Les « Almanach de Napoléon », écrits et édités par Alexandre Houssiaux au Second Empire, sont de petites brochures annuelles, au format carré et largement illustrées de gravures. Destinés à un public populaire, ces almanachs proposent un tableau des évènements de l'année passée en mettant en valeur la politique impériale de Napoléon III, tout en réservant une grande place à l'épopée de Napoléon Ier. Ce sont des livres vendus à un prix modique tant en ville que dans les campagnes, et qui se lisaient et se regardaient un peu comme une revue ou un catalogue mainte fois ouverts.
Il est intéressant de voir comment l'année 1856, année faste pour le régime, fut traitée : un héritier de la couronne était né, et la campagne de Crimée s'était achevée par une victoire anglo-française. Mais une catastrophe naturelle de grande ampleur, des crues exceptionnelles vinrent jeter une ombre au tableau triomphant.
En ce printemps 1856, de très fortes pluies s'étaient abattues sur le Sud de la France. Le Rhône et la Loire, des fleuves peu aménagés et sujets à de fréquentes et brusques colères, débordèrent et firent de nombreuses victimes, tant par la violence des flots que par la mauvaise construction des habitations qui s'effondrèrent sur leurs occupants. Dans la nuit du 29 au 30 mai, les digues lyonnaises cédèrent et la ville fut envahie. Puis les villes et leurs campagnes plus en aval furent touchées : Avignon, Tarascon, Arles.
A son tour, la Loire enfla et l'Orléanais fut sous les eaux. Puis ce fut Nantes où de nombreux quartiers se retrouvèrent inondés.
Ces inondations émurent une grande partie de l'opinion publique. La presse quotidienne nationale et régionale décrivirent les scènes de désolation, les familles totalement démunies ayant tout perdu, les enfants arrachés des bras de leur mère et emportés par le courant.
Napoléon III et son entourage sentirent l'émotion de la population, et la colère qui bouillonnait sous le chagrin. Le pouvoir pouvait ainsi montrer son alliance avec les classes popularies, car c'étaient les quartiers les plus défavorisés qui furent touchés. Dès le 3 juin, Napoléon III partit sur les lieux des inondations et rendit visite aux « inondés », marchant dans la boue, apportant des paroles de réconfort et, en l'absence de système d'assistance, un grand sac d'or « S.M. avait auprès d'elle le général Niel, son aide de camp qui, tenant un sac plein d'or, y puisait d'une main large, et donnait à tous ces infortunés un premier secours destiné à adoucir leurs souffrances« .
L'auteur des Almanachs, fervent bonapartiste, montre Napoléon III en « père du peuple », qui compatit et apporte son aide. Lorsque l'empereur revint à Saint-Cloud le 11 juin, sa popularité était à son comble. Il incarnait à la fois la force et le réconfort. Le régime impérial était alors à son apogée. Coïncidence des dates, le prince impérial fut baptisé à peine quelques jours plus tard, et l'avenir semblait serein, mais d'autres intempéries, plus politiques, allaient faire vaciller le trône.
"Les inondations de 1856" Almanach de Napoléon, A. Houssiaux, 1857
Extraits
L'Almanach décrit ainsi les scènes de panique lorsque le Rhône envahit Lyon : "Une longue colonne d'hommes, d'enfants, de femmes, fuyant pêle-mêle dans le plus grand désordre devant les vagues mugissantes, poussaient des cris qui n'avaient plus rien d'humain. Chacun avec cet instinct de conservation et de la propriété, qui subsiste avec tant de persistance au milieu des plus grands dangers, emportait des débris de mobilier, du linge, des matelas souillés de boue, quelques aliments ; d'autres plus tenaces, refusaient d'abandonner leur maison ; il fallait les en arracher de force ; en quelques heures, plus de 20 000 habitants se virent sans domicile, sans ressources aucunes; Sur les points de la ville non submergés, des groupes désolés se formaient , étalant toute les misères humaines et tout le désespoir dont l'homme est capable. Des femmes, à peine couvertes de misérables jupons, les cheveux en désordre, portant des enfants presque nus ou recouverts de haillons mouillés, allaient devant elles au hasard".Pour consulter intégralement l'Almanach 1857 dans la bibliothèque numérique
http://digitalbooks.napoleon.org/book/index.php?collection=FNAP_ALMNAP_1857#
Titre : Almanach de Napoléon, illustré par Charlet et Raffet, 1857
Editeur : Paris, Alexandre Houssiaux
Collation : 125 p., format carré, 14 x 14 cm
Localisation : Bibliothèque Martial-Lapeyre, Fondation Napoléon
En complément,
- notre étude du tableau de Bouguereau, "L'Empereur visitant les inondés de Tarascon",
- un article sur les grandes crues de 1856.