Ayant perdu 10 ans auparavant sa compagne Nathalie Micas, Rosa Bonheur avait accepté avec enthousiasme la proposition de Klumpke de réaliser plusieurs portraits d’elle dans différents tenus (en jupe ou en blouse et pantalon, sa tenue habituelle de travail) et avec ses animaux de compagnie. Rosa Bonheur proposa dans la foulée à Klumpke d’écrire ses mémoires afin d’apporter des informations plus personnelles aux biographies partielles qui avait été écrites dont celle par Eugène de Mirecourt, et notamment donner la juste place à sa défunte mère qu’elle avait pleurée toute au long de sa vie depuis l’âge de 11 ans.
Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre se compose de trois parties : La première, rédigée par Klumpke, raconte la manière dont les deux femmes se sont rencontrées. La célébrité de Rosa Bonheur ayant traversé l’Atlantique, Klumpke était depuis longtemps une véritable fan. Il est probable que, pour l’auteur, la rédaction de ce volume avait également la fonction de clarifier les dernières volontés de l’artiste la plus riche du XIXe siècle, pour tenter se défendre contre les violents critiques qu’elle a subies de la part des frères de Rosa Bonheur lorsqu’ils avaient appris que leur sœur l’avait désignée comme sa seule héritière.
La 2e partie, écrite à la première personne, raconte la vie de Rosa Bonheur dictée par elle-même, parfois complétée des récits glanés dans divers lettres échangées entre Rosa Bonheur et ses proches. Son enfance, sa passion pour les animaux, le dessin, sa dévotion pour sa mère, ses premiers succès au Salon, à Paris, et l’histoire incroyable du tableau Le Marché aux chevaux, ses voyages dans les Pyrénées et en Écosse, l’achat du château de By. Le récit est passionnant et agrémenté de nombreuses anecdotes sur la vie artistique au XIXe s.
La 3e partie est une compilation de ses pensées sur de nombreux sujets dont la place de la femme dans la société, la cause des animaux, la religion, la politique (Rosa Bonheur était très proche de la famille impériale et à la chute de l’Empire, lors de l’invasion prussienne, un féroce patriotisme lui a inspiré des actions très concrètes comme aller jusqu’à faire construire un champ de tir dans le parc de sa propriété, ou nourrir les militaires).
Plusieurs passages, non sans humour, racontent ses relations avec la famille impériale et notamment les visites impromptues de l’impératrice Eugénie à son atelier, dont celle où elle lui remet la Légion d’honneur en 1865, ou encore l’invitation à déjeuner avec le couple impérial à Fontainebleau, ainsi que les nombreux visites du Prince impérial qui adorait rencontrer les animaux qui peuplaient le parc à By, mais qui espérait également croiser Rosa habillée en pantalon !
Les 3 volumes sont richement illustrés notamment par des gravures que Klumpke a pu reproduire avec l’autorisation de certains éditeurs et marchands à Paris et à Londres. Il y a par ailleurs un certain nombre de reproductions de photographies des œuvres de Rosa Bonheur prises par Klumpke elle-même en 1900, afin de garder la trace des dessins et peintures restés au château qu’elle s’était vu contrainte de vendre, afin d’apaiser ses relations avec les frères de Rosa Bonheur. Des photographies plus intimes et informelles donnent également un aperçu du quotidien des deux femmes.
Rebecca Young (traduction française MB)
Octobre 2022
Découvrez dans cette vidéo, l’historie de Rosa Bonheur et son Château-atelier, récemment restauré (47 minutes)