Stendhal, romancier et témoin de l’épopée napoléonienne
Lorsqu’on se penche sur la vie du romancier Henry Beyle, le vrai nom de Stendhal, on y retrouve autant d’intensité et d’aventures que dans celles de ses héros, comme Fabrice del Dongo, le héros de son dernier grand roman, « La Chartreuse de Parme ». Témoin privilégié des campagnes napoléoniennes pendant plus de 10 ans, Stendhal fut un admirateur de Napoléon, lui consacra plusieurs écrits et s’inspira de l’épopée napoléonienne pour croquer personnages et paysages dans ses romans. Juliette Quenot nous donne les clés pour comprendre l’œuvre de Stendhal. (durée 8 min 28)
Napoléon/Chateaubriand : l’impossible alliance de deux génies irréductibles
Napoléon et Chateaubriand sont tous les deux hommes politiques et hommes de lettres, chacun à leur manière. Napoléon est un politique de génie, profondément nourri de littérature. Certains disent qu’il aurait aimé être écrivain, mais le destin lui a réservé d’autres gloires. Chateaubriand, lui, aurait voulu être aux premières loges des bouleversements politiques de son époque. S’il s’est révélé être un piètre diplomate, la postérité se souvient de lui comme un géant littéraire. Deux hommes aux personnalités complémentaires ? Chateaubriand aurait rêvé que leurs talents fassent alliance et qu’ils gouvernent ensemble. Pour autant, quand on lit les « Mémoires d’outre-tombe », publiées après la mort de Chateaubriand, on est frappé par la virulence de l’auteur, qui accable très lourdement l’Empereur. Juliette Quenot explore cette relation tumultueuse. (durée : 6 min 52)
► « La Confession d’un enfant du siècle » : Alfred de Musset, un romantique nostalgique de l’Empire
« La Confession d’un enfant du siècle » raconte l’histoire d’Octave, jeune homme qui se perd dans une vie de débauche à la suite d’une déception amoureuse. Il s’agit d’un roman d’inspiration autobiographique d’Alfred de Musset (1810-1857), publié en 1836. Certains certains passages font écho à sa liaison orageuse avec l’écrivaine George Sand (1804-1876), et au « mal du siècle » qui touche sa génération, enfant sous l’Empire et nostalgique des gloires impériales :
« Alors il s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tous ces enfants étaient des gouttes d’un sang brûlant qui avait inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre. Ils avaient rêvé pendant quinze ans des neiges de Moscou et du soleil des Pyramides ; on les avait trempés dans le mépris de la vie comme de jeunes épées. » (durée 6 min 08)
► Les mots de combat de Victor Hugo contre Napoléon III
En 1851, Victor Hugo est recherché par la police. Sa tête est mise à prix. On promet 25 000 francs pour celui qui le capturera.
En 1885, il meurt à 83 ans en héros républicain. Le gouvernement organise des funérailles nationales, qui réunissent plus de 2 millions de personnes. Depuis, il repose au Panthéon.
Que s’est-il passé entre ces deux dates ? En 1851, le Prince-Président Louis-Napoléon Bonaparte fait un coup d’État qui renverse la IIe République. Le Second Empire proclamé en 1852 s’effondre en 1870, permettant l’avènement de la IIIe République. Victor Hugo s’est engagé dans une infatigable résistance contre Louis-Napoléon Bonaparte devenu Napoléon III. Il est l’un des plus célèbres, et peut-être l’un des plus fracassants dissidents du régime d’un Empereur, qu’il juge pâle copie de son oncle Napoléon Ier. Juliette Quenot explore l’œuvre de Victor Hugo afin de mettre à jour ses mots de combat. (durée 8 min 31)
« Madame Bovary », ou le procès Flaubert pour « outrage à la morale publique » du Second Empire
L’année 1857 est marquée par trois procès contre des hommes de lettres. Soutien de longue date de Napoléon III, le procureur impérial Ernest Pinard requiert contre trois auteurs, pour “outrage à la morale publique » et « aux bonnes mœurs” : Gustave Flaubert, pour son roman « Madame Bovary », Charles Baudelaire, pour son recueil « Les Fleurs du Mal », et Eugène Sue, pour son roman « Les Mystères de Paris ».
Le procureur Pinard accuse Flaubert d’attenter à la décence publique et de n’offrir aucune conclusion morale explicite aux turpitudes de son héroïne, dont le mariage et la vie en province l’ont plongée dans l’ennui et l’adultère et l’ont conduite au suicide. L’auteur aurait imaginé une Emma Bovary trop sensuelle, notamment sujette à des extases suspectes dans les églises. Il aurait décrit avec trop de complaisance des scènes lascives, comme lorsqu’il s’attarde sur “le lacet mince de son corset, qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse”.
