La route des écrivains

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Les écrivains ont largement contribué à la Légende napoléonienne : Chateaubriand, Balzac, Zola, Michelet, Hugo ... Tout en relisant vos classiques, découvrez leurs demeures transformées en musées.
La route des écrivains
Nadar (atelier de) (1871-1939) Victor Hugo se tenant la tête 1878 Photo (C) Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Atelier de Nadar
  • Introduction

    À travers une ballade en Ile-de-France et en Haute-Normandie, cet itinéraire est une invitation à redécouvrir quelques uns des plus grands écrivains du XIXe siècle. Loin de vouloir dresser un tableau des mouvements littéraires sous le Premier et le Second Empire, ce parcours est prétexte à évoquer des auteurs dont les oeuvres furent composées lors de ces périodes ou bien inspirées par elles. Pas d’histoire littéraire donc, mais une flânerie au gré des maisons d’écrivains encore existantes et aujourd’hui transformées en musées.

    L’itinéraire est prévu pour être réalisé en trois jours. La première de ces journées est consacrée à deux écrivains liés au Premier Empire, l’un, Chateaubriand, l’opposant le plus célèbre de Napoléon et l’autre, Balzac, un génie de l’écriture qui voulut lui aussi construire son épopée. La seconde journée concerne le Second Empire avec quelques figures exceptionnelles de la littérature mais aussi de l’histoire, Zola, Michelet et Flaubert. Enfin, la troisième journée est entièrement consacrée à un seul auteur, Victor Hugo, dont le destin et l’oeuvre sont inextricablement liés tant au Premier qu’au Second Empire.

    Karine Huguenaud
    (Automne 1996)

  • Parcours : Première journée : Chateaubriand, Balzac

    Notre itinéraire commence avec l’évocation du plus grand écrivain du début du XIXe siècle : François-René de Chateaubriand (1768-1848). L’auteur du Génie du Christianisme (1802) se rallia au Consulat fasciné par la personnalité exceptionnelle de Bonaparte. Cette fascination réciproque amena le Premier Consul à lui confier dès 1803 un poste d’ambassadeur à Rome auprès du cardinal Fesch puis une charge de ministre dans le Valais. Mais l’assassinat du duc d’Enghien en 1804 marqua la rupture et, Chateaubriand, à travers un article paru dans le Mercure en 1807, se fit l’opposant le plus déterminé de Bonaparte : « Lorsque, dans le silence de l’abjection, l’on entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur ; lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples« .

    Après cette parution, l’écrivain fut sommé par la police impériale de s’éloigner de Paris. Commença alors l’exil dans le domaine de la Vallée-aux-Loups à Châtenay-Malabry. C’est là qu’il rédigea une grande partie des Mémoires d’Outre-tombe, récit d’une vie étroitement mêlée à l’histoire. En 1814, il fit paraître un pamphlet intitulé De Buonaparte et des Bourbons dans lequel il dénonçait l’usurpateur et où il reniait jusqu’au génie militaire de l’Empereur. Mais dans les Mémoires, qui ne parurent qu’après sa mort en 1848, Chateaubriand dévoila peu à peu son admiration pour Napoléon, consacrant près d’un tiers de cette oeuvre au héros de l’épopée. Tout en rectifiant certaines de ses précédentes condamnations, l’écrivain porta un regard critique sur l’homme et ses actions : « Bonaparte n’est point grand par ses paroles, ses discours, ses écrits, par l’amour des libertés qu’il n’a jamais eu et n’a jamais prétendu établir ; il est grand pour avoir créé un gouvernement régulier et puissant, un code de lois adopté en divers pays, des cours de justice, des écoles, une administration forte, active, intelligente, et sur laquelle nous vivons encore ; il est grand pour avoir ressuscité, éclairé et géré supérieurement l’Italie ; il est grand pour avoir fait renaître en France l’ordre du sein du chaos […] il est grand surtout pour être né de lui seul, pour avoir su, lui, se faire obéir de trente six millions de sujets à l’époque où aucune illusion n’environne les trônes […] pour avoir rempli dix années de tels prodiges qu’on a peine aujourd’hui à les comprendre« .

