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Napoléon III, empereur des Français (1808-1873)

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Napoléon III, empereur des Français (1808-1873)
Portrait en pied de Napoléon III, en uniforme de général de brigade,
dans son Grand Cabinet aux Tuileries, par J.-H. Flandrin, 1861
© RMN-Grand Palais, musée du château de Versailles (site art.rmngp.fr)

Napoléon III est né le 20 avril 1808 à Paris. Prénommé Charles Louis Napoléon, il est le troisième fils de Louis Bonaparte (troisième frère de Napoléon Ier) et d’Hortense de Beauharnais (fille du premier mariage de l’impératrice Joséphine avec le vicomte Alexandre de Beauharnais). Le mariage arrangé de ses parents n’étant pas très heureux, son père Louis, roi de Hollande de 1806 à 1810, vit le plus souvent séparé de sa femme et de leurs fils Napoléon-Charles (né en 1802, il meurt en 1807), Napoléon-Louis (né en 1804, il meurt en 1831) et Charles Louis Napoléon (que l’on appelle simplement Louis-Napoléon).

Après la chute de l’Empire en 1815, les Bonaparte doivent quitter la France. La reine Hortense choisit de vivre en Suisse, au château d’Arenenberg, de 1817 à 1826, puis en Italie à Rome. Elle élève son fils Louis-Napoléon dans la mémoire de l’Empire et dans le respect de la dynastie que Napoléon Ier a établie : qui sait, peut-être que les Bonaparte retrouveront le pouvoir en France ?

Le temps des complots et des coups d’État
En Italie, Louis-Napoléon et son frère aîné Napoléon-Louis se passionnent pour la politique. À cette époque, l’Italie n’est pas un pays unifié et le territoire italien regroupe plusieurs royaumes dont certains dépendent de l’Autriche. Les deux frères Bonaparte participent à des complots organisés par des partisans de l’Unité italienne. En 1831, ils se retrouvent encerclés à Forli (au sud-est de Bologne), où se déclare une épidémie de rougeole. Cette maladie est très grave à l’époque, Louis-Napoléon se rétablit mais Napoléon-Louis en meurt en mars 1831.
En juillet 1832, le fils de Napoléon Ier meurt en Autriche, pays natal de sa mère l’impératrice Marie-Louise où il fut élevé à partir de 1814. Comme ni son père Louis, ni son oncle Joseph, ne veulent reprendre le titre, Louis-Napoléon Bonaparte devient l’héritier de la couronne impériale.

Fort de sa formation militaire (il a écrit un manuel d’artillerie utilisé par l’armée suisse…) et du soutien de partisans bonapartistes, Louis-Napoléon tente deux fois de prendre le pouvoir par la force. Il échoue une première fois à Strasbourg le 30 octobre 1836 et est fait prisonnier. Le roi Louis-Philippe le libère de prison à la condition qu’il parte en exil aux États-Unis !
En août 1837, Louis-Napoléon revient en Suisse pour voir sa mère la reine Hortense mourir quelques mois plus tard, en octobre. Loin de retourner aux États-Unis, il s’installe en Angleterre, à Londres.
En mars 1840, le roi Louis-Philippe accepte que le corps de Napoléon Ier, mort en 1821 en exil à Sainte-Hélène, soit ramené en France pour être enterré à Paris, sous le Dôme des Invalides (la cérémonie a lieu le 15 décembre 1840). Louis-Napoléon pense que c’est le bon moment pour essayer de prendre le pouvoir. Il débarque à Boulogne-sur-Mer dans la nuit de 5 au 6 août 1840, mais c’est encore un échec. Il est condamné à la prison à perpétuité, et emprisonné à la forteresse de Ham, dans la Somme. Emprisonné mais libre de lire, étudier, recevoir des visites : Louis-Napoléon vit dans un véritable petit appartement, son « université de Ham » comme il l’appelle. Il y écrit un livre important, un manifeste politique contre la pauvreté du monde ouvrier, « l’extinction du paupérisme ».
Mais Louis-Napoléon s’évade le 25 mai 1846, et son évasion ressemble à un vrai roman ! Il profite de travaux de rénovation de sa cellule pour s’enfuir : il se déguise en ouvrier et franchit les portes de la prison en portant une grande planche sur son épaule pour cacher son visage. Louis-Napoléon se réfugie à Londres. En juillet 1846, son père Louis Bonaparte meurt en Italie, à Livourne.

