Portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle de l’Aiglon

Artiste(s) : CHARTRAN Théobald
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Sarah Bernhardt est incontestablement l’actrice la plus reconnue voire adulée de la Belle Époque en France. Outre son talent, unanimement célébré, elle a légué un autre héritage : celui d’avoir porté le personnage principal de la pièce éponyme L’Aiglon, d’Edmond Rostand, à la postérité par son interprétation troublante de fragilité.

Portrait de Sarah Bernhardt dans le rôle de l’Aiglon
Sarah Bernhardt dans le rôle de l’Aiglon, Theobald Chartran, 1900
© Villa Arnaga, Musée Edmond Rostand, Cambo-les-Bains

Écrite par le dramaturge Edmond Rostand, la pièce est représentée pour la première fois le 15 mars 1900 au Théâtre Sarah-Bernhardt (aujourd’hui Théâtre de la Ville, place du Châtelet). Le rôle-titre est tenu par Sarah Bernhardt, travestie pour l’occasion. La prestation de l’actrice, encensée par le public et par la presse est louée pour la sensibilité extrême de son jeu dans les mouvements de bravoure du drame. On s’accorde sur l’adéquation entre le rôle, l’emploi tragique de l’actrice et le personnage imaginé par Edmond Rostand. L’Aiglon marque une nouvelle étape dans la légende de l’artiste. Désormais le personnage lui sera assimilé.
Écouter un extrait de L’Aiglon avec Sarah Bernhardt dans le rôle-titre

Cette lumineuse peinture à l’huile de Théobald Chartran (1849-1907) immortalise la grande actrice dans son rôle. Elle a été donnée par Jean Rostand (fils cadet d’Edmond Rostand) en 1962 au Musée Edmond Rostand.
Théobald Chartran peint le « monstre sacré », expression inventée par Jean Cocteau pour Sarah Bernhardt, cheveux roux coupés courts, portant un costume créé par le grand couturier Paul Poiret imitant l’uniforme blanc porté par le fils de Napoléon Ier sur l’un des portraits les plus connus du duc de Reichstadt.

Le duc de Reichstadt par Michaël Weixelbaum d'après Moritz Michael Daffinger, 1834 <br>© Museum der Stadt Wien, Vienne
Le duc de Reichstadt par Michaël Weixelbaum d’après Moritz Michael Daffinger, 1834
© Museum der Stadt Wien, Vienne

Un long manteau cape blanc tombant négligemment depuis l’épaule gauche, des bottes noires montant aux genoux, une large ceinture dorée complètent l’apparence théâtrale de celui qui ne fut Napoléon II que quelques jours en 1815. Le bras droit de Sarah Bernhardt s’appuie sur un socle sur lequel repose son bicorne. Elle tient à la main son stick. Sa main gauche est posée sur la poignée de son épée. Cette posture n’est pas sans rappeler les poses des souverains pour leurs portraits en pied officiels.
Le tableau très réaliste capte parfaitement l’émotion et la beauté de Sarah Bernhardt. La pose et l’expression du modèle sont pleines de noblesse et de dignité. La peinture reflète la force et la grâce de l’actrice. En haut à droite, figure une dédicace de Théobald Chartran du 11 novembre  1901 : « À Edmond Rostand, Souvenir de notre grande Sarah ». Le tableau est signé par le peintre en bas à gauche en date du 11 novembre 1900.
Tombé dans l’oubli, ce peintre d’histoire, de scènes de genre et de portraits connut pourtant son heure de gloire. Théobald Chartran est un des principaux représentants de la peinture académique de la fin du XIXe siècle. Élève de Cabanel, il commence à exposer au Salon en 1872, obtient le Grand Prix de Rome en 1877 avec une œuvre historique, « Prise de Rome par les Gaulois », et une deuxième médaille au Salon de 1881. Enfin, il se voit attribuer une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1889.  Il avait le don de travailler vite et plutôt bien. Sa technique, quoique sans génie, était irréprochable.

Cette toile de grande dimension est un excellent exemple de l’art de Théobald Chartran et de son travail avec la lumière. La composition est très bien équilibrée et les couleurs choisies sont très subtiles. La force et la grâce de la scène sont mises en avant  par le choix des couleurs et par la précision des détails. Théobald Chartran était très attentif à la lumière et à ses effets dans ses compositions, car elle était un moyen pour lui de donner de la profondeur et du mouvement à ses tableaux. Il s’efforçait de capturer la lumière naturelle de manière réaliste et de l’utiliser pour donner à ses tableaux une atmosphère plus riche et plus vivante. Il a utilisé des lumières d’ombre et de contre-jour pour créer des effets dramatiques et pour souligner les formes et les textures des objets qu’il peignait. Il a également utilisé des lumières douces et des lumières directes pour créer des atmosphères plus lumineuses et plus sereines. La lumière était un outil essentiel qu’il utilisait pour raconter une histoire et faire vivre ses personnages.
Par l’antagonisme entre une lumière douce et diffuse et un fond sombre et nuageux, ce tableau capture parfaitement la personnalité flamboyante de Sarah Bernhardt : rien ne peut obscurcir la lumière qui brille en elle et qui l’anime.

Olivier Aubriet
Mars 2023

Docteur en Pharmacie, Maîtrise en Sciences biologiques et médicales, HEC, Sciences Po, Olivier Aubriet travaille depuis 25 ans dans l’industrie pharmaceutique à différentes fonctions. Passionné et collectionneur de l’œuvre et de l’univers d’Edmond Rostand, grand donateur pour le Musée Edmond Rostand et la Fondation Napoléon, membre du cercle des Ambassadeurs de la Fondation Napoléon,  il s’investit depuis de nombreuses années pour un patrimoine culturel partagé et accessible à tous. Sur napoleon.org, il est auteur d’une chronique à l’occasion des 100 ans de la mort de Sarah Bernhardt.

► Tableau donné à voir du 14 avril au 27 août 2023 au Petit-Palais dans l’exposition Sarah Bernardt. Et la femme créa la star proposée par le musée à l’occasion des 100 ans de la mort de l’actrice, survenue le 26 mars 1923.

Pour aller plus loin : L’art du théâtre : la voix, le geste, la prononciation, par Sarah Bernhardt, La Coopérative, 2017

Date :
1900
Technique :
Huile sur toile
Lieux de conservation :
Villa Arnaga/Musée Edmond Rostand
Crédits :
© Villa Arnaga/Musée Edmond Rostand
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