Un autre aspect de l’œuvre dérange fortement une partie de l’opinion publique. Le personnage d’Emma fait partie d’une fresque sociale, dont Flaubert dresse un portrait peu amène en soulignant l’étroitesse d’esprit de ses membres.
Grâce à la brillante plaidoirie de son avocat, maître Antoine Senard, un opposant politique à l’Empire, Flaubert n’est pas condamné, mais il reçoit un blâme “pour le réalisme vulgaire et souvent choquant de la peinture des caractères.” Ce blâme blessera réellement l’auteur. Baudelaire et Sue, eux, sont condamnés.
► Napoléon III et le Second Empire sous le microscope d’Émile Zola : la fresque des « Rougon-Macquart »
On dit parfois que pour comprendre le Second Empire, il faut lire Émile Zola. En effet, ce dernier a donné vie à une immense fresque romanesque, « Les Rougon-Macquart », qui dépeint la société du Second Empire de façon détaillée et foisonnante. Attention néanmoins, c’est un peu corrosif ! Car derrière l’expérimentation littéraire de l’écrivain naturaliste, le projet de Zola comporte aussi une dimension de charge politique. Fort de ses opinions politiques, si Zola aurait pu accueilli favorablement Louis-Napoléon Bonaparte à la président de la IIe République en décembre 1848, il ne pouvait que devenir l’un des plus forts opposants après le coup d’État en décembre 1851 et le rétablissement de l’Empire un an plus tard, opposition traduite dans son œuvre romanesque. (durée 6 min 28)
En complément, à lire sur napoleon.org :
► un article : « Le Paris d’Haussmann : la transformation d’une ville »
► un conseil de lecture de deux BD : « La Curée » et « Pot-Bouille », par Éric Stalner et Cédric Simon
► La Curée d’Émile Zola, danse funeste des millions et des passions interdites sous le Second Empire
“La Curée est la note de l’or et de la chair.” Voici comment Émile Zola résume son roman paru en 1871, dans sa première préface. 𝐿𝑎 𝐶𝑢𝑟𝑒́𝑒 est le deuxième volume des Rougon-Macquart, sa grande fresque naturaliste ayant pour toile de fond le Second Empire. Il s’attaque aux affairistes et aux fortunes rapides, qui ont su profiter des grands travaux de modernisation de Paris, voulus par Napoléon III et conduits par son préfet de la Seine, le baron Haussmann. Le roman paraît d’abord en feuilleton dans la presse et provoque un immense scandale : dépravation morale, sexualité débridée et affairisme cynique sont au cœur du récit.
Auteur naturaliste, qui cherche à montrer des lois de causalité, sociales et biologiques, dans les destinées de ses personnages, Zola mêle deux intrigues dans ce roman. D’une part, la passion amoureuse interdite de Renée et Maxime Saccard, qui constitue une réécriture explicite du mythe de Phèdre. D’autre part, la course aux millions d’Aristide Saccard et de
ses associés, véritable affairiste qui profite des travaux haussmanniens pour s’enrichir de façon malhonnête. La “curée” est un terme de vénerie qui désigne la portion d’une bête que l’on laisse aux chiens de chasse, ces chiens dont, par analogie, Aristide serait un exemple.
► Le voyage de Monsieur Périchon, d’Eugène Labiche (1860)
Le bourgeois est sans nul doute le personnage-type du 19ème siècle. Un auteur de cette époque l’a croqué en portrait avec un grand brio : c’est Eugène Labiche. On pourrait même dire que Labiche fut au règne de Napoléon III ce que Molière avait été à celui de Louis XIV. Comme chez Molière, l’intrigue théâtrale permet à Labiche de peindre avec drôlerie les mœurs contemporaines. Avec 𝘓𝘦 𝘝𝘰𝘺𝘢𝘨𝘦 𝘥𝘦 𝘔𝘰𝘯𝘴𝘪𝘦𝘶𝘳 𝘗𝘦𝘳𝘳𝘪𝘤𝘩𝘰𝘯 la destination alpine du riche carrossier parisien et de sa famille n’est qu’un prétexte ; la pièce de vaudeville est davantage un voyage au cœur du Second Empire. (durée 6min43)
mise en ligne 5 juin 2023, dernière mise à jour 17 janvier 2024