    De son vivant, Napoléon ne fut pas célébré par des auteurs dont la postérité s’est souvenue. « J’ai pour moi la petite littérature et contre moi la grande » s’exclamait lucidement l’Empereur. En effet, outre l’opposition de Chateaubriand, il faut citer celles des deux autres figures littéraires marquantes de l’Empire, Germaine de Staël, exilée à Coppet en Suisse dès 1803 pour la hardiesse de ses conceptions politiques, religieuses et sociales, et Benjamin Constant, lui aussi exilé à Coppet, auteur du violent pamphlet De l’esprit de conquête et de l’usurpation paru en 1814.

    Notre itinéraire nous ramène ensuite vers Paris, à Passy, plus exactement au 47 rue Raynouard où nous attend la Maison de Balzac.

    Honoré de Balzac (1799-1850), géant de la littérature française s’il en est un, a puisé son énergie créatrice dans l’épopée napoléonienne. N’avait-il pas inscrit sur un buste de Bonaparte qui trônait sur la cheminée de son cabinet de travail rue Cassini : « Ce qu’il a entrepris par l’épée, je l’accomplirai par la plume ». Balzac a projeté l’ombre de l’Empereur sur toute La Comédie Humaine en observant et en analysant le fonctionnement de la société issue de la Révolution, une société que Napoléon a largement contribué à forger.
    Le travail même de l’écriture était pour Balzac une comparaison perpétuelle avec l’épopée : « Dès lors tout s’agite ; les idées s’ébranlent comme les bataillons de la Grande Armée […] Les souvenirs arrivent au pas de charge, enseignes déployées ; la cavalerie légère des comparaisons se développe par un magnifique galop ; l’artillerie de la logique accourt avec son train et ses gargousses ; les traits d’esprit arrivent en tirailleurs. Les figures se dressent, le papier se couvre d’encre car la lutte commence et finit par des torrents d’eau noire, comme la bataille par sa poudre noire. Chaque jour est un Austerlitz de la création« .

    « Notre Napoléon littéraire » tel que le qualifiait Paul Bourget, a mis en scène l’Empereur à plusieurs reprises dans ses romans ou nouvelles. De façon directe dans Une Ténébreuse Affaire, roman historique et policier appartenant aux scènes de la vie politique, de façon indirecte dans les scènes de la vie privée avec Une Double Famille ou bien le célèbre Colonel Chabert que tous croyaient mort sur le champ de bataille d’Eylau. Le Médecin de Campagne (scènes de la vie de campagne) permit à l’écrivain de composer le texte le plus important de toute la Comédie Humaine sur l’épopée napoléonienne, à partir du témoignage d’un vieux soldat de l’empire dénommé Goguelat. Les scènes de la vie militaire devaient, dans le plan initial de la comédie, retracer toute l’envergure de cette épopée. L’auteur ne réalisa que deux livres sur la vingtaine prévue : Les Chouans et Une passion dans le désert, curieuse nouvelle mettant en scène un soldat de l’armée d’Egypte. Parmi les Etudes philosophiques, il est à noter El Verdugo qui se situe pendant la campagne d’Espagne et une singulière nouvelle intitulée Adieu, où Balzac transporte soudainement son lecteur dans les plaines glacées de la Russie à travers une poignante description du passage de la Bérésina.

  • Parcours : Deuxième journée : le Second Empire

    Au matin de ce deuxième jour de notre itinéraire des maisons d’écrivains, quittons l’épopée balzacienne pour retrouver celui qui se voulut son continuateur en créant une seconde Comédie Humaine issue celle-là du Second Empire, Emile Zola (1840-1902).

    C’est à Médan dans les Yvelines que se situe la Maison de Zola. Cette visite nous permet d’évoquer le formidable cycle romanesque composé par l’écrivain, Les Rougon-Macquart. Dans cette fresque née de l’enthousiasme de Zola pour l’oeuvre de Balzac et de son intérêt pour la physiologie, une famille, dont les différentes branches se répartissent à tous les échelons de la société, est étudiée à la lumière des lois de l’hérédité confrontée à ces différents milieux. Au delà du chef-d’oeuvre d’observation réaliste, Les Rougon-Macquart, sous-titré Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire, se veulent un tableau exhaustif de la société impériale.
    Le plan d’ensemble des vingt romans est arrêté dès 1868 mais le premier ouvrage ne paraîtra qu’après la chute de l’Empire en 1871. Zola maintint cependant son projet en préparant pour chaque livre un dossier minutieux de renseignements pris auprès des milieux qu’il souhaitait décrire. L’oeuvre sera achevée en 1893 mettant en scène près de 2200 personnages.

