ensuite par les Corses eux-mêmes. Le système de défense ainsi mis en place visait à lutter contre la piraterie, véritable fléau qui dévastait régulièrement les plaines littorales. L’érection des tours s’accéléra au XVIe siècle et un plan de construction fut même établi le 25 juin 1593. Aucune tour ne pouvait être édifiée sans l’autorisation du gouverneur et les frais étaient répartis entre tous les habitants bénéficiant du rôle protecteur de la tour gardée par deux ou quatre personnes, les Torreggiani. Certaines tours optèrent pour une forme carrée telle la tour de Porto mais la plus grande partie des quatre-vingt-dix tours recensées sont rondes. Oscillant entre 12 et 17 mètres de hauteur, elles furent aussi bien construites au niveau de la mer qu’en altitude. Trois parties aisément repérables composent ces constructions : la base, massive et aveugle, le tronc percé de portes, baies et meurtrières et enfin la terrasse, plate forme à mâchicoulis parfois surmontée d’une guérite. Pour plus de renseignements consulter les ouvrages de A. M. Graziani, Les Tours littorales, Editions A. Piazzola, 1992 et de G. Méria et F. Rombaldi, Les Tours du littoral de la Corse, La Marge, 1990.

    © Fondation Napoléon – Karine Huguenaud, 1998 ; mise à jour : mai 2019

  • Bibliographie

    Pour en savoir plus

    (Les ouvrages consultables à la Bibliothèque Martial-Lapeyre, Fondation Napoléon sont notés : BML)

    Sur la jeunesse de Napoléon en Corse
    * La jeunesse de Bonaparte, 1769-1796, La Revue Napoléon (Paris), septembre 2002, hors-série n° 1, 88 p., ill. en coul. (BML)
    * Paul Bartel, La jeunesse inédite de Napoléon, Amiot-Dumont, Paris, 1954. (BML)
    * Pierre Bonardi, Napoléon Bonaparte, enfant d’Ajaccio : Nabulione, Les Éd. de France, 1935, 204 p., ill. (BML)
    * Lorenzi de Bradi, La vrai figure de Bonaparte en Corse, Ernest Flammarion, (1926). (BML)
    * David Chanteranne, La maison natale à Ajaccio, Napoléon Ier : le magazine du Consulat et de l’Empire (Paris), mars-avril 2004, n° 25, p. 60-61, ill. en coul. (BML).
    * Arthur Chuquet, La jeunesse de Napoléon, I. Brienne, Armand colin, Paris, 1897. (BML)
    * Yvan David, Musée national de la maison Bonaparte, Éd. des Musées nationaux, 1976, 17 p., photogr. (BML)
    * Jean Defranceschi, La jeunesse de Napoléon : les dessous de l’histoire, Lettrage distribution, 2001. (BML)
    * Louis Madelin, Histoire du Consulat et de l’Empire, 1.La jeunesse de Bonaparte, Tallandier, 1974. (BML)
    * Frédéric Masson, Napoléon dans sa jeunesse (1769-1793), Librairie Ollendorff, Paris,1897-1899 (BML)
    * Nasica, Mémoires sur l’enfance et la jeunesse de Napoléon, 1852. (BML)
    * Dimitri Sorokine, La jeunesse de Bonaparte, Fernand nathan, 1967. (BML)
    * Jean Thiry, Les années de jeunese de Napoléon Bonaparte, 1769-1796, Éd. Berger-Levrault, 1975. (BML)

    Sur Pascal Paoli
    * A. Arrighi, Histoire de Pascal Paoli, ou la dernière guerre de l’indépendance : 1755-1807, Lib. Charles Gosselin, 1843. (BML)
    * Maurice Bartoli, Pasquale Paoli, père de la patrie corse, 1866, Albatros, 1974. (BML)
    * Francis Beretti (éd.),  Pascal Paoli à Maria Cosway. Lettres et documents 1782-1803, Voltaire Foundation, University of Oxford, 2003. (BML)
    * James Boswell, Etat de la Corse, 1769, reprint Editions Jeanne Laffitte, 1977.
    * Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli, père de la patrie corse, Tallandier, 2002. (BML)
    * Michel Vergé-Franceschi, Paoli : un Corse des Lumières, Fayard, 2005. (BML)

    Sur l’histoire de la Corse
    * Paul Arrighi et Antoine Olivesi (sous la direction de), Histoire de la Corse, Privat, 1990.
    * Paul Arrighi et Francis Pomponi, Histoire de la Corse, Que Sais-Je ?, PUF, 1979.
    * Roger Caratini, Histoire de la Corse, Bordas, 1991 (BML)
    * Collectif, Histoire d’Ajaccio, La Marge Editions, 1992.
    * Fernand Ettori (sous la direction de), Corse, coll.  » Encyclopédies régionales « , Editions Christine Bonneton, 1992.
    * Prince Roland Bonaparte, Une excursion en Corse, 1891, rééd. Jeanne Laffitte, 1982.
    * Pascal Marchetti, Une mémoire pour la Corse, Flammarion, 1980.
    * Jean-Christophe Orticoni, Nouvel armorial corse : livre d’or de la noblesse, Jeanne Laffitte, 1992. (BML)
    * Francis Pomponi (sous la direction de), Mémorial des Corses, Mémorial des Corses, 1981-1982, 6 volumes. (BML)

