Les témoignages écrits les plus vieux de la main de Napoléon Bonaparte le prouvent : adolescent, il écrivait dans un français honorable, malgré une orthographe parfois fantaisiste qu’il gardera toute sa vie ( par exemple, otorizé pour autorisé). On peut remarquer, cependant, que les règles de la langue française ne sont pas aussi fixes et connues de tous ceux qui écrivent en cette fin du XVIIIe s. où la population est majoritairement analphabète (60% des français ne savent pas écrire leur nom).
Mais que sait-on de la langue que parle au quotidien le jeune Napoléon Bonaparte en Corse ?
En 1769, à sa naissance, l’île vient à peine de passer sous domination française après cinq siècles sous autorité génoise. Les Corses parlent un dialecte qui leur est propre ainsi qu’un parler cousin, le génois, propagé par la puissance de la république de Gênes dans cette zone géographique. Ces deux langues régionales ont par ailleurs des influences toscanes, notamment à l’écrit.
Napoléon ne parle-t-il pas pour autant français dès son plus jeune âge ? Rien ne l’infirme.
Letizia, sa mère, ne le maîtrise pas à l’écrit (Napoléon écrit pour sa mère après la mort de son père) et les témoignages divers des personnes qui côtoient Madame mère prouvent qu’elle conservera toute sa vie un usage assez tâtonnant de la langue de Molière, doublé d’un fort accent.
Charles Bonaparte, qui a étudié le droit à Corte, en revanche, le parle et l’écrit, comme le montrent ses nombreuses démarches écrites et orales faites auprès des autorités royales françaises, notamment pour faire reconnaître la noblesse familiale.
Il paraît logique d’imaginer que le chef de famille ait inculqué dès leur plus jeune âge à Joseph et Napoléon, ses deux aînés pour qui il ambitionne un bel avenir, des notions de la langue du pouvoir dont leur sort dépend et que Charles a ralliées quelques mois avant la naissance de Napoléon.
Pour autant, cette instruction du français, poursuivie par l’abbé Recco, demandera une remise à niveau de quatre mois, de janvier-avril 1778, à leur arrivée au collège d’Autun. Joseph a alors 11 ans et Napoléon, 9 ans et demi.
À dix ans, Napoléon est donc, comme on le qualifierait aujourd’hui, bilingue, malgré un accent certain et des italianismes çà et là.
Juillet 2019
Cet article fait partie du dossier thématique « 1769-1793 : la jeunesse de Napoléon Bonaparte ».
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