    Les Rougon-Macquart restent un témoignage indispensable si l’on veut comprendre la société du Second Empire. Evidemment Zola, fervent républicain, ne partageait nullement les conceptions gouvernementales. Il s’affirma même comme un solide opposant à l’Empire réitérant ses attaques dans ses contes ( « Les Aventures du grand Sidoine et du petit Médéric », Contes à Ninon, 1864) et dans ses articles pour des journaux d’opposition tels que La Tribune, Le Rappel, ou La Cloche.
    La vision qui nous est donnée du Second Empire est donc partielle et partiale : Zola y dénonce sans appel le régime politique, ses faiblesses, ses excès, l’accroissement immoral des richesses et le développement parallèle de la pauvreté, la dissolution des moeurs dans une société sous tension. Cependant, il a su peindre toute une époque en mutation sans pouvoir dissimuler sa fascination face à la modernité en marche : les grands travaux et l’architecture de fer et de verre (La Curée ; Le Ventre de Paris), la création des grands magasins et des banques (Au Bonheur des Dames ; L’Argent), les chemins de fer (La Bête Humaine), la condition ouvrière et les débuts du syndicalisme (L’Assommoir ; Germinal), les problèmes de la paysannerie (La Terre), la religion (La Faute de l’Abbé Mouret), la moyenne bourgeoisie triomphante (Pot-Bouille), l’éducation des filles, la condition féminine et le règne des « cocottes » (Une Page d’Amour, Nana), l’art (L’Oeuvre), etc.

    Personnages fictifs et historiques cohabitent dans une chronologie calquée sur celle du Second Empire. La Fortune des Rougon qui inaugure le cycle évoque parallèlement les origines de la famille et celles de l’Empire, ce coup d’Etat que Zola considérait comme une indélébile tâche de sang. Le gouvernement, les ministres, la vie à la cour et notamment les réceptions aux Tuileries ou les célèbres « Séries » de Compiègne sont évoqués au fil des romans. Napoléon III lui-même apparaît dans plusieurs d’entre eux : La Curée, Son Excellence Eugène Rougon et bien sûr La Débâcle, terrible narration de la guerre de 1870 et de la défaite de Sedan. Le portrait que Zola dresse de l’Empereur est critique mais pas caricatural. Napoléon III apparaît comme un personnage trouble, hésitant, hypocrite, mal entouré, comme un rêveur sentimental, un velléitaire bercé de songes humanistes mais aussi comme un homme de grand courage face aux épreuves.
    Les Rougon-Macquart, vision frénétique et pessimiste du Second Empire, constituent, au-delà des attaques portées contre un gouvernement autoritaire et une société inégalitaire, une immense enquête historique, une étude globale de la civilisation industrialisée de la deuxième moitié du XIXe siècle .

    Après cette plongée dans l’univers réaliste de Zola, poursuivons notre itinéraire en direction de Rouen vers la maison d’un des plus grands historiens du XIXe siècle, celle de Jules Michelet.

