Après achat, la demeure fut rénovée et compta une trentaine de pièces meublées en style Empire. Les riches collections de Joseph Bonaparte vinrent prendre place dans ce musée familial. Jardins et bois de la propriété furent aménagés. Un incendie ravagea cependant Point Breeze le 4 janvier 1820. Entièrement conçue en bois, la maison partit dans les flammes mais le dévouement du voisinage et des serviteurs permit de préserver meubles, statues (par Canova, Bosio ou encore Bartolini), tableaux (dont de célèbres David, Vernet ou encore Rubens), argenteries et biens précieux qui furent restitués au propriétaire.
Ce fut l’occasion pour Joseph de concevoir une nouvelle architecture selon ses vues pour Point Breeze. Entouré par un parc rappelant celui du bien aimé Mortefontaine, un corps de logis de 55 m sur 20 présentait 32 fenêtres aux volets verts sur murs blancs et était accompagné de deux autres bâtiments, l’un servant de logement au gardien à l’entrée du domaine ; l’autre, destiné à accueillir les invités – le frère aîné de Napoléon avait su se créer de nombreuses amitiés parmi la société américaine – puis, plus tard, les enfants et petits-enfants de Joseph et Julie.
Au-delà du grand vestibule d’entrée, décoré de peintures à l’italienne et ouvrant sur la vision d’un grand escalier, se trouvaient, sur la gauche, une salle de billard et un grand salon de 60 m² pourvu de deux cheminées offertes par le cardinal Fesch, l’oncle de Joseph. Sur la droite, une antichambre menait à la salle à manger prévue pour 24 convives. À l’étage se trouvaient une galerie-bibliothèque de 8 000 livres ainsi que deux appartements, pour chaque époux. Celui de Joseph possédait bibliothèque, cabinet de travail, chambre et salle de bain. Au deuxième étage, d’autres chambres étaient distribuées autour de la cage d’escalier pour accueillir les hôtes dans le plus grand confort.
Point Breeze charmait ceux qui le visitaient par la profusion d’œuvres d’art que la demeure abritait :
Dans toute la maison, plus de cent cinquante tableaux formaient ce qu’on appelait « la galerie » avec des Murillo, Titien, Van Dyck, Rubens, Véronèse, Corrège, Léonard de Vinci, Gérard, David, etc. Ajoutons-y des centaines de miniatures, de dessins, de gravures, de lithographies et de petites vues des endroits que Joseph affectionnait (Mortefontaine, Naples, Madrid, …). mais la collection était beaucoup plus importante encore. les Bonaparte étaient tous des collectionneurs compulsifs. parmi eux, Fesch (14 000 tableaux à son inventaire !), Madame Mère et Joseph sortaient du lot, en raison de leurs immenses fortunes et des fonctions qu’ils avaient occupées. Et comme Joseph hérita partiellement des deux autres, on imagine à la tête de quelle collection il fut à la fin de sa vie, en dépit des nombreux cadeaux qu’il fit à ses amis américains ou européens. […] Lorsqu’il n’offrait pas de peinture, il arrivait qu’il remette à ses hôtes de marque ou ses amis des armes, des objets précieux et même des meubles.
Extrait de Joseph Bonaparte, Thierry Lentz (Perrin, 2016)
Respecté par la population locale, apprécié par la bonne société qui venait lui rendre visite, Joseph affectionna énormément son port d’attache américain et la mentalité de son pays d’adoption, jusqu’à ce qu’il quitte définitivement le sol américain en 1839 et meure le 28 juillet 1844 à Florence.
Estimé à 460 000 francs, le domaine de Point Breeze fut légué à Joseph Lucien, fils aîné de Zénaïde et petit-fils de Joseph. Ce dernier précisait dans son testament que Louis Maillard, son secrétaire et homme de confiance, conservait le droit d’y résider jusqu’à sa mort, doté d’une pension annuelle de 2 000 francs.
Racheté en 1850 par Henry Beckett, le domaine fut complètement transformé : la maison de Joseph fut rasée si bien qu’aujourd’hui ne restent du domaine initial conçu par le frère de Napoléon que quelques éléments du parc et le pavillon du gardien.
Ceux-ci doivent faire l’objet d’un réaménagement en vue de la préservation de ce grand espace vert à partir de 2021, financé en partie par l’état du New Jersey qui l’a racheté (cf. ci-dessous).
Panneaux et visites explicatives devraient faire la part belle à l’histoire napoléonienne des lieux.
Aujourd’hui, les vestiges des collections de Joseph Bonaparte n’ayant pas été léguées à des tiers, membres de la famille ou particuliers, se trouvent à l’Athenaeum de Philadelphie.
Marie de Bruchard, février 2021
Sources :
– Joseph Bonaparte, Thierry LENTZ (Perrin, 2016)
– « Point Breeze: Joseph Bonaparte’s Estate in New Jersey », article de John J. Tackett, The Devoted Classicist, 2021
À lire sur napoleon.org : « La retraite de Joseph Bonaparte en Amérique », un article de Patricia TYSON STROUD
Restauration du domaine de Point Breeze envisagée à partir de 2021 (articles en anglais)
- The former King of Spain was a Jersey guy, and his Bordentown estate is being turned into a park
- Mayor calls former Bonaparte estate becoming a state park a ‘once in a lifetime opportunity’ for Bordentown City
- Napoleon’s Brother Lived in N.J. Here’s What Happened to the Estate
- New Jersey estate of Napoleon’s brother Joseph Bonaparte – the ex-king of Spain who fled to the US after Waterloo – is sold for $4.6M and will be turned into a public park