Emmanuel Pénicaut : « La correspondance de Duroc contribue à une meilleure connaissance de l’histoire du Mobilier national » (octobre 2023)

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Chargé de meubler les lieux officiels de la République, le Mobilier national constitue l’héritier du Garde-meuble de la Couronne, disparu sous la Révolution mais recréé en 1800 sous le nom de Garde-Meuble des Consuls, et devenu en 1804 le Mobilier impérial. L’histoire de cette dernière institution vient d’être éclairée par la parution de la Correspondance du grand maréchal du palais de Napoléon Ier, Duroc, éditée par Jean-Pierre Samoyault et Charles-Éloi Vial. Archiviste-paléographe, conservateur général du patrimoine et directeur des collections du Mobilier national et des manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie, Emmanuel Pénicaut présente les collections dont il a la charge, le rôle joué par Duroc dans son histoire et la place du patrimoine napoléonien au sein des collections. (propos recueillis par Irène Delage, cheffe du service Médiation et Documentation numérique de la Fondation Napoléon, octobre 2023).

Emmanuel Pénicaut : « La correspondance de Duroc contribue à une meilleure connaissance de l’histoire du Mobilier national » (octobre 2023)
Emmanuel Penicaud © Thibaut Chapotot

napoleon.org : Pouvez-vous nous expliquer ce que sont les collections du Mobilier national ?
Emmanuel Pénicaut : Héritier du Garde-meuble de la Couronne, le Mobilier national détient une large collection de meubles originellement destinés à l’ameublement des palais royaux, puis impériaux. Cette collection a souffert de la Révolution française, qui a entraîné la suppression temporaire de l’institution et la dispersion quasi-complète de ses richesses. Cependant, les collections ont été reconstituées peu à peu à partir de l’Empire, profitant de la dynamique des travaux lancés par l’Empereur dans ses différents palais ; elles comptent aujourd’hui près d’une centaine de pièces, dont les plus anciennes remontent au XVIIe siècle, et les plus récentes à 2023. En effet, la mission d’ameublement des lieux de pouvoir s’est maintenue à travers le temps et le Mobilier national est toujours chargé de meubler les lieux officiels de la République ; à ce titre, il soutient la création contemporaine française en matière d’arts décoratifs, aujourd’hui comme sous l’Ancien Régime. Aux bureaux, tables, chaises et fauteuils s’ajoutent des décors textiles, objets de lustrerie et de bronze – objets à feu, pendules, lustres, surtout – ainsi qu’une collection extraordinaire de tapis et de tapisseries, issus pour la plupart de la production des manufactures de Beauvais (tapisserie de basse-lice), des Gobelins (tapisserie de haute-lice) et de la Savonnerie (tapis). Fondées au XVIIe siècle, ces manufactures ont été intégrées au Mobilier national en 1935 et sont toujours en activité.

napoleon.org : En quoi le personnage de Duroc est-il particulièrement important dans l’histoire du Mobilier national ?
Emmanuel Pénicaut : En tant que grand maréchal du Palais, Duroc était responsable de la bonne marche des services qui font la vie quotidienne de l’Empereur, et exerçait sur eux une sorte de supervision. Même si son rôle était distinct de celui de l’intendant général de la Maison – Fleurieu entre 1804 et 1805, Daru entre 1805 et 1811, puis Champagny, duc de Cadore – on constate qu’il suivait la quasi-totalité des dossiers de travaux et d’ameublement : sa correspondance est donc remplie de références au Garde-meuble – au directeur duquel il s’adresse fréquemment – ainsi qu’aux production des anciennes manufactures royales. Par sa richesse et son abondance, cette correspondance complète de façon utile les travaux d’Aleth Tisseau des Escotais sur le Garde-meuble sous la Révolution et l’Empire (Paris, CTHS, 2020), et contribue à une meilleure connaissance de l’histoire de notre institution.

napoleon.org : Pouvez-vous nous parler en quelques mots du patrimoine napoléonien au sein des collections du Mobilier national ?
Emmanuel Pénicaut : Les visiteurs de l’exposition « Palais disparus de Napoléon », à l’hiver 2020-2021, ont pu admirer un riche échantillon de ces collections, depuis le salon de réception de Joséphine à Saint-Cloud jusqu’au grand cabinet de l’Empereur aux Tuileries, en passant par les décors de Meudon. L’ambition de l’Empereur pour ses palais ainsi que son désir de soutenir l’industrie française – notamment la soierie lyonnaise – ont conduit le Garde-meuble à acquérir sous l’Empire des quantités innombrables de mobilier et de pièces de textile. Beaucoup de ces meubles sont encore présents dans nos collections, et régulièrement prêtés ou déposés pour des besoins d’ameublement ou d’exposition ; parmi les plus renommés, citons le trône de l’Empereur au Quirinal ou encore sa tente de campagne. Et les souvenirs napoléoniens ne se sont pas arrêtés en 1815, puisque le Mobilier national conserve toutes les pièces textiles – drap de deuil, décors du cercueil – qui ont été confectionnés pour la cérémonie du retour des cendres, en 1840.

► Lire notre entretien avec Jean-Pierre Samoyault et Charles-Éloi Vial sur le travail d’édition de la Correspondance de Duroc (2023, Honoré Champion)

mise en ligne octobre 2023

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