    Michelet (1798-1874) mérite bien sa place dans cette promenade consacrée aux écrivains car il sut transmettre à son style une veine épique qui fit dire à taine : « Michelet écrit comme Delacroix peint ». Protégé par Guisot, il fut nommé professeur au collège de France en 1838 où ses cours de morale et d’histoire exprimaient volontiers son libéralisme et son anticléricalisme. Ses positions entraînèrent la suspension de son cours en 1851. L’impitoyable Viel-Castel, mémorialiste fameux du Second Empire, écrivait à la date du 12 mars 1851 : « Le gouvernement a enfin fermé la porte du cours de Michelet. Ce cours, où le plus pur communisme était ouvertement enseigné, était un vrai scandale ».
    En 1853, pour avoir refusé de prêter serment à l’Empereur, Michelet fut de nouveau destitué cette fois du poste de chef de la section historique des Archives nationales qu’il occupait depuis 1831. Refusant également de se lancer dans la politique, l’historien se retira de Paris et se consacra à ses recherches. Il acheva sa monumentale Histoire des Temps Modernes publiée de 1855 à 1867, La Bible Humaine en 1864 et composa en 1869 la préface ouvrant le cycle complet de l’Histoire de France.
    De ses ouvrages non historiques, il faut retenir L’Amour (1858) et La Femme (1859) dont l’influence fut déterminante sur le jeune Zola découvrant l’importance de la physiologie. Se cantonnant dans une opposition discrète, Michelet prévît avec clairvoyance la chute du Second Empire un an avant qu’elle ne survienne.

    Continuons notre promenade dans le monde littéraire du Second Empire avec l’évocation d’un de ses plus éminents représentants, Gustave Flaubert (1821-1880). Le pavillon Flaubert de Croisset à proximité immédiate de Rouen reste le seul vestige de la propriété où l’écrivain conçut en partie trois chef-d’oeuvres, Madame Bovary (1857), Salammbô (1862) et L’Education Sentimentale (1869).

    La parution de Madame Bovary en 1857 inaugura une série de procès littéraires retentissants et révélateurs de l’ordre moral régnant sous le Second Empire. En effet, dans la même année, deux autres écrivains virent leurs oeuvres poursuivies par la censure. Le premier, Eugène Sue, pour la parution des Mystères du Peuple, Histoire d’une famille de prolétaires à travers les âges, fut jugé et condamné sévèrement pour « attaques contre l’autorité » à un an de prison et à une amende de 6000 francs. Le procès eut lieu après la mort de l’auteur survenue le 3 août 1857 et le livre fut retiré de la vente et détruit. Le second fut Charles Baudelaire dont Les Fleurs du mal, attaquées par les journaux dès leur parution en juin 1857, furent considérées comme un « défi aux lois protégeant la religion et la morale ». Baudelaire fut condamné à 300 francs d’amende et à voir six de ses poèmes supprimés de l’édition. Le poète fit appel à l’Impératrice Eugénie elle-même afin d’obtenir une réduction de l’amende qui fut effectivement ramenée à 50 francs le 20 janvier 1858.
    Le premier de ces procès, dirigés tous les trois par le même procureur général, Ernest Pinard, fut celui de Gustave Flaubert. Si l’oeuvre de Sue fut attaquée en raison de sa provocation politique, les deux autres livres le furent pour leur valeur esthétique. L’intensité réaliste de Madame Bovary scandalisa dès sa première publication, d’octobre à décembre 1856 dans la revue de paris, en dépit d’une multitude de coupures et de substitutions de mots tels que « adultère » ou « morceau de veau » ! La célèbre scène du fiacre dans Rouen fut victime de cette censure et la suppression mentionnée. Flaubert demandait à ses lecteurs de ne voir dans cette publication que des fragments de son oeuvre.
    C’est la parution en volume chez Michel Levy en avril 1857 qui entraîna l’inculpation pour outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs. Le procureur Pinard tout en reconnaissant l’unité stylistique du roman lui reprochait son caractère lascif. L’auteur et ses éditeurs furent blâmés mais acquittés.

    A partir de 1862, alors que la publication de Salammbô s’affirmait comme un véritable succès, Flaubert commença à fréquenter plus étroitement les milieux littéraires. Ce furent tout d’abord les «dîners de Magny» qui rassemblaient écrivains et artistes tels que Gavarni, les Goncourt, Sainte-Beuve, Baudelaire ou Théophile Gautier puis le salon de la princesse Mathilde rue de Courcelles. Le Second Empire offrit une reconnaissance officielle à l’écrivain qui l’avait pourtant scandalisé quelques années auparavant : Flaubert fut invité à Compiègne lors des fameuses séries, il reçut la Légion d’Honneur le 15 août 1866 et en 1867, on le vit même aux Tuileries au bal donné en l’honneur des souverains étrangers venus pour l’Exposition universelle. Fort de cette fréquentation des milieux impériaux, c’est lui qui documentera en partie Emile Zola pour les descriptions faites par l’écrivain dans Les Rougon-Macquart.

