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La guerre franco-« allemande » de 1870-1871

Le 19 juillet 1870, la France de Napoléon III entre en guerre contre la Prusse de Guillaume Ier, alliée à plusieurs états allemands. Ce conflit va provoquer en quelques mois la chute du Second Empire et favoriser la proclamation de la IIIe République le 4 septembre 1870.

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La guerre franco-« allemande » de 1870-1871
Napoléon III et Bismarck le matin après la bataille de Sedan le 2 septembre 1870, d'après W. Camphausen, anonyme © Wikicommons

Pourquoi est-il plus juste de parler de « guerre franco-« allemande » » plutôt que de « guerre franco-prussienne » ?

En 1870, l’État allemand tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existe pas. À la place d’un grand état unifié se trouvent différents états, de tailles variables et de statuts différents (royaumes, grand-duchés, duchés, principautés… même des villes indépendantes). Ces états ont plus ou moins de liens d’alliance entre eux.
Il y a cependant deux groupes qui se distinguent :

  • La Confédération de l’Allemagne du Nord, créée en 1867 et dirigée par le plus grand royaume qui la compose, la Prusse, située au Nord-Est de l’Allemagne actuelle ;
  • Et des États à l’Est et surtout au Sud, plus indépendants les uns des autres.
À gauche : La confédération d'Allemagne du Nord (en bleu clair) et les autres états allemands. À droite : la République fédérale d'Allemagne actuelle
À gauche : La confédération d’Allemagne du Nord (en bleu clair) et les autres états allemands. À droite : la République fédérale d’Allemagne actuelle
→ À noter : On peut voir en comparant les deux cartes que certains territoires ne font plus partie de l’Allemagne actuelle. Par exemple, à l’époque, une partie de la Pologne fait partie de la Prusse (en haut, à droite, sur la carte de gauche).

Dans cette mosaïque, le royaume de Prusse se démarque et domine. Il fait la guerre pour augmenter son territoire, sa population, et donc faire progresser son économie et son armée. Il fait la guerre aussi pour unifier l’Allemagne au détriment de ses voisins :

  • en 1864, au Nord, contre le Danemark : c’est la « la guerre des Duchés » ;
  • en 1866, au Sud, contre l’Autriche.

À chaque fois, la Prusse, et ses alliés de la Confédération de l’Allemagne du Nord qu’elle dirige, sortent vainqueurs de ces guerres et gagnent du terrain. En deux ans, la Prusse gagne 73 000 km2 et 4,3 millions d’habitants.

Les raisons de la guerre et son déroulement

Cette situation inquiète les autres États européens et en particulier la France. Napoléon III est inquiet de ce déséquilibre que crée la Prusse dans l’espace européen. Par conséquent, il proteste farouchement quand la Prusse semble vouloir prendre encore plus de pouvoir sur le continent en 1867. La Prusse propose en effet de mettre sur le trône laissé libre d’Espagne un membre de la famille royale prussienne. L’idée semble abandonnée par le gouvernement prussien mais resurgit en 1870. Le Chancelier (équivalent de premier ministre) prussien Otto von Bismarck (1815-1898) fait croire que l’envoyé de Napoléon III a été mal reçu par le roi de Prusse Guillaume Ier (1797-1888). Son piège fonctionne : après avoir hésité, Napoléon III se laisse convaincre par une partie de son gouvernement de déclarer la guerre à la Prusse le 17 juillet 1870.

Très vite, l’armée de Napoléon III enchaîne les défaites dans l’est de la France. Voici trois étapes importantes :

  • 6 août – Le maréchal Patrice de Mac Mahon (1808-1893) s’engage dans la bataille de Froeschwiller-Woerth. Ses troupes sont mises en déroute. Mac Mahon abandonne l’Alsace aux Allemands. Le même jour, le général Frossart (1807-1875) abandonne la Lorraine.
  • 18 août – Les batailles de Saint-Privat et Gravelotte ont lieu entre 190 000 Prussiens et 115 000 Français. Le combat sanglant se solde par une victoire allemande. Les troupes françaises se replient sur la ville de Metz, forteresse qui résiste encore en Lorraine aux Allemands.
  • 31 août-1er septembre – Défense du village et du pont de Bazeilles (dans les Ardennes, nord-est de la France).

Un tableau célèbre : Les dernières cartouches

Combat à Balan ou La dernière cartouche 1873, par Alphonse Marie Deneuville © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski
Combat à Balan ou La dernière cartouche, par Alphonse Marie Deneuville, 1873 © RMN-Grand Palais / Hervé Lewandowski

Ce tableau a été peint deux ans après la fin de la guerre par Alphonse de Neuville (1835-1885). Il a participé à la défense de Paris pendant les combats et cette expérience l’a profondément marqué. Dans ce tableau, il fait référence à un épisode à la fois glorieux et poignant du conflit. À Bazeilles, dans les Ardennes (nord-est de la France), une cinquantaine de soldats français se sont retranchés dans une auberge et ont tenu tête aux soldats bavarois entre le 30 août et le 1er septembre 1870. Il n’en reste plus qu’une quinzaine quand ils sont obligés de se rendre, par manque de munitions. Pendant cette bataille, plus de 7 500 soldats bavarois meurent dans les combats, ainsi que de nombreux civils.
Le peintre rend l’atmosphère sombre par l’absence de lumière : il n’y a qu’une seule fenêtre au premier plan et on en devine une autre tout au fond. Il ajoute beaucoup de poussière due à la poudre des coups de fusil. En plus de cet aspect étouffant, il multiplie les détails angoissants : fusils, gravats au sol, porte défoncée, … Les personnages sont tous peints dans des positions d’attente et d’angoisse, mais aussi de résistance.
Ce tableau a eu énormément de succès : les gens ont été touchés par le courage des soldats que Neuville a si bien rendu. La peinture restera même très longtemps le tableau le plus cher du monde.

