Une demeure privée à aménager pour une haute figure de l’État
Lorsque Bonaparte devient Premier Consul, Malmaison, l’une de ses principales demeures, devient un lieu de pouvoir incontournable. Le château de Malmaison a été acquis en avril 1799 par Joséphine puis racheté, peu après, par Bonaparte pour éponger les dettes de son épouse. La demeure a besoin d’aménagements pour recevoir les fréquentes réunions de l’Exécutif sous le Consulat.
La salle du Conseil est aménagée en une dizaine de jours par Pierre Fontaine, un des architectes favoris du Premier Consul : « Il fallait que la disposition et la décoration en fussent achevées en dix jours de travail, parce qu’on ne voulait pas interrompre les fréquents voyages qu’il [Bonaparte] avait coutume d’y faire ; […] il parut convenable d’adopter […] la forme d’une tente soutenue par des piques, des faisceaux et des enseignes, entre lesquels sont suspendues des groupes d’armes qui rappellent celles des peuples guerriers les plus célèbres du globe » (Percier et Fontaine, Recueil de décorations intérieures, Publication commencée en 1801, première édition complète en 1812, éd. Egon Hessling).
Située dans l’aile Sud du château, cette salle jouxte la bibliothèque. L’escalier dérobé que cette dernière possède permet de mener aux appartements de Bonaparte au premier étage. Quoi de plus facile pour rejoindre rapidement cette salle de réunion hautement importante…
Le tabouret en X, symbole de pouvoir depuis plus de 2 500 ans
La salle du Conseil a pour thème les « peuples guerriers les plus célèbres du globe » ; de fait, on peut voir sur ses portes trophées et faisceaux symbolisant romains, grecs, carthaginois, gaulois, … et étrusques. Dans l’idée de prolonger cet esprit, les frères Jacob conçoivent un mobilier conçu qui reprend les allures et motifs antiques. En 1800, les deux ébénistes livrent – entre autres – une table du Conseil, deux petits lits de repos, dix grands fauteuils, six chaises en acajou et dix tabourets en X, dont le dessin a été fait par Charles Percier, autre grand architecte favorisé par Napoléon Ier qui travaille avec Fontaine.
Ces tabourets en X sont directement inspirés par les sièges curules romains, hérités des Étrusques. La sella curulis – siège de char, littéralement – n’est l’attribut que de ceux qui possèdent le pouvoir civil et militaire (l’imperium détenu sous la République par les magistrats et pro-magistrats puis par l’Empereur autour du Ier s. av/ap JC, à partir du règne d’Auguste). La symbolique forte de ce siège ne sera supplantée par celle du trône que tardivement. Et la curule reste un attribut de pouvoir au fort prestige au-delà de l’époque mérovingienne.
Dispersés lors de la vente organisée à Malmaison en 1829, quinze ans après la mort de l’impératrice Joséphine, les tabourets en X de la salle du Conseil ont été vendus par paire. L’achat en 2018 d’un nouveau tabouret a permis de réassortir une partie de cette série : sur les six tabourets présents aujourd’hui à Malmaison, quatre proviennent de la salle du Conseil. Deuxautres les accompagnent, issus du même modèle : ce repris pour la chambre d’apparat de l’Élysée par Murat en 1806 dont ils sont issus.
Le dernier tabouret acquis porte encore l’étiquette : « salle du Conseil à Malmaison » ; son galon noir et doré pourrait même être d’origine. Deux fauteuils acquis en 2004 et 2010 ont quant à eux retrouvé la salle.
► Anecdote : Napoléon et son fauteuil curule à Malmaison (tel que rapporté en 1866 dans l’Album impérial, ou Souvenir des appartements habités par Napoléon Ier et l’Impératrice Joséphine à la Malmaison, par le colonel Marnier ; source : Gallica/BnF).
Marie de Bruchard, octobre 2019
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