  • Parcours : Troisième journée : Victor Hugo

    Cette dernière journée est entièrement consacrée à Victor Hugo (1802-1885) dont l’évocation se fera à partir de deux de ses demeures, celle de Villequier (Musée Hugo), essentiellement liée au souvenir de sa famille, et celle de la place des Vosges à Paris (Maison de Victor Hugo) où l’écrivain résida de 1833 à 1848.

    Victor Hugo tient une place particulière dans cet itinéraire dans la mesure où, par son histoire personnelle, il est étroitement lié au Premier et au Second Empire. Né en 1802, il fut très tôt familiarisé avec l’épopée napoléonienne dont son père, le général Léopold Hugo, était un fervent serviteur. L’enfant ne fut cependant pas élevé dans le culte de l’Empereur. Sa mère, Sophie Trébuchet, s’était séparée de son époux, séparation causée par une mésentente personnelle doublée d’une vive opposition politique : madame Hugo était royaliste. Par deux fois le jeune Victor Hugo avait pourtant côtoyé la vie militaire de son père le rejoignant dans ses différents casernements, à Naples en 1807 et en Espagne en 1809. Mais le futur écrivain qui proclamait à 14 ans « Je veux être Chateaubriand ou rien » débuta dans la littérature sous une double bannière héritée de sa mère, catholique et royaliste ultra. Dès son premier recueil paru en 1822, il mêla poésie et politique afin de chanter les louanges des Bourbons et de maudire celui qu’il comparaît à un « fléau vivant » dans une de ses odes intitulée, Buonaparte.

    Après la mort de sa mère, Victor Hugo se rapprocha de son père qu’il connaissait très peu et qui contribua fortement à la constitution du mythe napoléonien dans l’oeuvre de l’écrivain. En 1824, Les Nouvelles Odes témoignèrent de cette évolution. Dans le poème A mon père, écrit en 1823, Hugo exprima pour la première fois son admiration des armées napoléoniennes et sa fierté d’être lié à un héros de l’épopée. Cette évolution se confirma avec l’ode A l’Arc de Triomphe puis, en 1826, avec Les Deux Iles, poème publié dans Odes et Ballades. Construit sur une controverse entre « acclamation » et « imprécation », Les Deux Iles se voulaient impartiales quant au jugement porté par l’auteur sur l’Empereur. L’admiration d’Hugo pour Napoléon se fit jour en 1827 avec L’Ode à la Colonne de la place Vendôme. Ce poème était une riposte de l’écrivain à l’affront qui avait été fait à quatre maréchaux d’Empire lors d’une réception à l’ambassade d’Autriche pendant laquelle on avait volontairement omis de les appeler par leurs titres, souvenirs des victoires napoléoniennes. Dans un esprit de réconciliation nationale (mais aussi familiale), Hugo y présentait Napoléon à l’égal de Charlemagne et des rois qui firent la grandeur de la France. Le poète chanta alors sans réserve la gloire de l’Empereur et de l’épopée dans ses poèmes : Souvenir d’Enfance dans Les Feuilles d’AutomneA la Colonne, Napoléon II dans Les Chants du CrépusculeA l’Arc de Triomphe dans Les Voix Intérieures

    Victor Hugo s’était peu à peu éloigné du parti légitimiste pour rejoindre le camps du libéralisme. Elu à la Chambre des Pairs en 1845, il réclama le retour d’exil de la famille Bonaparte avant de soutenir en 1848 la campagne électorale de Louis-Napoléon. Il créa même un journal avec ses fils, L’Evénement, où il publia à la veille des élections une page entière avec le seul nom du candidat répété cent fois. Cependant après l’élection, il pris peu à peu ses distances avec le prince président, non pas en raison d’un poste ministériel qu’il n’obtint pas comme d’aucuns l’ont avancé, mais parce que le gouvernement ne répondait pas à ses attentes démocratiques. Lors d’un débat à la Chambre le 17 juillet 1851, il dénonça les dangers pesants sur la France : « Quoi après Auguste, Augustule ? Parce nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit ! » Désormais, Victor Hugo s’affirma comme l’un des chefs de l’opposition républicaine et le coup d’Etat du 2 décembre le contraignit à fuir hors de France.

