Le coup d’État du 2 décembre 1851 résonne dans nos mémoires comme un véritable roman d’aventure. L’opération « Rubicon », nommée en hommage à Jules César, prend corps à l’Élysée (rive droite) pour s’achever au Palais Bourbon (rive gauche), qui, depuis 1798, abrite l’Assemblée nationale. Si l’effet de surprise a fonctionné, les hommes politiques du moment savaient que quelque chose se tramait, même s’ils ignoraient, pour la plupart, qui aurait l’audace de mener une telle entreprise.
En effet, depuis plusieurs mois déjà, les initiatives ne manquent pas pour obtenir une modification de la Constitution de 1848, qui permettrait à Louis-Napoléon Bonaparte de briguer un second mandat. Dès 1850, de nombreux conseils généraux des départements se prononcent en faveur de cette révision. Début 1851, l’ensemble de la classe politique semble être ralliée à cette idée. Mais, une fois encore, on achoppe sur l’abrogation de la loi électorale de 1850 qui avait restreint le suffrage universel masculin, voulue par le futur Napoléon III. Finalement, l’option du coup d’État, repoussée à plusieurs reprises, est retenue. Ce sera le 2 décembre !
Francis Démier nous offre ici une synthèse rigoureuse, qui analyse l’événement – bien qu’ultra rapide – dans sa totalité et toute sa durée, en n’omettant pas d’appréhender le ressenti de la population et celui des principaux acteurs. Convoquant des sources inexploitées, l’auteur met en lumière un moment de l’histoire que la République n’a pas oublié et qui préconise la vigilance face à l’autoritarisme.
Camille Crunchant, Doctorante en Histoire & Responsable d’édition scientifique à la Fondation Napoléon (14 novembre 2023)
Présentation par l’éditeur
« Le coup fut monstrueux et terrassa Paris. » (Victor Hugo.) Un choc dont la France n’est pas tout à fait remise.
Ce fut, comme dans un roman d’aventures, l’opération « Rubicon ». Elle partit de l’Élysée – rive droite – pour fondre sur le Palais-Bourbon – rive gauche. En quelques heures, le président Bonaparte annihila l’Assemblée nationale : les députés de gauche comme ceux du parti de l’ordre furent également frappés. Tout le monde s’y attendait, et pourtant la plupart furent surpris. Comment le neveu de l’Empereur, réputé falot et nimbé de mystères, aurait-il osé ? Il osa pourtant faire son Brumaire à lui. Paris fut rapidement subjugué. En revanche, une partie de la paysannerie, attachée à la République démocratique et sociale, surtout dans le Centre et le Midi, opposa une résistance inattendue, parfois très vive, ce qui permit au pouvoir de se poser en sauveur de la société. Un État autoritaire prit alors en main la réorganisation d’une nation traversée de profondes fractures pour la préserver d’elle-même et ouvrir le temps des « miracles économiques « . La République, elle, n’oublia pas la violence faite alors aux institutions et en tira une leçon politique et morale, qui dure encore : rester vigilant face aux tentations autoritaires et aux menaces contre les libertés, que symbolise toujours « le 2 décembre » de Louis Bonaparte. Une démarche neuve, rigoureuse et alerte, qui inscrit l’événement dans la durée et l’appréhende dans tout l’espace national, au plus près de la population comme des principaux acteurs, à partir de sources souvent inexploitées.