Photographe officiel de Napoléon III, avec Mayer et Pierson, André-Adolphe-Eugène Disdéri (1819-1889) développa le portrait-carte, dont l’Empereur perçut très vite l’intérêt populaire, et inventa un appareil à quatre objectifs permettant la prise de huit photos sur une seule plaque.
Disdéri vit passer dans son atelier, 8 boulevard des Italiens, les membres de la famille impériale et de la cour, de nombreuses personnalités politiques (ministres, hommes politiques, ambassadeurs, financiers), culturelles et artistiques, comme le compositeur Verdi, la peintre Rosa Bonheur.
En 1870 et 1871, il réalisa de nombreuses photos de la guerre à Paris et ses environs, et d’édifices incendiés lors de la Commune comme cette vue de la place du Châtelet et du Théâtre-Lyrique dont on peut percevoir les destructions intérieures causées par l’incendie du 24 mai 1871. ► Zoomer dans la photo sur le site Paris Musées.
Le corps du bâtiment et la façade furent peu touchés, mais la toiture fut fortement endommagée et la salle entièrement détruite ► voir une photo du bâtiment de profil sur le site Alamy. La reconstruction fut commandée en 1874 à l’architecte d’origine Gavriel Davioud. Le Théâtre Impérial du Châtelet, lui, ne fut guère touché par les incendies.
En 1862, la place du Châtelet était devenue un carrefour artistique exceptionnel avec l’inauguration de deux grands théâtres, le Théâtre impérial du Châtelet (aujourd’hui Théâtre du Châtelet) et le Théâtre Lyrique (aujourd’hui Théâtre de la Ville).
Dans le cadre des grands travaux parisiens du préfet de la Seine Haussmann, le percement de nouvelles voies, comme les boulevards du Prince-Eugène (aujourd’hui Voltaire) et Sébastopol, avait entraîné la destruction des théâtres du boulevard du Temple (le fameux « boulevard du crime »), et la nécessité de trouver de nouveaux lieux pour permettre la continuité du travail des troupes parisiennes. La place du Châtelet et ses abords devinrent un nouveau quartier théâtral concentrant plusieurs édifices : les Théâtres de la place même, le Théâtre de la Gaîté-Lyrique en bordure du square des Arts et Métiers, le Théâtre du Vaudeville déplacé sur le boulevard Sébastopol.
► En savoir plus sur l’histoire du Théâtre Lyrique sur napoleon.org
Construits entre 1860 et 1862, les deux théâtres furent conçus par l’architecte et inspecteur général des travaux d’architecture de la Ville de Paris Gabriel Davioud (1824-1881), un proche du baron Haussmann. Cet architecte commença sa carrière en 1843 au sein du service du Plan de la Ville de Paris, puis rejoignit en 1855 celui des Promenades et des Plantations, l’un des trois services municipaux d’aménagement de Paris avec celui des Eaux et égouts, et celui de la Voie publique. Au cours de sa carrière, Davioud exprima ses talents multiples dans des commandes très différentes (fontaines de la place Saint-Michel, du Château d’eau, Panorama des Champs-Élysées (aujourd’hui Théâtre du Rond-Point), Kiosque de l’Empereur au bois de Boulogne, Palais du Trocadéro pour l’Exposition universelle de 1878, etc.) et travailla également à la définition d’un ensemble d’éléments de mobilier urbain, comme les bancs et les lampadaires que l’on peut voir sur la photo choisie, mais aussi des kiosque de presse et les grilles du parc Monceau (8e arrdt).
Sur la place du Châtelet se dresse, depuis 1806, la magnifique fontaine du Palmier, hommage aux victoires napoléoniennes et témoignage de la politique urbaine de Napoléon Ier dont fit partie le développement de fontaines publiques. Dans le cadre des grands travaux d’Haussmann, l’agrandissement de la place conduisit d’ailleurs au spectaculaire déplacement de la fontaine pour être placée dans l’axe du pont au Change. La fontaine fut aussi rehaussée par Davioud grâce à l’ajout d’un bassin inférieur orné de têtes de sphinx.
Irène Delage, cheffe du service Médiation et Documentation numérique de la Fondation Napoléon, mars 2023
SOURCES
• Architecture contemporaine. Les Théâtres de la place du Châtelet : Théâtre du Châtelet ; Théâtre lyrique… publiés sous le patronage et avec le concours de la ville de Paris, par M. César Daly,… et M. Gabriel Davioud, 1865 : consultable en ligne sur BnF/Gallica
• Félix Narjoux, Paris monuments élevés par la Ville 1850-1880, Vol 4 : Édifices décoratifs, 1882 : consultable en ligne sur BnF/Gallica
• conférence en ligne « Gabriel Davioud, architecte de Paris », de Dominique Jarrassé (2021)
• conférence en ligne « Gabriel Davioud (1824-1881), architecte du mobilier urbain de Paris sous le Second Empire », de Chiara Santini (2021)
• Nicole Wild, Dictionnaire des théâtres parisiens (1807-1914), Symétrie, 2012
• Jean-Claude Yon (dir.), Les spectacles sous le Second Empire, Armand Colin, 2010