    Pendant tout le Second Empire, l’écrivain vécut en exil, à Bruxelles tout d’abord puis sur les îles de Jersey et de Guernesey. En 1859, l’Empire triomphant accorda l’amnistie aux proscrits mais Hugo la refusa : « Fidèle à l’engagement que j’ai pris vis-à-vis de ma conscience, je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai ». Se considérant comme le dépositaire d’une certaine conscience morale de la France, il publia de féroces pamphlets contre le régime impérial, en prose avec Napoléon le Petit (1852) ou en vers avec les Châtiments (1853). Sa haine antibonapartiste s’exprima également dans des textes qu’il conserva en manuscrits et qu’il ne publia qu’en 1877-1878 sous le titre Histoire d’un Crime.

    Dans l’exil, Victor Hugo publia Les Contemplations (1856), La Légende des siècles (1859), Les Travailleurs de la mer (1866), L’Homme qui rit (1869). Il acheva Les Misérables , publiés à Bruxelles en 1862, roman fleuve où le lecteur traverse une partie du XIXe siècle et assiste à une description épique de la bataille de Waterloo. En guise de conclusion, voici quelques vers célèbres de L’Expiation, ce magnifique poème tiré des Châtiments où Victor Hugo a donné toute la mesure de son talent :

    « Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine !
    Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
    Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
    La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
    D’un côté c’est l’Europe et de l’autre la France.
    Choc sanglant ! Des héros Dieu trompait l’espérance ;
    Tu désertais, victoire, et le sort était las.
    O Waterloo ! Je pleure et je m’arrête, hélas !
    Car ces derniers soldats de la dernière guerre
    Furent grands ; ils avaient vaincu toute la terre,
    Chassé vingt rois, passés les Alpes et le Rhin,
    Et leur âme chantait dans les clairons d’airain ! »

  • Prolongements

    À Paris

    Les travaux d’urbanisme entrepris par Napoléon Ier puis par Napoléon III ont dessiné l’aspect général de la capitale. Le Louvre, l’arc de Triomphe du Carrousel, la colonne Vendôme, la Bourse, la fontaine du Châtelet, l’arc de Triomphe, la rue de Rivoli, la Madeleine, etc., témoignent du Premier Empire tandis que l’Opéra, les grands boulevards, la gare du Nord, la plupart des jardins parisiens, à nouveau le Louvre, etc., sont des créations du Second Empire.

    Rajoutons à cette liste quelques musées (musée du Louvre, musée d’Orsay, musée de l’Armée, musée de la Légion d’Honneur, musée Marmottan, musée Carnavalet, etc.) et le visiteur comprendra que c’est Paris tout entier qui constitue une vitrine impériale.

    Dans les Hauts-de-Seine

    Une destination s’impose par sa richesse en souvenirs napoléoniens : Rueil-Malmaison. Un itinéraire spécial vous est proposé afin de découvrir les sites et les musées de la ville.

    Dans les Yvelines

    Le domaine national du château de Versailles vous promet une visite inoubliable.

    Dans l’Eure

    A Vernon, le château de Bizy, ancienne propriété du général Joseph Lesuire qui participa aux campagnes napoléoniennes de 1805 à 1811, propose une agréable visite riche en souvenirs de l’Empire. Le château appartient aujourd’hui aux descendants du maréchal Suchet, duc d’Albufera.

    Dans la Seine-Maritime

    Une statue équestre de Napoléon trône sur la place Charles de Gaulle de Rouen. Oeuvre de Dubray inaugurée en 1865, elle fut fondue avec le bronze des canons autrichiens pris à Austerlitz. Sur le piédestal, un bas-relief exécuté d’après un dessin d’Isabey représente la visite de l’Empereur à la fabrique des frères Sévène le 2 novembre 1806.
    C’est justement au musée des Beaux-Arts de Rouen que l’on peut admirer le dessin d’Isabey qui servit de modèle pour ce bas-relief, ainsi que différentes oeuvres relatives au Premier Empire. Y figurent notamment des tableaux et des études de Géricault consacrés aux officiers de la Grande Armée.

