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Napoléon en exil à Sainte-Hélène (1815-1821)

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Napoléon en exil à Sainte-Hélène (1815-1821)
Napoléon dictant au comte Las Cases le récit de ses campagnes, par William Quiller Orchadson
© Lady Lever Museum of Liverpool, Grande-Bretagne (source : Wikipedia)

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De Waterloo à l’île de Sainte-Hélène

Le 18 juin 1815, Napoléon est battu à Waterloo, en Belgique, par les armées alliées britannique et prussienne. De retour à Paris, il abdique le 22 juin en faveur de son fils unique âgé de quatre ans. Ce dernier, réfugié depuis mai 1814 avec sa mère l’impératrice Marie-Louise en Autriche, ne montera finalement jamais sur le trône impérial. C’est Louis XVIII, le frère de Louis XVI guillotiné sous la Révolution française, qui redevient Roi des Français.

Le 25 juin, Napoléon quitte Paris. Après un court passage pour se rendre à la Malmaison où il revoit sa mère pour la dernière fois, il arrive le 3 juillet à Rochefort d’où il compte partir pour les États-Unis. Comme le passeport promis par le gouvernement provisoire français n’arrive pas, Napoléon débarque sur la petite île d’Aix, au large de Rochefort, et décide de s’en remettre aux Anglais : « Je viens me mettre sous la protection de votre prince et de vos lois. » À bord d’un navire britannique, le Bellerophon, Napoléon se dirige vers le port anglais de Torquay. Il y reste quelques jours, suscitant la curiosité des Anglais qui montent dans de petits canots pour approcher le bateau et voir l’Empereur déchu, que l’on n’appelle plus que « général Bonaparte ». Puis il arrive au port de Plymouth où il apprend le 31 juillet qu’il sera finalement exilé à Sainte-Hélène, une petite île sous domination anglaise en plein coeur de l’océan Atlantique. Le 7 août, Napoléon embarque sur un nouveau navire, le Northumberland, et quitte les eaux britanniques le 9 août. Après un voyage de plusieurs mois, il arrive à Sainte-Hélène le 15 octobre 1815.

La vie à Sainte-Hélène

Une vingtaine de personnes suivent Napoléon dans cet exil. Il y a là le général et grand maréchal du Palais Bertrand, (avec sa femme Fanny et leurs trois enfants), le général de Montholon (avec sa femme Albine et leur fils), le général Gourgaud, et le comte Las Cases (le seul homme à parler parfaitement anglais) avec son fils. Parmi les domestiques, figurent son premier valet de chambre Louis Marchand, Louis Etienne Saint-Denis (appelé le mamelouk Ali), et son maître d’hôtel « un peu espion » Cipriani qui connaît Napoléon depuis l’enfance. Malgré les restrictions anglaises, Napoléon peut emporter avec lui un peu de mobilier et de vaisselle issus des palais impériaux, ainsi que des tableaux et souvenirs de sa famille, comme un portrait de son fils, le roi de Rome.

À son arrivée, Napoléon s’installe quelques temps à la demeure des Briars. Il fait la connaissance des Balcombe et de leur fille Betsy, âgée de 14 ans. Gaie, vive, Betsy n’est pas intimidée par Napoléon, qui apprécie sa compagnie et aime discuter avec la jeune fille.
Après une période de travaux, la demeure de Longwood est enfin prête à accueillir Napoléon le 10 décembre 1815. Ses compagnons d’exil et les domestiques y habitent des bâtiments proches, sauf la famille Bertrand qui a une maison indépendante. La demeure de Longwood se situe dans la partie Est de l’île, battue par les vents et pauvre en végétation. Napoléon se plaindra souvent de l’humidité permanente de l’île.

Les journées du captif s’organisent entre repas, promenades à cheval et dictées de ses mémoires à ses compagnons. Les soirées sont passées à écouter des mélodies jouées au piano, à jouer aux échecs ou aux cartes. Passionné de lecture, Napoléon a fait emporter plus de 600 livres, et grâce à des dons et des achats la bibliothèque comportera à sa mort plus de 3 000 livres, sur tous les sujets, histoire, politique, géographie, arts militaires et mathématiques, pièces de théâtre, poésie, romans… Pour rompre l’ennui, Napoléon s’essaie même au jardinage.

