Le châle* est une pièce d’étoffe carrée ou triangulaire que les femmes portent sur leurs épaules au dessus d’une robe pour avoir plus chaud. A l’origine le châle est porté aussi bien par les hommes que par les femmes en Asie et en Orient. Il fut importé en Europe au cours des XVIIe et XVIIIe siècles avec l’occupation de l’Inde par les Britanniques. La Perse et la région du Cachemire rivalisaient alors dans la production des étoffes les plus finement brodées ou brochées.
Sous le Directoire, le Consulat puis l’Empire, le châle devient l’accessoire indispensable à la garde-robe d’une femme de qualité. Rares et recherchés, les châles sont réalisés dans des matières premières chères, notamment le cachemire. La future impératrice Joséphine en possédait plusieurs et fut l’une des premières femmes à recevoir les châles exotiques rapportés de la campagne d’Egypte par Bonaparte. Pourtant les châles ne soulevèrent pas de suite l’enthousiasme de cette férue de mode et la laissaient sceptique comme elle l’exprima dans une lettre adressée à son fils Eugène : « J’ai reçu les châles. […] Ils me paraissent forts laids. Leur grand avantage est dans leur légèreté. Je doute que cette mode prenne. N’importe, ils me font plaisir parce qu’ils sont extraordinaires et chauds ».
Son avis changea rapidement et elle se constitua une magnifique collection de châles. L’une de ses contemporaines raconta : « L’impératrice Joséphine en avait la passion, et je doute que personne en eût une collection aussi précieuse. A Navarre, elle en possédait cent cinquante d’une beauté incomparable, et d’un prix très élevé. Elle avait envoyé à Constantinople des dessins d’après lesquels on lui fit faire des schals aussi jolis à l’oeil, qu’ils étaient précieux. Chaque semaine M. Lenormand venait à Navarre, et lui vendait ce qu’il avait de plus remarquable en ce genre. J’en ai vu de blancs parsemés de roses, de bleuets, de perroquets, de paons etc., qui je crois sont uniques en Europe. On les estimait à 15 ou 20 000 francs chacun. »
D’abord importé de contrées lointaines et orientales comme l’Inde, le cachemire (laine de l’Himalaya) se vit interdit par le Blocus continental qui empêchait l’Angleterre s’exporter ses produits en Europe. Pour pallier à cela, un filateur français, Guillaume Ternaux, lança le cachemire français, ce qui lui valut d’être décoré de la légion d’honneur. Cependant il fallut du temps pour voir la France égaler les importations étrangères au niveau de la qualité et de la finesse des étoffes.
Le châle, avec sa forme allongée était utilisé de multiples manières : jeté sur les épaules, noué autour du cou, croisé autour de la poitrine ou encore noué autour de la tête à la manière d’un turban. C’est un accessoire chaud qui remplace l’utilisation d’un manteau ou agrémente une tenue. Le châle de cachemire jouait un rôle considérable dans la haute et riche bourgeoisie parisienne et pouvait se transmettre comme un bien de mère en fille.
Dans les dernières années de l’Empire, cependant, le châle de cachemire se vit détrôner par des vêtements chauds et pratiques comme le witchoura* à capuchon.
Emmanuelle Papot (Juillet 2011)
Les termes avec * sont définis dans notre lexique de la mode
Sources :
– Nathalie Harran, La Femme du Directoire au Ier Empire, Ed. errance, 2010
– Cristina Barreto et Martin Lancaster, Napoléon et l’Empire de la Mode, Skira, 2010
– La vie des Français au temps de Napoléon, Larousse, 2003
– Octave Uzanne, Les Modes de Paris, Paris, Société Française d’Editions d’art, 1898