Geoffroy Caillet : « Il faut reconnaître que Napoléon III a été visionnaire en mettant l’exclusivité de son pouvoir exécutif au service de la prospérité matérielle de la France » (février 2023)

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À l’occasion de la sortie du numéro Le Figaro Histoire consacré en février-mars 2023 à Napoléon III, le rédacteur en chef Geoffroy Caillet revient sur l’importance du renouvellement des études sur Napoléon III, un renouvellement permettant de mettre en valeur sa politique visionnaire et de nuancer son portrait et son règne (propos recueillis par Irène Delage).

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Geoffroy Caillet : « Il faut reconnaître que Napoléon III a été visionnaire en mettant l’exclusivité de son pouvoir exécutif au service de la prospérité matérielle de la France » (février 2023)
Geoffroy Caillet, rédacteur en chef Le Figaro Histoire © Stéphane Corréa / Le Figaro

napoleon.org : Alors que nous commémorons cette année 2023 le cent cinquantième anniversaire de la mort de Napoléon III, en exil en Angleterre, quelles idées directrices ont sous-tendu la conception éditoriale de ce numéro du Figaro Histoire (février-mars 2023) consacré au dernier monarque des Français ?
Geoffroy Caillet : Le Second Empire, qui fut à bien des égards une période faste pour la France, à laquelle il procura modernisation et enrichissement, a longtemps souffert de l’ombre projetée par la défaite de 1870, laquelle s’est cristallisée sur Napoléon III. Celui-ci n’a pas moins souffert de la réputation que lui a faite une IIIe République mal assurée, qui a trouvé en lui un repoussoir commode pour s’établir, en rappelant sans cesse un coup d’État qu’elle ne songea jamais à reprocher à son oncle : on ne prête qu’aux riches ! De là un long purgatoire, qui s’est traduit par une éclipse totale de la période, notamment à l’école. Ce n’est que depuis une quarantaine d’années que la recherche a permis de restituer une vision plus équilibrée du Second Empire et de Napoléon III, notamment par le biais de la biographie.
Dans cette perspective, le dossier que nous avons réalisé pour Le Figaro Histoire avec l’aide des meilleurs spécialistes, d’Eric Anceau à Thierry Lentz, de Xavier Mauduit à Jean-Claude Yon, de Nicolas Chaudun à Maxime Michelet, cherche à la fois à éclairer la personnalité de l’homme et à dresser un bilan renouvelé de l’œuvre du dernier souverain français. Nous avons donc scruté la carrière du premier, depuis sa naissance à l’ombre gigantesque de Napoléon Ier, à sa mort en exil à Chislehurst, et passé au crible les réalisations de la seconde, pour tenter de parvenir à une vision la plus juste possible de l’un comme de l’autre.

© Le Figaro Histoire n°66

napoleon.org : « Napoléon III, imposteur ou visionnaire ? » Le titre de ce numéro ouvre le débat. Quelles clés apportent les auteurs pour le faire comprendre ? Ont-ils eux-mêmes tranché ?
Geoffroy Caillet : La complexité de la personnalité de Napoléon III est un point sur lequel tous s’accordent et qui, au-delà de l’entreprise de noircissement organisée par la IIIe République, a autorisé des caricatures très opposées. Loin cependant d’avoir été un homme isolé et absolument impénétrable, il a laissé à ses contemporains comme à la postérité des moyens d’appréciation de son action. Il faut reconnaître qu’il a été indubitablement visionnaire en mettant l’exclusivité de son pouvoir exécutif au service de la prospérité matérielle de la France, comme le rappelle très bien Eric Anceau dans Le Figaro Histoire. Aucun chef d’État de son importance ne l’avait fait avant lui. Du crédit aux transports, de la modernisation des villes à celle des campagnes, aucun secteur n’a échappé à son attention. Ayant placé son règne sous le signe de la prospérité, comme le Premier Empire l’avait été sous celui de la gloire militaire, il n’a pas renoncé cependant à rechercher celle-ci : là commence le procès en imposture pour souligner qu’il n’était pas son oncle et que les échecs de sa politique étrangère, jusqu’à la désastreuse guerre contre la Prusse, pèsent lourd dans la balance. En revanche, l’aventurier qu’il fut dans sa jeunesse n’a rien de méprisable, comme on le croit depuis Victor Hugo : il est au contraire un homme d’action baigné d’une aura romantique, qui serait peut-être devenu légendaire si l’image du monarque vieilli et malade de la capitulation de Sedan ne l’avait pas effacé.

napoleon.org : Qu’aimeriez-vous que les lecteurs retiennent de la lecture de ce numéro ?
Geoffroy Caillet : Précisément la complexité d’une période et d’un homme qui appellent à la nuance et résistent à la simplification. Le Second Empire ne se cantonne pas au château de Compiègne, à l’Opéra Garnier ou aux toiles de Winterhalter, mais l’éclat dont ceux-ci témoignent nous dit quelque chose de cette période que ne saurait dissiper le mauvais souvenir de sa chute finale. Le succès de l’exposition « Fastes du Second Empire » organisée au musée d’Orsay en 2016 en a largement témoigné. Tout cela a été permis par son protagoniste, Napoléon III, à qui la France actuelle doit encore beaucoup. Il est frappant de constater combien l’enrichissement de la paysannerie, dans une France rurale qui représentait alors 75% de la population, est resté un souvenir vivace dans les familles françaises. Un autre point concerne l’attitude de l’empereur dans ses trois ans d’exil avec sa femme et son fils : il a tiré un bilan honnête de sa défaite, cherchant à l’expliquer tout en endossant ses responsabilités, et s’est montré soucieux de la formation du prince impérial dans l’idée qu’il pourrait reprendre un jour le flambeau de sa dynastie.

napoleon.org : Un dernier mot. Le Figaro Histoire dévoile les coulisses de la Cité de l’Histoire qui vient d’ouvrir ses portes sous la Grande Arche de la Défense à Paris, offrant spectacles et animations technologiques et ultra-immersives. Qu’en pensez-vous et plus largement que penser de ces nouveaux moyens d’appréhender l’Histoire ?
Geoffroy Caillet : Tout ce qui peut donner le goût de l’Histoire me semble de nature à être encouragé. Or ce goût naît de l’émerveillement à fréquenter le passé, notamment par le truchement souvent éblouissant de ce type de spectacle. Le temps de la connaissance vient ensuite : il passe par la lecture des livres et des acquis de la recherche universitaire, par le suivi de conférences et de podcasts. Il me semble donc vain d’opposer la familiarisation et l’approfondissement, l’histoire populaire et l’histoire savante, surtout quand l’une est conçue comme une passerelle vers l’autre, ce que prévoit d’ailleurs la Cité de l’Histoire avec son cycle de conférences assurées par des historiens de talent.

mise en ligne 6 février 2023

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