  • Autres Curiosités

    L’itinéraire proposé ici s’inspire en partie d’un itinéraire déjà existant établi par les régions Ile-de-France et Haute-Normandie. Il comprend de nombreuses autres demeures d’écrivains qui méritent l’attention de tous les amoureux de la littérature. En voici la liste :

    Maison de Mallarmé à Vulaines-sur-Seine en Seine et Marne.
    Maison d’Elsa Triolet et de Louis Aragon à Saint-Arnoult-en-Yvelines
    Datcha d’Ivan Tourgeniev à Bougival dans les Hauts-de-seine.
    Maison d’Alexandre Dumas-Château de Monte Cristo au Port-Marly dans les Yvelines.
    Maison de Maurice Maeterlinck-Château de Médan dans les Yvelines.
    Musée Pierre Corneille à Petit-Couronne en Seine-Maritime.
    Maison Jean de la Varende-Château de Chamblac dans l’Eure.

    Pour tous renseignements complémentaires, adressez-vous à la Route Historique des Maisons d’Ecrivains, 13, avenue d’Eylau 75116 Paris
    Tél. : +33 (0)1.47.27.45.51

  • Bibliographie

    Pour prolonger votre visite et approfondir votre connaissance des mouvements littéraires sous le Premier et le Second Empire :

    Précis de littérature française du XIXe siècle, sous la direction de Madeleine Ambrière, PUF, 1990.

    Descotes Maurice, La Légende de Napoléon et les écrivains du XIXe siècle, Minard, 1967.

    L.H. Lecomte, Napoléon et le monde dramatique, Daragon, 1912.
    P. Martino, Le Roman réaliste sous le Second Empire
    , Slatkine, 1973, (réed.).

    Pour retrouver les textes évoqués lors de cet itinéraire :

    Toutes les collections de poche proposent aujourd’hui des éditions préfacées, commentées et souvent enrichies d’études. Nous n’indiquons ici que les éditions de référence, des publications récentes ou des études spécifiques.

    BALZAC / La Comédie humaine, sous la direction de P.G. Castex, Gallimard, collection « Pléiade », 1976-1961, 12 vol.
    Adieu, Le Livre de Poche, Les Classiques d’Aujourd’hui, 1995.
    Gérard Gengembre, Balzac le Napoléon des Lettres, Découverte Gallimard, n°150, 1992.

    CHATEAUBRIAND / Mémoires d’outre-tombe, édition établie par J.C. Berchet, Classiques Garnier, Bordas, 1989.
    Mémoires d’outre-tombe, texte de l’édition originale (1849), préface, notes et commentaires de Pierre Clarac, Le Livre de Poche, 1995.
    Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littéraire sous l’Empire, Garnier, 1948, (réed.).

    FLAUBERT / Oeuvres complètes, Editions Rencontre, édition établie par M. Nadeau, 1964-1965, 16 vol.
    Oeuvres complètes, Club de l’Honnête Homme, édition établie par M. Bardèche, 1971-1976, 18 vol.

    HUGO / Oeuvres poétiques, édition établie par P. Albouy, Gallimard, « Pléiade », 1964-1974, 3 vol.
    La seule édition des oeuvres complètes actuellement disponible est :
    Oeuvres complètes, sous la direction de J. Seebacher, assisté de Guy Rosa, Laffont, collection Bouquins, 1985.

    MICHELET / Oeuvres complètes, édition établie par P. Viallaneix, Flammarion, 1971, 14 vol.

    ZOLA / Les Rougon-Macquart, édition établie par H. Mitterand, Gallimard, « Pléiade », 1960-1967, 5 vol.
    Les Rougon-Macquart, Laffont, collection Bouquins, 1991-1993, 5 vol. Texte établi, présenté et annoté par C.Becker, avec la collaboration de G.Gourdin-Servenière et V. Lavielle.
    Descotes Maurice, « Le personnage de Napoléon III dans les Rougon-Maquart », Archives des Lettres modernes, n°114, 1970.
    « Le Second Empire vu et jugé par Zola », L’Information historique, XV, n°2, mars-avril 1953, p.50-57.

