Une chronique de Claude Collard : les Fêtes du Sacre de Napoléon. Entre effervescence et espérance

Auteur(s) : COLLARD Claude
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2 décembre 1804, jour du sacre à Notre-Dame ; il fait un froid glacial. A 6h, les premiers des 15 000 invités s’installent sur les bas-côtés et dans les tribunes, à 10h30,  Pie VII prend place sur son trône, à midi, Napoléon et Joséphine font leur entrée dans la cathédrale. La cérémonie peut commencer ; elle durera trois heures.
David a immortalisé cet instant solennel dans son immense tableau, cette image reste dans la mémoire collective et occulte le souvenir des cérémonies organisées à la suite soit une quinzaine de journées de fêtes, de spectacles, d’illuminations, feux d’artifice, de réceptions et présentations.

Une chronique de Claude Collard : les Fêtes du Sacre de Napoléon. Entre effervescence et espérance
Claude Collard, conservatrice générale honoraire des bibliothèques © DR

Ces fêtes se déroulent, dans le temps, de manière stratégique et n’oublient personne : le peuple, l’armée, le clergé,  les corps d’état et les élus de la nation venus de toutes les régions.
Le 3 décembre,  la fête est populaire. La place de la Concorde et tous les boulevards sont investis de salles de danse, de théâtres, de mâts de cocagne, etc. Des chars de musiciens et « des cortèges d’Arlequins, de Cassandres, de Paillasses » (Histoire du couronnement ou Relation des cérémonies religieuses, politiques et militaires qui ont eu lieu pendant les jours mémorables consacrés à célébrer le couronnement et le sacre de Sa Majesté Impériale Napoléon Ier,… , par J. du Saulchoy avec la collaboration de J. Lavallée et de A. Coupé, 1805 à consulter dans Gallica  ark:/12148/bpt6k64706999) participent à l’amusement du public. Des médailles sont distribuées, des ballons dorés s’élèvent dans le ciel parisiens afin de déposer des aigles, des guirlandes ou couronnes de lauriers signes de victoire et de bonheur. Le soir, Paris est illuminé et un grand feu d’artifice est tiré depuis le pont de la Concorde, les danses continuent le reste de la nuit (Voir David Chanteranne, Le Sacre de Napoléon, Paris, ‎éditions Tallandier, 2004.).

XII Frimaire an XII, 3 décembre 1804. Fête du Sacre et Couronnement de leurs Majestés Impériales, Louis Le Coeur © Musée Carnavalet Histoire de la ville de Paris
XII Frimaire an XII, 3 décembre 1804. Fête du Sacre et Couronnement de leurs Majestés Impériales, Louis Le Coeur © Musée Carnavalet Histoire de la ville de Paris

Le 5 décembre, l’armée est à l’honneur au Champ de Mars avec la cérémonie de la « Distribution des Aigles » aux députations des armées et des gardes nationales. Cet événement est empreint d’une grande solennité, un hommage aux maréchaux et « il récompense le dévouement des braves » (Histoire du couronnement déjà cité.). Il est suivi d’un banquet  et d’un concert au palais des Tuileries.

Serment de l'Armée fait à l'Empereur après la Distribution des Aigles au Champ de Mars, le 5 décembre 1804 © RMN-Grand Palais / Peter Willi
Serment de l’Armée fait à l’Empereur après la Distribution des Aigles au Champ de Mars, le 5 décembre 1804 © RMN-Grand Palais / Peter Willi

Le 8 décembre, autre point d’orgue pour l’armée, la réception de plus de sept mille hommes, appartenant aux  députations de tous les corps des armées de terre et de mer dans les galeries du Musée Napoléon. Entouré de Louis et de Murat, Napoléon fait preuve d’une grande attention « il va de rang en rang…, il s’arrête, il parle à chaque députation qui lui est présentée par le connétable » (Ibidem.).
Après avoir « choyé » l’armée en prévision des futures opérations militaires et les parisiens, en faisant perdurer les fêtes, pour s’assurer calme et fidélité, vient le temps des présentations – réceptions de tous les corps d’état, les religieux et les élus -. Ces audiences se succèdent à un rythme effréné plusieurs fois dans la journée. Pendant une dizaine de jours, toutes les forces vives de la Nation se présentent à Napoléon, qui sait habilement les recevoir avec tout l’apparat lié à sa condition d’empereur. Il se montre très proche des participants et est à leur écoute. L’enjeu est de taille ; à travers ces rencontres privilégiées, se joue l’adhésion au nouveau régime  et à sa personne comme empereur et au-delà l’espérance de sa légitimité. En creux, ces séances sont la meilleure instance où Napoléon peut faire passer ses messages pour l’avenir de l’Empire.
La liste des participants est imposante, les premiers reçus sont les évêques et archevêques de l’Empire, suivent les maréchaux, généraux , grands-officiers de l’Empire, les amiraux, les membres de la cour de cassation, les présidents des cours d’appel, les membres de l’Institut, les présidents des collèges électoraux dont les préfets des 108 départements de l’Empire, les présidents des conseils-généraux, les maires des 36 villes, des présidents de cantons, les présidents de consistoires, etc.
A côté des réjouissances, les présentations furent sans doute des instants inoubliables pour beaucoup, notamment pour les élus des régions et des soldats originaires de toutes parts.
Le soir, les réceptions rassemblant plusieurs centaines d’invités, rivalisaient de décors somptueux et de mise en scène de jeux de lumière  entre banquets, spectacles, concerts, bals et feux d’artifice.
Paris rayonnait de ces moments festifs d’exception. Ainsi, le 13  décembre, le Sénat offrit une fête dans le jardin du Luxembourg : musiques militaires, danses, illuminations, dont le clou était un feu d’artifice avec un volcan au cœur duquel surgissait une effigie de l’empereur couronnée du génie de la Victoire.

Le 16 décembre, la réception à l’hôtel de ville de Paris constitua l’apothéose de cette série. Les Parisiens purent profiter d’orchestres, loterie, volailles, fontaines de vin, tandis que les invités étaient réunis dans la salle du Trône de l’Hôtel de Ville, puis soupèrent dans les galeries environnantes, « des girandoles éblouissantes par le feu d’un grand nombre de bougies, étaient suspendues au milieu de ces tables.» (Ibidem.). Napoléon et Joséphine reçurent des médailles en or et en argent à leurs effigies, ainsi qu’un luxueux service de vermeil  et deux nefs, chefs-d’œuvre de ciselure.
En épilogue, après cette période hors du temps définie par l’  effervescence de fêtes et l’espérance d’une légitimité forgée lors des présentations, Napoléon, devenu empereur, se retrouvait face à son nouveau destin. Ainsi, l’histoire de son règne et de  l’Empire pouvait commencer en cette fin décembre 1804.

Arrivée de Napoléon Ier à l'Hôtel de Ville, le 16 décembre 1804, JL David, 1805 © Musée du Louvre
Arrivée de Napoléon Ier à l’Hôtel de Ville, le 16 décembre 1804, J.-L. David, 1805 © Musée du Louvre

Claude Collard
2 décembre 2021

Claude Collard est conservatrice générale honoraire des bibliothèques.

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