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Le sacre de Napoléon Ier

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Le sacre de Napoléon I<sup>er</sup>
Sacre de l'empereur Napoléon et couronnement de l'impératrice Joséphine
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) Hervé Lewandowski

Voici l’un des épisodes les plus connus de l’histoire de Napoléon Bonaparte ! Ce moment de gloire symbolise toute la réussite d’un seul homme : passer du statut de général corse à celui d’empereur des Français. Mais à quoi correspond exactement cet événement ?

Qu’est-ce qu’un sacre ?

Un couronnement est un événement symbolique pendant lequel une population reconnaît le pouvoir d’un homme sur elle pour la gouverner. Le sacre est une cérémonie religieuse par laquelle le pouvoir religieux sur Terre, représenté par le Pape ou un évêque, reconnaît l’autorité de cet homme sur la population qu’il gouverne.

Jean Fouquet,  Grandes Chroniques de France - Sacre de Charlemagne en 800 en tant qu’empereur des romains par le pape Léon III © Wikipedia.
Jean Fouquet,  Grandes Chroniques de France – Sacre de Charlemagne en 800 en tant qu’empereur des Romains par le pape Léon III © Wikipedia.

Napoléon admirait beaucoup la figure de Charlemagne et s’en inspire pour son propre sacre

 Pourquoi Napoléon veut-il être sacré ?

Le 2 décembre 1804, Napoléon est déjà empereur des Français depuis le 18 mai et la publication d’un texte officiel (appelé sénatus-consulte), c’est-à-dire sept mois !
Si Napoléon veut être sacré, c’est dans un but politique :

  • il veut s’inscrire dans la longue lignée des empereurs et des rois en Europe et en France, notamment Charlemagne qui a été sacré par le Pape le 25 décembre 800, et gagner en prestige auprès des rois des pays voisins ;
  • il demande au Pape Pie VII de venir à Paris pour le sacrer à Notre-Dame, afin de donner un gage de réconciliation aux catholiques français après le bannissement de cette religion par la Révolution française.
Jacques-Louis David, Jacques Louis David (atelier de) - Pie VII en 1805 © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau) Gérard Blot
Jacques-Louis David, Jacques Louis David (atelier de) – Pie VII en 1805 © RMN-Grand Palais (Château de Fontainebleau)  Gérard Blot.

Ce portrait de Pie VII par le peintre David est connu pour refléter avec beaucoup de précision le caractère de Pie VII, dont le regard franc et droit montre la détermination. Le léger sourire atténue le côté acéré de ce regard pour mettre en valeur l’une des vertus revendiquées par le Pape : la bienveillance. Pie VII sera acclamé par la population française durant son voyage comme lors de son arrivée à Paris, quatre jours avant le Sacre.

 Le Pape Pie VII, sinon personne

Être sacré par le Pape lui-même, et non par un évêque, est un symbole fort pour Napoléon car  les rois qui l’ont précédé n’ont pas été sacrés par un pape. Il tient aussi à ce que Pie VII lui-même le bénisse car les relations entre la France et le Vatican (État dirigé par le Pape, depuis le mont Vatican à Rome, autrement dit le Saint-Siège) ont été tendues entre 1796 et 1800. En effet, la République française a envahi les États pontificaux et fait prisonnier le prédécesseur de Pie VII, Pie VI. Ce dernier est même mort en France.

En 1800, Bonaparte a fait rétablir le nouveau pape, Pie VII, dans ses Terres pontificales en Italie mais il en a amputé une partie. Il lui a proposé en 1801 un accord, le Concordat, qui réaffirme l’autorité du pape sur les églises françaises. Le catholicisme reprend sa place de première religion en France, mais sans redevenir religion de l’État comme sous la monarchie de l’Ancien Régime.

Cette nouvelle position aurait dû apaiser les relations entre la France et le Vatican mais moins d’un an après la ratification du Concordat, Bonaparte le complète avec des articles décidés uniquement par la France : l’autorité du Pape s’arrête là où commence celle de l’État français.

Napoléon veut donc que Pie VII le sacre pour clore définitivement ce débat : si Pie VII vient, c’est qu’il reconnaît les termes de ce nouveau « contrat ». Pie VII accepte de venir sacrer Napoléon, mais dans l’espoir de renégocier ces articles.

 La préparation du sacre

Si la plupart des rois de France ont été sacrés à Reims, Napoléon décide que la capitale et la cathédrale Notre-Dame conviendront mieux comme théâtre de la cérémonie, notamment parce que l’édifice religieux peut contenir près de 20 000 personnes et les abriter de l’éventuel mauvais temps du 2 décembre, date retenue pour le grand jour. On dégage alors la cathédrale des constructions voisines pour accueillir une grande place et permettre aux Parisiens de se rassembler pour assister à l’événement.