  • Carte

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  • Infos pratiques

    Accès

    MAISON DE BALZAC
    47, rue Raynouard 75016 PARIS
    Tél. : +33 (0)1.42.24.56.38
    Ouvert tous les jours de 10h à 17h40 sauf le lundi .
    Métro : La Muette, Passy
    Bus n° 32, 52, 72

    MAISON DE CHATEAUBRIAND – LA VALLEE AUX LOUPS
    87, rue Chateaubriand 92290 CHATENAY-MALABRY (Hauts de Seine)
    Tél. : +33 (0)1.47.02.58.61
    Fax : +33 (0)1.47.02.05.57
    Ouvert tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h du 1er avril au 30 septembre et de 14h à 17h du 1er octobre au 31 mars. Fermé le lundi. Mardi et jeudi réservés aux groupes sur rendez-vous.
    Par la route : De Paris pont de Sèvres, prendre la A86, sortie Créteil. Avenue de la Division Leclerc, avenue Roger Salengro, rue Eugène Sinet puis rue Chateaubriand. Parc de stationnement rue d’Aulnay à 200 mètres (120 places). De Versailles par la RD 986.
    RER : ligne B station Robinson, puis parcours piétonnier fléché d’environ 20 minutes.

    MAISON DE ZOLA
    26, rue Pasteur 78670 MEDAN (Yvelines)
    Tél. : +33 (0)1.39.75.35.65
    Fax : +33 (0)1.39.75.59.73
    Ouvert tous les samedis et dimanches de 14h à 18h et sur rendez-vous en semaine pour les groupes.
    Par la route : A13 ou A14, sortie Poissy-Villennes-sur-Seine-Médan
    SNCF : gare de Villennes

    MUSEE MICHELET-CHATEAU DE VASCOEUIL
    rue Michelet 27910 VASCOEUIL (Eure)
    Tél. : +33 (0)2.35.23.62.35
    Ouvert tous les jours de Pâques à la Toussaint de 14h30 à 18h30 et le matin sur rendez-vous pour groupes.
    Par la route : à 120 km de Paris. A15 (Défense-Pontoise), RN14 et D1 à Fleury-sur Andelle ou A13 sortie Pont-de-l’Arche et N321 (fléchage).
    A 20 km de Rouen sur la RN 31 après Martainville.
    SNCF : gare de Rouen ou Le Vaudreuil

    PAVILLON FLAUBERT
    18, quai Gustave Flaubert DIEPPEDALLE-CROISSET, 76380 CANTELEU (Seine-Maritime)
    Tél. : +33 (0)2.35.36.43.91
    Ouvert tous les jours de 10h à 12h et de 14h à 18h. Fermé le mardi et le mercredi matin.
    Par la route : à 9 km de Rouen par la D982, direction Duclair puis D51 vers Croisset

    MUSEE VICTOR HUGO
    rue Ernest Binet 76490 VILLEQUIER / CAUDEBEC-EN-CAUX (Seine-Maritime)
    Tél. : +33 (0)2.35.56.78.31
    Fax : +33 (0)2.35.56.04.89
    Ouvert tous les jours du 1er novembre au 28 février de 10h à 12h30 et de 14h à 18h ; du 1er mars au 31 octobre de 10h à 12h30 et de 14h à 18h30. Fermé le mardi et les jours fériés.
    Par la route : Rouen rive droite vers Canteleu , Caudebec, D81 longeant la Seine jusqu’à Villequier, retour à Paris par Pont de Brotonne et A13 (entrée Bourg-Achard).
    SNCF : gare d’Yvetot à 14 km.

    MAISON DE VICTOR HUGO
    6, place des Vosges 75004 PARIS
    Tél. : +33 (0)1.42.72.10.16
    Fax : +33 (0)1.42.72.06.54
    Ouvert tous les jours de 10h à 17h40. Fermé le lundi et les jours fériés.
    Métro : Saint-Paul, Bastille, Chemin-Vert
    Bus n°20, 29, 65, 69, 76, 96

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