Une chronique de Franck Favier : Ney, le courage et l’inconstance

Auteur(s) : FAVIER Franck
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Michel Ney fut avec Murat, Lannes ou encore Lefebvre, l’un des maréchaux d’empire les plus populaires. Pendant l’Empire, celui que l’on surnommait le Lion rouge, remporta d’adhésion de ses contemporains, même des plus récalcitrants par sa bravoure à Elchingen, Friedland, La Moskova ou encore pendant la retraite de Russie.

Une chronique de Franck Favier : Ney, le courage et l’inconstance
Franck Favier, historien © Histoire sans fin

Cependant, l’homme n’est pas fait d’un bloc ; si son courage efface bien souvent ses erreurs de commandement, sa susceptibilité, sa jalousie maladive envers ses condisciples ternissent son image le rangeant dans le camp des exécutants maladroits en particulier lors de la campagne d’Allemagne de 1813.

Les années 1814-1815 furent ensuite douloureuses pour la réputation du maréchal à travers ce qu’on peut appeler trois trahisons : la première contre l’Empereur en avril 1814 en anticipant l’abdication, par des prises de contact avec les coalisés ; la seconde, un an plus tard, envers Louis XVIII promettant de ramener l’ogre dans une cage de fer et se ralliant en définitive au retour de l’Aigle ; enfin fin juin 1815, de retour de Waterloo, à la Chambre des Pairs, par son défaitisme face à une situation d’urgence.

Son inconstance politique lors de la fin de l’épopée napoléonienne écorna à nouveau sa réputation et seule sa mort, face à un peloton d’exécution, le 7 décembre 1815, fit de lui un martyr dont on oublia les faiblesses morales.

Si Ney n’avait pas été condamné à mort, que serait-il alors devenu ? Son retour en grâce paraissait impossible. Certes, bien d’autres comme Soult ou encore Marmont ont réussi ce défi mais la méfiance des Ultras demeura tenace, notamment contre Marmont, pourtant fidèle à la restauration lors des cent jours et même malgré lui lors des trois glorieuses de 1830. Alors, peut-être l’aurait-on laissé au repos dans sa propriété des Coudreaux, en Eure et Loir, oublié comme Davout à Savigny/orge, dans l’attente de jours meilleurs.

L’exil alors ? celui-ci avait été possible lors de sa fuite à l’été 1815 soit vers la Suisse, soit vers les Etats-Unis. Il s’y refusa préférant quasiment se livrer aux gendarmes venant l’arrêter, éliminant ainsi déjà la thèse de la substitution prisée encore parfois outre-Atlantique.

Le maréchal Ney est bien mort à Paris le 7 décembre 1815. Somme toute, une mort heureuse, car cette mort lui appartenait et pour toujours. S’il avait été gracié, exilé, évadé, sa légende aurait été ternie. Il n’était pas homme à vivre dans l’obscurité paisible. De fait, l’éclat de sa fin égala la gloire de sa vie et ses fautes furent lavées dans son sang, restant pour toujours le brave des braves.

Franck Favier
Mars 2023

Franck Favier est agrégé et docteur en histoire. Il a notamment publié Bernadotte, un maréchal d’Empire sur le trône de Suède et Berthier. L’ombre de Napoléon  (Prix Premier Empire 2015 de la Fondation Napoléon). Il vient de codiriger avec Vincent Haegele Traîtres. Nouvelle histoire de l’infamie (Passés/Composés 2023) et, en mars 2023, est l’auteur d’une biographie sur le maréchal Ney, chez Perrin.

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