La Grande Armée est une armée mythique. Pendant quelques années, elle a été le meilleur outil militaire de son époque. Fruit du travail de Napoléon et de l’expérience des guerres de la Révolution d’une génération de soldats, cette formation a fait rêver des centaines de passionnés d’histoire militaire. Tout au long du XIXe siècle, les grands militaires qui avaient contribué à son succès, puis leurs successeurs, tentèrent d’en faire le RETEX (retour sur expérience) selon l’expression consacrée de leurs homologues contemporains. Ce mouvement d’analyses structurelles s’est poursuivi jusqu’à l’aube du premier conflit mondial. On pensait alors puiser dans la Gloire impériale l’expérience nécessaire pour préparer l’affrontement qui se profilait depuis la défaite de 1870. Par la suite, les historiens se sont penchés à de très nombreuses reprises sur cette armée pour savoir ce qui en avait fait le succès. Toutes ces histoires, aussi fines ont-elles été, étaient le plus souvent le fruit d’un parti pris, et étaient recouvertes (y compris chez les militaires) d’une chape de gloire impériale. Le dynamisme actuel du renouvellement de l’histoire militaire en France permet désormais de se pencher sur la Grande Armée dégagée, cette fois, de la légende.
Connu dans les milieux universitaires, Jean-François Brun, doyen de la faculté des Sciences Humaines et Sociales à l’université de Saint-Étienne, participe de ce renouvellement depuis le début du Bicentenaire. Il y a plus de 20 ans, il a initié un travail de recherche sur les armées en tant que système. La Grande Armée a été son principal objet d’étude. Il lui a consacré sa thèse, puis son habilitation à diriger des recherches (HDR). Colonel de réserve ayant participé à plusieurs OPEX, c’est en technicien qu’il peut analyser la structure militaire impériale. Ces deux casquettes font de lui l’un des meilleurs spécialistes français de la Grande Armée, et son étude était très attendue.
À l’image d’un garagiste pour une voiture, Jean-François Brun entreprend méthodiquement de décortiquer chaque pièce du moteur pour en exposer le fonctionnement. Son introduction pose parfaitement son travail qui vise « à présenter de manière concrète l’outil guerrier dont dispose l’Empereur au cours de ses campagnes » ainsi qu’à livrer une « sorte de manuel » des connaissances sur la Grande Armée. Sur ce modèle, son étude est extrêmement précise et fourmille de renseignements. Les diagrammes qui émaillent le texte, les annexes qui concluent les chapitres et les fiches thématiques en fin de volume complètent un texte qui ne manquait pas d’informations ! Cette profusion aurait pu être rébarbative et ardue, mais grâce à un style clair et efficace, il réussit à ne jamais être ennuyeux.
Pour son étude, Brun s’inspire de ses grands devanciers, le maréchal Foch et le jeune colonel Pétain en tête, ainsi que de cette masse de monographies produites par l’armée depuis le Second Empire jusqu’au tournant des XIXe et XXe siècles. Mais s’il utilise ces études anciennes, il les modernise en les passant au crible des doctrines et analyses plus modernes dont rend compte son imposante bibliographie. Les chapitres sur le fonctionnement de l’État-Major, la logistique ou l’économie de la guerre sont des pierres importantes pour l’historiographie de la Grande Armée, et renouvellent ce que l’on en savait. L’étude est axée (et c’est exposé en introduction) plus sur les mécaniques de fonctionnement que sur les hommes. Néanmoins, la guerre étant avant tout une action humaine, ils n’en sont pas absents notamment dans le chapitre sur l’hygiène et le service de santé. Seul bémol (mais qui n’en est pas vraiment un) le chapitre sur les soldats est un peu théorique, et s’inspire beaucoup de l’ouvrage un peu daté de Charles Coste que tempère à peine les études plus récentes.
Les différentes analyses de Jean François Brun lui permettent de montrer que le système de guerre issu de Boulogne, après avoir dominé ses opposants, ne saura maîtriser l’accroissement des effectifs, et se renouveler face à l’adaptation de ses adversaires. L’analyse est classique, mais les approches thématiques sont réellement novatrices et sont le principal apport de cette étude. Jean-François Brun livre avec son ouvrage une somme intelligente et savante qui sans beaucoup de doute fera date. Seul le contenant un peu austère pourrait décourager les moins férus de la chose militaire, pour les amateurs c’est un indispensable ! (François Houdecek, responsable des projets spéciaux à la Fondation Napoléon)
► Cet ouvrage a bénéficié d’un mécénat de la Fondation Napoléon.
► Lire une interview de l’auteur, Jean-François Brun, à l’occasion de cette parution : « La Grande Armée, un outil militaire répondant parfaitement à la doctrine tactique de Napoléon ».
Après 20 ans de recherche… Découvrez la première analyse systémique de la Grande Armée
Fruit de vingt années de travail, cet ouvrage analyse de façon systémique la Grande Armée : la première partie décrit de façon détaillée l’outil militaire organisé pour mettre en œuvre les principes d’action retenus par lʼEmpereur aux niveaux opératif et tactique. L’étude va des structures de commandement aux unités élémentaires, en passant par les pions de manœuvre (corps d’armée et divisions) et les éléments spécialisés (réserve de cavalerie, grand parc). La seconde partie est composée de fiches thématiques (effets du feu, organisation des différentes armes, logistique, organigrammes…) mêlant paragraphes de synthèse et données chiffrées détaillées. Un effort particulier de présentation des logiques d’interdépendance et de cohérence entre les diverses entités composant la Grande Armée permet d’offrir une sorte de manuel des forces napoléoniennes. Volontairement accessible aux profanes de la chose militaire, l’ouvrage vise à combler un vide des études historiques en ce domaine.
Agrégé et docteur en histoire, Jean-François Brun est enseignant-chercheur à l’université de Saint-Étienne où il a notamment exercé les fonctions de directeur du département d’histoire, de directeur d’un laboratoire de recherche lié au CNRS puis de doyen de la faculté des Sciences Humaines et Sociales. Colonel de réserve, auditeur de lʼIHEDN, il a participé à plusieurs OPEX dans les Balkans. Spécialiste d’histoire militaire, ses travaux portent plus spécialement sur l’organisation des armées en tant que système et sur l’évolution des armements. Ils ont fait l’objet de publications sous forme de livres, de chapitres dans des ouvrages collectifs ou d’articles dans des revues spécialisées.
