Une chronique de Pierre Branda : Halte à la discrimination positive en histoire !

Auteur(s) : BRANDA Pierre
Partager

On le sait, les vents venus d’Outre-Atlantique ne sont pas toujours les bienvenus. Celui-ci est en train de souffler très fort sur notre pays. Je veux parler de cette mode qui veut favoriser des individus ou un groupe d’individus, supposés ou réelles victimes de discriminations, afin de rétablir une certaine égalité. En histoire, cela conduit aujourd’hui à mettre en avant des sujets – par ailleurs intéressants et importants – mais pas toujours au détriment d’autres. Un bel exemple a été donné avec l’Histoire mondiale de la France dirigée par Patrick Boucheron dans lequel la période 1914 – 1918, une guerre considérée pourtant comme mondiale, ne fut abordé qu’à travers la révolution kanak de 1917 en Nouvelle-Calédonie.

Une chronique de Pierre Branda : Halte à la discrimination positive en histoire !
Pierre Branda © Fondation Napoléon/Rebecca Young

À l’occasion du bicentenaire de la mort de Napoléon cette année, nous assistons également à la mise en avant de deux sujets mémoriels, le rétablissement de l’esclavage et la place des femmes. Ils sont certes importants mais surtout complexes. À leur propos, on oublie volontairement le contexte pour mieux fustiger un personnage emblématique de l’histoire de France. À dessein, bien sûr. Car pourquoi oublier dans le même temps les autres mémoires, européennes notamment ou religieuses ? Je pense, par exemple, à l’émancipation des Juifs en Europe qui, grâce aux armées napoléoniennes, peuvent enfin sortir de leurs ghettos et abandonner le signe distinctif jaune qu’ils portaient alors (déjà), à l’exemple de la famille Rothschild. N’est-ce pas là un legs également très important de cette période et qui mérite d’être mis en lumière ?

Très clairement, on cherche à s’excuser par avance de commémorer Napoléon en donnant quelques compensations à des groupes de pression. C’est doublement offensant. D’abord pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de Napoléon Ier, obligés de s’excuser en permanence, mais aussi pour ceux qui défendent des causes justes. L’histoire de l’esclavage aux Antilles, comme celle de la condition féminine, mérite en effet mieux que quelques miettes dispersées ici ou là, de la plus mauvaise des façons, en sombrant dans l’anachronisme.
On veut aussi à tout prix, par exemple, surestimer le rôle des femmes dans les guerres de la Révolution et de l’Empire, quitte à mettre sur le même plan historique le rôle d’une lavandière et celui d’un maréchal. Il n’est point besoin pourtant de pareilles contorsions pour s’intéresser à l’histoire de femmes courageuses et dont l’action a marqué leur temps. En témoignera prochainement une étude à paraître chez Perrin à l’automne 2021, signée par l’historienne de Florence de Baudus, qui évoquera le destin des souveraines qui ont défié Napoléon, de la reine Louise de Prusse à Caroline Murat. Oublions donc toute forme de discrimination positive pour mieux revive une histoire aussi contrastée que passionnante.

Pierre Branda
Mars 2021

Pierre Branda est entrepreneur et responsable du service Patrimoine de la Fondation Napoléon. Auteur du Prix de la gloire. Napoléon et l’argent (Fayard, 2007) et de Napoléon et ses hommes. La Maison de l’Empereur (Fayard, 2011), il vient de publier Napoléon à Sainte-Hélène (Perrin, 2021)

Titre de revue :
inédit
Partager