La conquête du pouvoir : un Bonaparte président de la République ! (1848-1852)
En 1848, une Révolution fait tomber la monarchie de Juillet et le roi Louis-Philippe. La Deuxième République est établie, avec à sa tête un Président de la République qui doit être élu au suffrage universel masculin (seuls les hommes de plus de 21 ans peuvent voter, mais sans condition de ressources). Le président gouverne avec l’aide d’un conseil des ministres, et une Assemblée nationale législative discute et vote les lois. Soutenu par le parti de l’Ordre, Louis-Napoléon se présente, et le 10 décembre 1848 il remporte les élections avec 74 % des voix. Il devient Président de la République, pour un seul mandat de 4 ans. En 1851, il souhaite changer la constitution pour pouvoir se présenter à nouveau mais l’Assemblée législative refuse. De plus, il n’approuve pas la loi du 31 mai 1850 qui limite le suffrage universel masculin.

Louis-Napoléon décide d’organiser un coup d’État et choisit la date du 2 décembre 1851. C’est une date symbolique importante : le 2 décembre 1804, son oncle Napoléon Ier avait été sacré Empereur, puis un an plus tard, le 2 décembre 1805, remportait la bataille d’Austerlitz.
Le matin du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon proclame la dissolution de l’Assemblée nationale législative, le rétablissement du suffrage universel masculin, et annonce de nouvelles élections. Il a demandé à l’armée d’occuper Paris afin d’empêcher toute opposition. Des Parisiens se révoltent et dressent des barricades, mais l’opposition est bien plus grande en province : plusieurs milliers de personnes sont arrêtées, et beaucoup sont envoyées en Algérie ou en Guyane (beaucoup seront graciées l’année suivante).
Les 20 et 21 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte demande aux Français s’ils approuvent son coup d’État lors d’un plébiscite (les électeurs doivent répondre par oui ou par non à une question). 76% des votants acceptent le coup d’État et confirment ainsi Louis-Napoléon au pouvoir.
En janvier 1852, une nouvelle constitution donne le pouvoir pour dix ans au Prince-Président.
Depuis décembre 1848, Louis-Napoléon loge au Palais de l’Élysée, qu’il quitte en janvier 1852 pour s’installer au Palais des Tuileries.

Napoléon III, Empereur des Français (1852-1870)
Un an plus tard, les 21 et 22 novembre 1852, le Prince-Président demande aux Français d’accepter le retour du régime impérial, ce serait alors le Second Empire. Avec un nouveau plébiscite favorable, Louis-Napoléon Bonaparte devient l’Empereur Napoléon III le 2 décembre 1852.
Pourquoi prend-il le nom de Napoléon III, alors que seul son oncle Napoléon Ier a vraiment régné sur la France ? Après sa défaite à Waterloo le 18 juin 1815, Napoléon Ier a abdiqué le 22 juin en faveur de son jeune fils qui devient Napoléon II. Mais ce dernier n’est jamais vraiment reconnu et le régime impérial est remplacé par le régime monarchique de la Restauration.
Le 30 janvier 1853, Napoléon III épouse Eugénie de Guzman y Palafox, comtesse de Teba, d’origine espagnole. Le 16 mars 1856, naît leur fils unique, le Prince impérial, dit Napoléon-Louis.

