Napoléon Bonaparte. L’Empire des livres

L’avis de la Fondation Napoléon

Napoléon et les livres. S’il existe d’excellentes études dont celles de Charles-Éloi Vial, Napoléon et les bibliothèques parue en 2021 et du regretté Jacques Jourquin, La dernière passion de Napoléon. La bibliothèque de Sainte-Hélène, le sujet restait cependant encore à explorer. Comprendre ce que Napoléon lisait revient à comprendre à la fois son parcours, son action mais aussi sa conduite. En effet, toute sa vie, il ne cessa de puiser aux meilleures sources pour non point copier mais afin de trouver l’inspiration en adaptant, combinant, synthétisant les pensées d’une pléiade d’auteurs.

Mais pour l’expliquer et surtout le démontrer, il ne suffisait pas de seulement recenser tout ce qu’il avait lu ou comment il organisait ses lectures, ce qui constitue déjà un immense travail, fallait-il encore lire l’ensemble des œuvres que son esprit aussi agile que puissant avait parcouru, travaillé et approfondi. Cette considérable lecture, Louis Sarkozy s’est donné la peine de la faire, parfois même plusieurs fois. C’est l’une des grandes originalités du livre qu’il nous propose. De Plutarque à Rousseau, en passant par l’abbé Raynal ou Guibert, la vie de Napoléon est ainsi revisitée, éclairée par le prisme du livre, par cet auteur qui a tout lu et relu.

Sur sa première inspiration, sans doute la plus déterminante, l’analyse de la substance de l’œuvre de Plutarque, Vies parallèles des hommes illustres, effectué par Louis Sarkozy, nous apprend beaucoup. En s’intéressant avant tout au caractère des grands personnages, tels Alexandre et César pour ne citer qu’eux, Plutarque démontra au jeune Bonaparte avec quelle puissance la volonté alliée aux talents d’un seul homme pouvait changer en profondeur le cours de l’histoire.

Convaincu qu’il pouvait être l’un de ces hommes, Napoléon afficha très tôt une extrême confiance en lui qui étonna ses contemporains. Avent qu’il ne prenne le commandement de l’armée d’Italie, tous ceux qui croisèrent sa route furent frappés par son absolue certitude de triompher. Et pourtant, il n’avait jamais commandé d’armée, ni même dirigé une bataille, ne s’étant distingué que comme artilleur. Pour jouir d’un tel capital de confiance, certes il croyait en lui mais il avançait aussi fort des exemples probants issus de ses lectures. Comme si au fond, déjà vérifiés, ses calculs étaient imparables, ce qui lui promettait le succès.

Plutarque lui avait montré la voie à suivre. Le penseur militaire Guibert avec son fameux Essai général de tactique lui offrit les clefs pour vaincre. Pour mieux connaître le terrain sur lequel il allait déployer son art de la guerre, il avait tout lu ou presque sur l’Italie et ses guerres. L’une de ses toutes premières lettres en tant que général en chef de l’armée d’Italie fut d’ailleurs destinée au Conservateur de la Bibliothèque nationale pour lui demander tout ce qui existait sur les campagnes militaires dans la péninsule, cartes et mémoires. Grâce aux Mémoires de Maillebois, il sut par exemple quel terrain choisir pour manœuvrer entre les armées autrichiennes et piémontaises avant de les vaincre séparément.

L’ouvrage de Louis Sarkozy n’est donc pas un livre de circonstance mais un travail de fond qui mérite d’être lu pour ses qualités propres.

Pierre Branda, directeur scientifique de la Fondation Napoléon (mai 2025)

► Voir l’interview de Louis Sarkozy à propos de son ouvrage