Le portrait du prince Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie est une huile sur toile achevée en 1810 par Andrea Appiani (1754-1817), surnommé le « peintre des grâces », Premier peintre du roi d’Italie Napoléon Ier. Appiani est l’auteur de nombreux portraits et fresques dans les palais royaux et pour le compte de la famille de l’Empereur et Roi – dont beaucoup ont malheureusement disparu lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il exerce sa fonction de Premier peintre durant tout l’Empire jusqu’à ce que les défaites militaires puis un infarctus le laissant complètement paralysé ne l’empêchent définitivement d’exercer son art.
Conservé au château de Malmaison, ce tableau représente le fils adoptif de Napoléon Ier en grand costume de vice-roi d’Italie. Il arbore le grand collier et la plaque de la Légion d’honneur, ainsi que le cordon et la plaque de la Couronne de fer, plus haute distinction du royaume d’Italie. Calquant ce portrait sur son Napoléon Ier, roi d’Italie, Appiani opte encore une fois pour une représentation en buste et déroge à la tradition française du grand portrait en pied. Il y représente un Eugène de Beauharnais très solennel, très digne, incarnant parfaitement toute sa fonction de vice-roi.
Né à Paris le 3 septembre 1781, Eugène de Beauharnais connaît un destin extraordinaire, marqué par une ascension des plus fulgurantes. La mort de son père le vicomte Alexandre de Beauharnais (guillotiné sous la Terreur en juillet 1794), rapproche considérablement Eugène de sa soeur, Hortense (1783-1837), et de leur mère Marie Josèphe Rose, future Joséphine (1763-1814). En 1795, Hortense et Eugène sont respectivement mis en pension chez madame Campan et au collège irlandais McDermott à Saint-Germain-en-Laye.
Leur mère, un temps muse du « roi Barras », tout puissant directeur de la République, fait la rencontre d’un homme qui changera leur destin à jamais : Napoléon Bonaparte, jeune général fraîchement promu pour son action décisive dans la répression de l’insurrection royaliste du 13 Vendémiaire An IV (5 octobre 1795). S’il tombe fou amoureux de la veuve de Beauharnais, cette dernière y voit surtout, dans un premier temps, une bonne opportunité de conforter son statut de femme d’influence. Ils se marient le 9 mars 1796, quelques jours avant le départ en campagne du général Bonaparte, tout juste nommé commandement en chef de l’armée d’Italie. Connaissant les envies de carrière militaire d’Eugène, il l’emmène en Italie pour être son aide de camp. Eugène reçoit son brevet de sous-lieutenant au 1er régiment de hussards à l’issue de la campagne.
Envoyé dans les îles ioniennes après le traité de Campo-Formio (18 octobre 1797), il accomplit également diverses missions à Rome avant de revenir s’embarquer en France pour la campagne d’Égypte. Officiant toujours en tant qu’aide de camp du général en chef Bonaparte, Eugène montre son courage dans la fournaise de combats meurtriers comme à Jaffa, Saint-Jean-d’Acre – où il est blessé – ou encore Aboukir. Le jeune homme se révèle complètement et montre toutes ses qualités à Bonaparte qui développe une réelle estime pour son beau-fils. Eugène suit également Bonaparte qui s’embarque avec un petit cercle d’intimes à bord de La Muiron afin de rentrer secrètement en France le 23 août 1799. Après le coup d’État du 18-Brumaire (9 et 10 novembre 1799), le Premier Consul Bonaparte le nomme capitaine du 1er régiment de chasseurs à cheval de la Garde consulaire, témoignant de ce fait de la confiance qu’il porte à son beau-fils âgé d’à peine 18 ans.
Eugène suit encore le Premier Consul dans sa seconde campagne d’Italie. Il s’y distingue aux côtés du général Bessières à la bataille de Marengo, le 14 juin 1800, à l’issue de laquelle il gagne ses galons de chef d’escadron. Eugène est également nommé colonel puis général de brigade en 1802. Il est récompensé dès la première distribution de la Légion d’honneur le 15 juillet 1804, . Gage ultime de la relation de confiance entre les deux hommes, Napoléon, devenu roi d’Italie le 17 mars 1805, le nomme vice-roi. Malgré la centralisation exigée par l’Empereur, Eugène se révèle un excellent administrateur et consacre l’essentiel de son temps au royaume d’Italie qu’il ne quitte pratiquement pas de juin 1805 à mai 1809. À l’issue de la campagne d’Allemagne de 1805, au cours de laquelle Eugène s’est montré également brillant stratège, l’Empereur le titre prince de Venise, fils adoptif, héritier présomptif de la couronne de Fer d’Italie et lui fait épouser la princesse Augusta-Amélie de Bavière.
Administrant le royaume jusqu’en 1809, Eugène s’illustre par la victoire de Raab, le 14 juin 1809, après une courte défaite à Pordeone. Cette même année, sa loyauté est mise à rude épreuve lorsqu’il apprend que l’Empereur veut divorcer de sa mère Joséphine. En dépit de la difficulté de la situation, il se montre très digne et accepte de lire la déclaration où l’Impératrice souscrit « à l’obligation de sacrifier toutes ses affections aux intérêts de la France » au Sénat.
En 1812, l’orage gronde à nouveau en Europe alors que l’Empire connait une paix relative depuis le traité de Schönbrunn de 1809. Lorsque la campagne de Russie débute, Eugène reçoit le commandement du IVe corps franco-italien de la Grande Armée. Après s’être illustré à Smolensk (17 août 1812) et à la Moskova (7 septembre 1812) lors de la prise de la Grande Redoute aux Russes de Koutouzov, il fait face avec 17 000 hommes à l’armée russe toute entière durant la glaciale retraite. Réorganisant les débris de la Grande Armée en Allemagne, il en reçoit le commandement en chef lorsque Joachim Murat retourne dans son royaume de Naples et des Deux-Siciles. En dépit des agents bavarois – envoyés par son beau-père Maximilien Ier – qui tentent de l’arracher à l’alliance française en lui promettant le royaume d’Italie s’il rejoint la Coalition, Eugène reste loyal à l’Empereur pourtant dans une situation désespérée. Il combat jusqu’à l’abdication du 6 avril 1814.
Le soulèvement de Milan du 20 avril 1814, ainsi que le lynchage et l’exécution publique du ministre des Finances du royaume Giuseppe Prina, le contraignent à fuir l’Italie et à trouver refuge auprès de sa belle-famille en Bavière. Mis en retrait durant le Congrès de Vienne, il ne rallie pas l’Empereur lors des Cent-Jours et se tient à l’écart de toute activité militaire et politique. À la suite de la défaite de Waterloo du 18 juin 1815, et du retour à l’ordre ancien en Europe, Eugène reçoit le duché de Leuchtenberg de la part de Maximilien Ier. Administrant son duché comme il le faisait pour le royaume d’Italie, Eugène se contente de gérer sa fortune et d’organiser le mariage de ses sept enfants avec d’imminentes familles nobles (l’ainée, Joséphine Maximilienne Eugénie Napoléone (1807-1876), épousera le prince héritier de Suède et Norvège et sera reine de Suède et de Norvège de 1844 à 1859). Il meurt d’une hémorragie cérébrale le 21 février 1824 à Munich, à l’âge de 42 ans. Après de grandioses funérailles, le cercueil d’Eugène de Beauharnais est placé dans l’église Saint-Michel de Munich, où il repose depuis lors, aux côtés des membres de la famille royale des Wittelsbach.
Eymeric Job
Juillet 2019
► Présentation de la biographie de référence sur Eugène de Beauharnais, de Michel Kerautret (2021).