Napoléon III gouverne avec l’aide d’un gouvernement constitué de ministres qu’il choisit librement. L’Assemblée des députés s’appelle le Corps législatif : les députés élus pour six ans se réunissent une fois par an pendant trois mois, ils étudient les lois proposées, ils peuvent les rejeter mais pas en proposer de nouvelles. Le Sénat réunit 150 sénateurs, nommés à vie et le plus souvent choisis par l’Empereur. Enfin, le Conseil d’État rassemble des hauts magistrats choisis par l’Empereur pour étudier les nouvelles lois, mais leur avis n’est que consultatif.
Jusqu’en 1860, cette première période de son règne est le plus souvent appelé l’Empire autoritaire. Les députés du Corps législatif sont majoritairement favorables à l’Empereur. L’opposition, républicaine ou monarchiste, n’a pas beaucoup de moyen pour se faire entendre, car la presse est censurée.
À partir de 1860, Napoléon III gouverne de manière plus ouverte, c’est le temps de l’Empire libéral. Le Corps législatif peut proposer de nouvelles lois, demander au gouvernement de justifier ses choix politiques, et des comptes rendus des discussions peuvent paraître dans les journaux. La censure est moins forte, de nouveaux journaux parfois opposés au régime sont créés, et la liberté de réunion est rétablie.

Empereur des Français ? Attention danger !
Des complots pour renverser le régime s’organisent, et des attentats menacent la vie de Napoléon III.
Le plus meurtrier se produit le 14 janvier 1858. Le républicain italien Felice Orsini et trois complices lancent trois bombes contre la calèche impériale alors que Napoléon III et l’impératrice Eugénie se rendent à l’opéra. L’attentat fait 12 morts et 144 blessés. Orsini est arrêté et condamné à mort. Avant son exécution, il écrit à Napoléon III pour le convaincre de soutenir l’instauration d’une république en Italie.

Un Empereur aux intérêts variés, pour une politique moderne
Louis-Napoléon s’est toujours intéressé aux questions sociales, à la pauvreté et au chômage, à l’éducation, à l’économie. Devenu Empereur, il crée les retraites pour les fonctionnaires, favorise les sociétés de secours mutuels ou encore le logement populaire, et autorise le droit de grève en 1864. Avec son ministre de l’éducation Victor Duruy, il rend l’enseignement primaire obligatoire et gratuit, et ouvre l’enseignement secondaire aux filles.
Il se préoccupe de l’essor de l’agriculture, de l’industrie et du commerce, en encourageant la création des banques comme le Crédit lyonnais ou la Société générale qui existent toujours. Napoléon III favorise le développement du chemin de fer, ce qui permet le transport des matières premières pour les usines, celui des marchandises et des personnes. Comme il a vécu longtemps en Suisse, en Angleterre, en Allemagne et aux Etats-Unis, il s’intéresse beaucoup aux relations économiques et politiques entre les pays. Il encourage le commerce en signant en 1860 avec l’Angleterre un traité de commerce du libre-échange, ces deux pays acceptent la circulation des matières premières et des produits sans payer de taxe.
Napoléon III engage aussi de grands travaux pour améliorer la vie dans les villes. Avec le baron Haussmann, préfet de la Seine, l’Empereur transforme Paris qui a 2 millions d’habitants : de grands boulevards sont percés, de somptueux immeubles sont construits tous sur le même modèle. Il souhaite aussi que des logements soient construits pour les ouvriers et leurs familles, et des jardins publics ouverts à tous.