Ces préparatifs vont être accomplis dans un temps record : trois mois ! Bientôt, tous les artisans ouvriers, couturiers, brodeuses et bijoutiers de la ville travaillent en vue du Sacre, notamment sur les costumes de Napoléon, Joséphine et de la famille impériale mais aussi sur ceux des grands dignitaires (les maréchaux  – par exemple – Moncey, Sérurier ou Murat ; le grand chambellan Talleyrand ; les ministres en rang par quatre…) qui sont invités. Les brodeurs parisiens n’ont bientôt plus assez de main d’œuvre et font appel à celle de Lyon, ville réputée pour ses métiers textiles, pour répondre aux commandes.

Un carrosse est conçu spécialement pour la cérémonie : il est couvert d’or et tapissé de velours blanc à l’intérieur, de velours vert où sera brodée l’initiale N de Napoléon à l’extérieur, et surmonté d’une couronne d’or portée par quatre statues d’aigles. Le luxe est partout et le cortège comptera une quarantaine de carrosses. Les chambres et les balcons voisins de Notre-Dame ont même été loués par des spectateurs qui ne veulent rien manquer du cortège !

Une cérémonie longue, très longue…

Dès minuit, le sacre est annoncé par des salves de canons et les cloches sont sonnées à 6h du matin. Le jour venu, 12 000 invités se pressent sur le parvis de la cathédrale. Le 2 décembre 1804 est un jour froid, sans soleil. Il a même neigé toute la nuit du 1er au 2 décembre.
Le matin, entre 10h et 11h, peu de gens sont dehors pour voir le cortège quitter le palais des Tuileries et se rendre à Notre-Dame. Tout le monde est un peu en retard mais Napoléon a minutieusement réglé la cérémonie, et une maquette avait permis à chacun de repérer sa place dans l’église.
Le couple impérial entre dans le chœur de la cathédrale peu avant midi : la cérémonie peut commencer et le pape Pie VII prononce les formules consacrées. La cérémonie dure environ trois heures encore et les invités grignotent ou boivent discrètement pour se réchauffer.

 

Le Serment, par Fontaine © Fondation Napoléon, Patrice Maurin Berthier
Le Serment, par Fontaine © Fondation Napoléon, Patrice Maurin Berthier

Une des étapes du Sacre : Napoléon lève la main droite pour prêter le serment qui l’oblige à respecter la Constitution

Le geste fort à retenir : Napoléon se couronne lui-même

Contrairement à la coutume, Napoléon saisit la couronne reposant sur l’autel et fait le geste de la déposer sur sa tête. Puis il procède de même pour couronner Joséphine : c’est ce moment que le peintre David choisira de représenter dans son imposant tableau, Le Sacre. Ce geste symbolique montre le pouvoir politique mais aussi spirituel que Napoléon entend détenir, au détriment du Pape Pie VII.

Jacques-Louis David - Le Sacre de Napoléon Ier - détail Napoléon+Joséphine
Jacques-Louis David – Le Sacre de Napoléon Ier ©  RMN-Grand Palais (détail)

Après avoir posé sur sa tête la couronne de lauriers en or, Napoléon couronne Joséphine, impératrice des Français, toujours en présence de Pie VII (assis juste derrière eux).

Un mois de fêtes après le Sacre

Le cortège du retour vers le palais des Tuileries traverse des quartiers aux rues décorées de fleurs et de lampions, et le couple impérial est acclamé par une foule enthousiaste. Pendant tout le mois de décembre, Paris est en fête : réceptions et cérémonies officielles se succèdent. Le 5 décembre, au Champ-de-Mars, Napoléon remet aux représentants de l’armée les Aigles*. Des manifestations populaires sont organisées à Paris et dans tout l’Empire, avec chars de musiciens et bals, spectacles forains, lâchers de ballons et feux d’artifices, ainsi qu’une distribution de médailles avec le visage de l’Empereur des Français.

Rotonde décorée de tapisseries, accueillant les invités lors de leur arrivée à Notre-Dame, par Fontaine © Fondation Napoléon - Patrice Maurin Berthier
Rotonde décorée de tapisseries, accueillant les invités lors de leur arrivée à Notre-Dame, par Fontaine © Fondation Napoléon – Patrice Maurin Berthier

 

* Le sais-tu ? L’aigle ici ne désigne pas l’animal vivant mais une représentation de l’animal pour illustrer un symbole militaire. Dans ce cas, on parle d’une aigle et non d’un aigle.

© Fondation Napoléon
© Fondation Napoléon

Marie de Bruchard, mars 2017

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