Le Mémorial de Sainte-Hélène d’Emmanuel de Las Cases

Julien Sorel « se serait fait tuer pour […] trois ouvrages » : les Confessions de Rousseau, le recueil des Bulletins de la Grande Armée et le Mémorial de Sainte-Hélène. En plaçant au cœur du « Coran » du héros du Rouge et le Noir l’ouvrage d’Emmanuel de Las Cases, Stendhal témoigne de la stature de ce texte. Rédigé par un proche serviteur de Napoléon exilé dans l’Atlantique Sud et devenu dès sa parution une œuvre politique qui redéfinit le « bonapartisme », cet ouvrage constitue une source essentielle de l’historiographie napoléonienne.

Aux origines du Mémorial, il y a le journal tenu par Emmanuel de Las Cases à partir du 21 juin 1815 et mis au propre par son fils, Emmanuel-Pons, âgé de quinze ans : tous les deux sont de l’exil à Sainte-Hélène, où ils ne passeront que quatorze mois. Arrêté le 25 novembre 1816 pour avoir tenté de faire passer une correspondance clandestine en Europe, Las Cases est expulsé le 31 décembre sur ordre du gouverneur de Sainte-Hélène Hudson Lowe. Ses papiers lui sont confisqués, envoyés en Angleterre pour être remis au secrétaire d’État à la Guerre Henry Bathurst ; ils ne lui seront restitués que cinq ans plus tard. Parmi ceux-ci, le fameux journal que Las Cases retravaille pendant une année avant de le faire publier à partir de janvier 1823. Deux premiers volumes paraissent, suivis de six autres tomes, dont le dernier en novembre 1823. Le succès est notable. Les différentes réimpressions sont l’occasion pour l’auteur de modifier et d’augmenter son texte, qui se « stabilise » au fil des rééditions (1828, 1830, 1835, 1840). Las Cases meurt en 1842, mais le succès commercial et symbolique (avec l’entrée dans la Bibliothèque de la Pléiade dès 1935) ne se démentira pas.

Notre connaissance du Mémorial a connu une évolution décisive à partir de 2005 avec la découverte par Peter Hicks, responsable des affaires internationales de la Fondation Napoléon, d’une copie du manuscrit confisqué à Las Cases lors de son départ de Sainte-Hélène, copié par les scribes britanniques à partir de 1817. Une découverte qui aurait pu avoir lieu des décennies plus tôt (dès 1923, un rapport sur la collection des Bathurst signalait son existence). Entre 2008 et 2011, ce texte fut dactylographié par le directeur de la Fondation Napoléon Thierry Lentz et les collaborateurs Peter Hicks, François Houdecek et Chantal Prévot, aboutissant à la publication en 2017 du Mémorial de Sainte-Hélène. Le manuscrit original retrouvé.