La chute de l’Empire, l’exil de Napoléon III et de la famille impériale

Juste après la bataille de Bazeilles, la situation se dégrade encore. Le 1er septembre a lieu la bataille de Sedan : Napoléon III rentre dans la ville qui possède une forteresse et fait hisser le drapeau blanc pour épargner son armée, prisonnière de la cuvette de Sedan. Le lendemain, 2 septembre, Napoléon III capitule et est fait prisonnier par les Prussiens, avec 104 000 soldats, 413 canons de campagne et 139 de forteresse.
Le 5 septembre, l’Empereur est emprisonné au château de Wilhelmshöhe, près de Cassel en Allemagne. Il y reste jusqu’au 19 mars 1871, puis part en exil en Grande-Bretagne.
Le 8 septembre, l’impératrice Eugénie arrive en Grande-Bretagne après avoir fui Paris deux jours avant. Elle rejoint son fils, le Prince impérial, qui dès l’annonce de la défaite de Sedan a fui par la Belgique pour débarquer avant elle en Grande-Bretagne.

La proclamation de la République et la poursuite de la guerre

En apprenant la nouvelle de la capitulation de Napoléon III, le gouvernement choisit de poursuivre la guerre contre la Prusse et ses alliés. Le 4 septembre, il décide de se dissoudre et de ne plus reconnaître Napoléon III comme son chef de l’État : le Second Empire est fini, et la République proclamée. Un gouvernement provisoire, dit de « Défense nationale » se met en place. Une assemblée doit être organisée et réunie pour rédiger une constitution pour cette IIIe République française (la Première a duré de 1792 à 1804, la Deuxième de 1848 à 1852).

La jeune IIIe République ne parvient pas plus à arrêter les troupes de la Prusse et de ses alliés allemands. Durant tout l’automne, l’armée française se bat sur plusieurs fronts : à l’Est, au Nord, dans le Centre et en Bourgogne.

  • Le siège de Paris commence dès le 19 septembre.
  • Strasbourg (dans le Bas-Rhin, dans l’Est) capitule le 28 septembre.
  • Metz (en Moselle, dans l’Est) capitule le 28 octobre.
  • Thionville (en Moselle, dans le Nord-Est) capitule le 24 novembre ; Amiens, le 27 novembre.
  • Orléans (dans le Loiret, dans le centre de la France) est perdue le 4 décembre.

En janvier 1871, Paris est coupée de toutes les armées qui, depuis la province, auraient pu lui venir en aide. La défaite est inévitable et le gouvernement de Défense nationale doit négocier avec ses ennemis.
Entre-temps, la Prusse et ses alliés du Nord ont négocié avec les états allemands du Sud pour créer un nouvel Empire allemand. Ce dernier est officiellement proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles, occupé par les Prussiens, le 18 janvier 1871.

Une défaite française inévitable et de lourdes conséquences pour le pays

Le 26 janvier 1871, un premier armistice est signé entre la IIIe République française et l’Empire allemand.
Un mois plus tard, le 26 février, des préliminaires de paix sont signés à Versailles. Ce traité prévoit que l’Alsace-Moselle intègre l’Empire allemand et que les soldats allemands entrent dans Paris. Ils le feront du 1er au 3 mars 1871.

Une partie de la population parisienne qui a souffert du siège trouve ces négociations humiliantes. Un soulèvement contre l’armée et le gouvernement de Défense nationale a lieu dans la capitale le 18 mars. Le gouvernement s’installe à Versailles. C’est le début de la Commune de Paris : ce mouvement populaire révolutionnaire entend remplacer à Paris le gouvernement et l’assemblée qui vient d’être élue le 8 février. Il prend fin de manière très violente la semaine du 21-28 mai 1871, la IIIe République réprime dans le sang les insurgés.

Le traité de Francfort est ratifié le 10 mai 1871. Il met fin à la guerre franco-« allemande » de 1870-1871.
Les obligations de la France sont lourdes :

  • l’Alsace, la Moselle, une partie de la Meurthe et des Vosges sont cédées à l’Empire allemand ;
  • la France doit verser une indemnité de 5 milliards de francs-or en trois ans ;
  • le territoire français à cette nouvelle frontière est sous l’occupation allemande pendant deux ans : la dernière place forte française, Verdun, n’est évacuée par les Allemands que le 16 septembre 1873.

► À noter > Le département du Haut-Rhin est cédé à l’Empire allemand, sauf une partie, l’arrondissement de Belfort, qui reste à la France. Ce Territoire de Belfort devient un département français à part entière en 1922.

Nouvelles frontières de la France après le traité de Francfort de 1871 © Wikipedia / Romain0
Nouvelles frontières de la France après le traité de Francfort de 1871 © Wikipedia / RomainO

Napoléon III est mort en exil, le 13 janvier 1873, quelques mois avant la signature du traité de Francfort.
Tout espoir d’un retour à l’Empire est abandonné par les partisans de la famille Bonaparte quand le Prince impérial meurt à son tour le 1er juin 1879.
L’Alsace et la partie de la Lorraine
cédées à l’Empire allemand ne reviennent à la France qu’à la signature du traité de Versailles du 28 juin 1919, à la fin de la Première guerre mondiale.

Marie de Bruchard & Irène Delage, mai 2020

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