    Guides touristiques  [Pour préparer un voyage en Corse]
    Guide Bleu Corse, Hachette ; Guide Gallimard Corse-du-Sud, ; Guide Gallimard Haute-Corse ; Corse, Lonely Planet ; Guide du routard Corse, Hachette ; Guide vert Corse,  ; etc. Pratiquement toutes les maisons d’édition proposant des guides touristiques offrent au moins un ouvrage sur la Corse !
    * Roberto Colonna d’Istria et Francis Rombaldi, Les plus belles balades en Corse, Editions Les Créations du Pélican.
    * Lucette Poncin, Promenades dans Ajaccio, CRDP de Corse, 1995.
    * Georges Ravis-Giordani, Le guide de la Corse, La manufacture, 1991.
    * Anna Maria Salone et Fausto Amalberri, La Corse. Images et cartographie, Editions A. Piazzola, 1992.
    * Le guide corse de la Corse, Editions Les Amis de la Corse, Fiumorbu, 1998.
    * Cartes I.G.N. TOP 25 au 1/25 000e.
    * Philippe Perfettini, Guide Napoléon. Ajaccio, Albiana, 2015.

    Découverte littéraire de la Corse
    * Alexandre Dumas, Les Frères corses, 1844, La Marge Editions, 1988.
    * Gustave Flaubert, Voyage dans les Pyrénées et en Corse, 1848, Albatros, 1983.
    * Guy de Maupassant, Une page d’histoire inédite, 1880 ; Histoire Corse, 1881 ; Un bandit corse, 1882 ; Une Vendetta, 1883 ; Le Bonheur, 1884, in Contes et Nouvelles I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1974.
    * Prosper Mérimée, Mateo Falcone, 1829 ; Colomba, 1841.
    * Paul Morand, Bains de mer, 1960, Arlea 1990.
    * Alexis Ponson du Terrail, Les Bandits, 1852, La Marge Editions, 1992.

    Quelques anthologies
    * Mathieu Ceccaldi, Anthologie de la littérature corse, Klincksiek, 1991.
    * Pierrette Joeffroy-Faggianelli, Image de la Corse dans la littérature romantique française, PUF, 1979.
    * Maurice Ricord, Découverte littéraire de la Corse, Nouvelles Editions latines, 1963.
    * Hyacinthe Yvia-Croce, Anthologie des écrivains corses, Cyrnos et Méditerranée, Ajaccio, 1987.
    Mise-à-jour : Octobre 2005 – mai 2019


  • Cartes

    corse

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  • Infos pratiques

    AJACCIO

    Office municipal de tourisme
    P3 Boulevard du Roi Jérôme, 20000 Ajaccio
    Téléphone : 04 95 51 53 03  – Site web

    CORTE

    Office du Tourisme de Corte
    La citadelle
    20250 Corte
    Téléphone : 04 95 46 26 70 – Site web

    LES MUSÉES ET LES MONUMENTS

    Musée du Capitellu
    18, bd Danielle Casanova
    20000 Ajaccio
    Téléphone : 04 95 21 50 57

    Musée national de la Maison Bonaparte
    rue Saint-Charles
    20000 ajaccio
    04 95 21 43 89

    Cathédrale d’Ajaccio
    rue Forcioli-Conti
    20000 Ajaccio
    Téléphone : 04 95 21 07 67

    Musée Fesch /Chapelle impériale
    50, rue Fesch
    20000 Ajaccio
    Téléphone : 04 95 21 48 17

    Salon napoléonien de l’hôtel de ville
    place foch 20000 ajaccio

    Musée de la Corse / Musée régional d’Anthropologie
    La Citadelle
    20250 Corte
    Téléphone : 04 95 45 25 45 – Site web

    Musée départemental Pascal Paoli
    16 D71, 20218 Morosaglia
    Téléphone : 04 95 61 04 97 – Site web

    LES RANDONNÉES

    Parc Naturel Régional de la Corse
    34 Cours Paoli, 20250 Corte
    Téléphone : 04 95 51 79 10

    Office National des Forêts
    Résidence les Jardins en ville, 20200 Bastia
    Téléphone : 04 95 32 81 90

    LA CORSE SUR INTERNET

    corsica on line : le site officiel de l’agence de tourisme de la corse
    la corse : joli site sur l’histoire et la culture corses.
    corsenetinfos – la corse sur internet : belles photos et informations touristiques.
    destination – corse : un tour de corse en photos

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