La vie à Sainte-Hélène, pour un homme qui a régné sur un empire, est peu à peu déprimante. Napoléon ne peut se promener librement que dans un périmètre restreint et sous la surveillance de plusieurs militaires britanniques, sa maison est surveillée nuit et jour, sa correspondance est ouverte. Le gouverneur de l’île, sir Hudson Lowe, est un geôlier impitoyable, obsédé par la crainte d’une évasion de Napoléon. Après tout, il s’est déjà échappé de l’île d’Elbe en mars 1815, où il avait été exilé une première fois en 1814 ! L’île de Sainte-Hélène est ainsi gardée par trois mille hommes, et quatre navires sillonnent en permanence ses abords afin de prévenir un débarquement.

Au fil des années, Napoléon ne sort plus de Longwood, refuse les visites et passe de plus en plus de temps seul dans sa chambre. Il souffre du manque de nouvelles de son fils. Certains membres de son entourage quittent l’île et rejoignent l’Europe, le général Gourgaud en 1818, madame de Montholon en 1819. En décembre 1816, Las Cases et son fils sont expulsés de l’île pour avoir tenté de faire passer des lettres en secret.

Les derniers jours de Napoléon

La santé de Napoléon devient préoccupante à partir de juillet 1820. L’Empereur sort peu et passe de longues heures dans sa baignoire afin de calmer ses douleurs au foie. Selon le chirurgien Antommarchi, il dort plus de douze heures par jour et peine à quitter son lit. Il s’efforce parfois de faire une promenade, mais s’épuise rapidement. Napoléon décède le 5 mai 1821, à 17h49, à l’âge de cinquante et un ans. Le lendemain, le gouverneur de l’île, Hudson Lowe, rend visite au défunt afin de constater son décès. Puis une autopsie est pratiquée par le chirurgien Antommarchi qui conclut à une mort causée par un ulcère à l’estomac. Le 7 mai, un moulage du visage de Napoléon est effectué. Le 10 mai, Napoléon est enterré dans une vallée proche de Longwood, la vallée du Géranium. Son corps repose sous une dalle funéraire sans inscription, car les Anglais refusent que soit gravé le nom de « Napoléon ». Le 27 mai, les derniers compagnons d’exil de l’Empereur quittent Sainte-Hélène sur un navire britannique, le Camel, et arrivent en Europe le 2 août 1821.

En 1840, le roi Louis-Philippe organise le retour de la dépouille de Napoléon à Paris, désormais déposée dans un tombeau sous le Dôme des Invalides.

Les mémoires de Napoléon et le mémorial de Sainte-Hélène

Pendant de longues heures, Napoléon met à contribution Las Cases, les généraux Bertrand, Montholon et Gourgaud, pour la rédaction de ses mémoires et le récit de ses campagnes, l’explication de ses décisions et de ses actes. Après avoir pris connaissance du sujet à traiter, les « secrétaires » consultent l’imposante bibliothèque, proposent des notes à Napoléon qui peut alors dicter. Pendant des heures, il dicte, corrige, et corrige encore, installé dans sa chambre ou dans la salle de billard. Après une publication partielle entre 1823 et 1825, ces Mémoires pour servir à l’histoire de France sous Napoléon Ier sont publiés en entier en 1847, et entre 1867 et 1870. Des traductions ont été faites en espagnol, en suédois, en norvégien, en allemand…

Un autre ouvrage va passionner les Européens du XIXe siècle : le mémorial de Sainte-Hélène rédigé par Las Cases, et traduit en huit langues. Dès le voyage en bateau qui les conduit à Sainte-Hélène, et jusqu’à son départ de l’île en 1816, Las Cases rassemble les pensées de Napoléon recueillies au cours de nombreuses conversations. Il relate aussi la vie quotidienne à Sainte-Hélène. Fervent admirateur de l’Empereur, Las Cases dresse un portrait flatteur du captif, et insiste particulièrement sur les conditions de vie difficile faites à Napoléon par le gouverneur de l’île sir Hudson Lowe. Publié en 1823, le mémorial de Sainte-Hélène peut être considéré comme un ouvrage de propagande qui va nourrir le culte napoléonien au XIXe siècle. Mais contrairement à ce qu’on lit souvent, ce n’est pas le best seller du XIXe siècle, le livre le plus vendu au XIXe est Les Fables de La Fontaine !
Les témoins français et britanniques qui ont véçu avec Napoléon à Sainte-Hélène (les généraux Bertrand, Gourgaud, Montholon, Louis Marchand, le mamelouk Ali, les médecins O’Meara et Antommarchi…) ont laissé des lettres envoyés à leurs familles, des récits et des souvenirs plus ou moins complets de l’exil impérial.

Joanna Benazet et Irène Delage, octobre 2015

► Consultez le dossier thématique « Le Mémorial de Sainte-Hélène d’Emmanuel de Las Cases » (2023)

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