Une politique extérieure inégale : des victoires et des échecs
Napoléon III mène plusieurs campagnes militaires. Dans la guerre de Crimée (1854-1856), la France alliée à la Grande-Bretagne et à l’Empire Ottoman contre la Russie, remporte une victoire qui lui redonne une place importante en Europe. En Italie, Napoléon III soutient les efforts de Victor-Emmanuel II (1820-1878), roi de Piémont-Sardaigne pour unifier l’Italie. Les armées françaises battent les Autrichiens à Magenta (4 juin 1859) et à Solferino (24 juin 1859). En échange de son aide, la France reçoit la Savoie et le comté de Nice (mars 1860).
D’autres opérations sont moins réussies.
Entre 1861 et 1867, Napoléon III tente de conquérir le Mexique pour y installer un régime qui serait favorable à la France et l’aiderait à développer son commerce sur le continent américain. Mais c’est un échec.
L’Empire colonial continue de s’agrandir avec Napoléon III, en Nouvelle-Calédonie (1853), en Afrique (Sénégal, création du port de Dakar en 1857 ; Gabon, 1862), en Asie (campagne de Cochinchine (aujourd’hui le Viêt-Nam), 1858-1862 ; protectorat français au Cambodge (1863-1949). Après une conquête débutée en 1830, l’Algérie est annexée en 1848, et partagée en trois provinces devenues départements français, Oran, Alger et Constantine. La Kabylie est conquise en 1857.

La chute du  Second Empire et l’exil de Napoléon III
Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse, qui tente depuis quelques années de regrouper les États allemands en un empire allemand unifié. Napoléon III, malade, est à la tête d’une armée française mal préparée, et les défaites s’enchaînent. Le 1er septembre 1870, les Prussiens remportent la victoire à Sedan et font prisonnier Napoléon III. À Paris, la IIIe République remplace le Second Empire le 4 septembre.
L’Empereur est envoyé au château de Wilhelmshöhe, en Westphalie (une région d’Allemagne), où il reste jusqu’en mars 1871. Il est autorisé ensuite à se rendre en Angleterre, où il vit dans une petite maison de campagne, Camden Place dans le village de Chislehurst (près de Londres), avec sa femme et son fils. Napoléon III meurt le 9 janvier 1873, après une opération ratée.
En 1881, l’impératrice Eugénie érige une abbaye à Farnborough (à 50 km au sud de Londres) afin d’accueillir plus noblement les dépouilles de Napoléon III et du prince Impérial (mort en 1879) trop à l’étroit dans la modeste église de Chislehurst. L’impératrice y sera aussi enterrée, en 1920. L’abbaye Saint-Michel abrite toujours des moines bénédictins, l’abbaye et la crypte impériale peuvent se visiter.

On l’appelait le Sphinx…
Son entourage le décrit souvent ainsi : Napoléon III est de petite taille, il a la figure forte et longue, les épaules larges et assez tombantes, le tronc fort, les membres inférieurs très courts. Il marche lentement, avec les pieds en dehors, le corps incliné sur le côté gauche. Voilà un portrait physique peu flatteur ! Mais l’empereur a aussi beaucoup de charme et de charisme, il sait séduire son entourage. Ses yeux petits, d’un bleu clair, ont une expression habituelle de bonté, il écoute avec attention et s’intéresse sincèrement aux gens. En privé, il sait être simple et a de l’humour. En public, il maîtrise ses émotions et parle peu, mais devine souvent ce que pense son entourage : son attitude mystérieuse et énigmatique fait penser alors au sphinx, cette créature de la mythologie grecque qui posait des énigmes aux passants et dévorer ceux qui ne savaient pas répondre.
Napoléon III est un grand travailleur, il s’informe et lit beaucoup avant de prendre une décision. Levé à sept heures, il boit une tasse de café et travaille seul jusqu’à neuf heures, puis avec ses ministres jusqu’à onze heures. Il réunit de manière systématique le conseil des ministres dans son ensemble au palais des Tuileries les mardis et samedis matin. Après son déjeuner, il travaille de nouveau ou accorde des audiences. L’après-midi, il monte aussi à cheval ou se rend sur les différents chantiers dans Paris. Avant et après le dîner, il travaille encore. Le soir, il se rend parfois au théâtre ou à l’opéra avec l’Impératrice Eugénie.
Passionné par l’histoire et l’archéologie, Napoléon III crée le musée des Antiquités nationales dans le château de Saint-Germain-en-Laye.

Irène Delage et Nebiha Guiga, février 2016

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