Jeux de carte
Facile à transporter, les jeux de cartes sont très régulièrement pratiqués dans les camps et les estaminets.
Influencés par les origines géographiques diverses des soldats de la Grande Armée, les règles et les jeux les plus variés sont utilisés. Quelques jeux sont courants et partagés par le plus grand nombre, qu’ils veuillent se distraire ou jouer de l’argent. Les jeux en vogue sont les mêmes que dans la société civile. Pion des Loches joue au piquet (considéré comme très amusant), Elzear Blaze à la bouillotte (inventée sous le Directoire), les officiers au Reversi (jeu auquel Napoléon triche à Sainte-Hélène).
La Petite académie des jeux, publiée en 1817, donne les règles des jeux les plus en vogue sous l’Empire, joués dans le civil comme par les militaires.
Le jeu de la drogue
Le jeu de la drogue est le plus populaire et certainement le plus représenté. Joué par « ceux qui n’ont ni argent ni crédit ou qui du moins ne se soucient pas de les risquer sur une carte »[1], comme l’explique Girod de l’Ain, il est très répandu et occupe les soldats en garnison comme en campagne.

Joué avec des cartes classiques, le jeu de la drogue tire son nom de la pièce de bois en forme de fourche (ressemblant à une pince à linge) destinée à coiffer le nez du perdant de chaque tour. Fabriqués par les soldats, plusieurs bâtonnets peuvent s’empiler sur le nez du malchanceux formant ainsi une petite pyramide. Lorsqu’elles sont trop nombreuses, les drogues peuvent se porter aux oreilles, les fumeurs pouvant porter la pince à la pipe tant que celle-ci est allumée. Le joueur malheureux est forcé de conserver ces attributs jusqu’au retour de la fortune. Cette petite pince plus ou moins serrée faisait faire des grimaces aux malchanceux, permettant aux gagnants de se moquer copieusement du ou des perdants. De là l’idée de faire de cet instrument une peine militaire infamante comme le rapporte L’argus des théâtres du 29 mai 1852.

Très populaire dans toute l’armée, ce jeu reste en vogue dans les casernes, les camps mais également dans le civil durant tout le XIXe siècle.

Anciennes, les règles se sont transmises oralement. Le lieutenant Chevalier explique dans ses mémoires que « le noble jeu de la drogue […] se joue à quatre, deux contre deux ; les valets sont les maîtres ou Mandrins, celui de trèfle est le gros Mandrin. On ne peut compter de cartes sans valets. Ceux qui perdent, portent sur le nez un morceau de bois nommé « la drogue », ceux qui trichent portent deux drogues. Celui qui n’a pas de Mandrin perd. On peut y ajouter les coups de tampon. Ce jeu a de l’action et divertie beaucoup les soldats. »
Au début du XIXe, il existe plusieurs variantes de règles. En 1824, la librairie Gide fils vend des règles imprimées à destination des enfants.

En 1836, des règles sont publiées par deux capitaines. Après une enquête et des dizaines de parties effectuées en 1830 à l’hôpital de Bourbonne-les-Bains, les deux militaires ont entrepris de rédiger une manière de jouer qui faisait consensus, et surtout était en cours dans les armées. Dans leur publication, auprès de vieux soldats, en plus des règles ils synthétisent la manière de jouer ainsi que le vocabulaire qui entoure le jeu de la drogue. Pour ne pas choquer, les expressions les plus fleuries sont réduites à une initiale derrière laquelle on devine des expressions de corps de garde. Par exemple, Défiler la parade se dit au moment de donner les cartes, moment où ceux qui portent une ou des drogues peuvent les retirer et parler… Au moment de commencer le jeu, un « Aux armes ! » retentit et le silence doit se faire, et les malchanceux de chausser l’attribut de leur mauvaise fortune ! Enfin, être « courte queue » ou « c… de bouc » se dit de ceux qui, n’ayant pas fait assez de points, doivent mettre une drogue sur le nez !
Télécharger les règles du jeu de la drogue
Juillet 2019